Vous dites ne pas vouloir polémiquer ! Mais vous m’attaquez personnellement sur un prétendu « logement de fonction qui m’aurait été attribué de façon temporaire » et que j’aurais refusé de libérer. Moi non plus, je ne veux pas polémiquer. Surtout pas sur ce sujet, car je n’ai jamais occupé de logement de fonction, contrairement à ce que vous osez affirmer.rn
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Bonjour M. Maïga ! Je vous remercie de façon très chaleureuse pour vos questions, qui je l’espère, permettront d’éclairer davantage les jeunes générations et de faire progresser notre débat. Permettez-moi, deux petites remarques préliminaires :
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Vous avez omis de vous présenter ! Si vous semblez me connaître, je n’ai malheureusement pas le bonheur de vous connaître. Mais enfin, même masqués, nous pouvons dialoguer entre frères. Car tous les Maliens sont frères, pour moi.
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Vous dites ne pas vouloir polémiquer ! Mais vous m’attaquez personnellement sur un prétendu « logement de fonction qui m’aurait été attribué de façon temporaire » et que j’aurais refusé de libérer. Moi non plus, je ne veux pas polémiquer. Surtout pas sur ce sujet, car je n’ai jamais occupé de logement de fonction, contrairement à ce que vous osez affirmer. Par contre, j’ai occupé un logement de cadre, en application du décret n°87/PG-RM du 24 mars 1980. Je suis prêt à débattre avec vous de mon expulsion par voie judiciaire qui est intervenue pour toucher un symbole : le « Collectif des cadres occupant un logement de cadre ».
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Cette association apolitique dont le combat émérite, soutenu par une large majorité de la classe et largement relayé par les organes de la presse nationale (presse écrite et radios libres), a permis de sauver le patrimoine immobilier de l’Etat. Patrimoine promis à un bradage certain, au travers des « 34 mesures de sortie de crise » édictées par le gouvernement malien en septembre 1993. En parcourant son histoire de dix ans (1993-2003) vous pourrez vous faire une idée de ceux qui voulaient s’approprier les biens de l’Etat, de même que ceux qui luttaient pour la sauvegarde de ces biens.
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Je fais la part entre l’histoire et la légende. Il y a une histoire du RDA, honorable, méritoire, épique, patriotique et parfois douloureuse que j’ai toujours saluée avec un respect ému. Mais il y a aussi une légende du RDA, qui est une part de l’histoire de notre pays, enjolivée, enrobée de mensonges et rewritée au gré des circonstances, que j’ai toujours dénoncée et que je dénoncerai toujours, n’en déplaise à M. Maïga.
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Je n’ai jamais mis en cause le patriotisme de qui que ce soit et encore moins celui « des responsables de la Première République ». Avec le recul de l’histoire, n’est-il pas permis de dire ce qu’ils ont fait de bien et ce qu’ils ont fait de mal ? Ou faudra-t-il continuer à se voiler la face, pour dire que tout n’était que luxe et velouté du temps de la 1re République, que tout n’y était que lumière ? Qu’avant cette 1re République, tout n’était que nuit noire et après cette République, tout ne fut que nuit noire ? Cela procède d’une vision, à la fois, manichéenne et narcissique que je n’ai pas. Car il va sans dire que si l’Union soudanaise, avec sa recréation en 1992, avait fait son autocritique, de façon publique, devant le peuple malien, nous n’en serions pas là.
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Dès le 21 octobre 1946, ce sont des hommes et des femmes, qui se sont sacrifiés, mettant leurs biens et leur énergie au service de la lutte émancipatrice de leur patrie. Beaucoup de ces hommes (commerçants, transporteurs, artisans, etc.) qui se sont saignés, n’ont jamais voulu se faire connaître, tout simplement parce que, dans leur culture, quand on fait du bien, on ne le crie pas sur les toits. Eux ne partaient pas de rien. Par contre, ceux qui partaient de rien, c’étaient les fonctionnaires subalternes de l’administration coloniale, auxquels ils ont fait confiance pour guider la lutte émancipatrice de la patrie.
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Vouloir et pouvoir
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Cette caste de fonctionnaires, qui, l’indépendance une fois acquise, l’a confisquée à son profit exclusif et a juré d’écraser ses bienfaiteurs d’hier ! En cela, l’Union soudanaise a entamé un pan important de notre culture : la gratitude. Au nom d’une idéologie étrangère, mal assimilée et mal digérée, qui voudrait que, « est moralement bien tout ce qui peut faire mal à la bourgeoisie », l’Union soudanaise a introduit au Soudan puis au Mali, l’ignominieuse habitude qui consiste à mordre la main qui, hier encore, vous nourrissait. N’est-ce pas de cette nouvelle culture dont El hadj Kassoum Touré a voulu témoigner aux derniers instants de son séjour ici-bas ?
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« Feu Maraba Kassoum avant son exécution a fait les dernières déclarations que voici, au sous-lieutenant Jean Bolon Samaké qui dirigea le peloton d’exécution : « Dites à Modibo Kéita que ce que j’ai fait pour lui, si je l’avais fait pour le bon Dieu, il ne m’aurait pas payé de la même façon que lui ». S’adressant à Dieu, il a dit : « Toi mon Créateur, Tu es témoin : l’argent que j’ai dépensé pour le RDA et pour Modibo au détriment de ma famille, frères, cousins, enfants, neveux et épouses, et que j’aurais pu rendre heureux, toute leur vie ; si mon assassinat peut me racheter auprès de Toi et avoir Ton pardon, je l’accepte. En tout cas, mon Créateur pardonne-moi cette faute à l’endroit des miens à cause de cette mort injuste dont Tu es le Témoin le mieux placé. » (In « La Roue » n°65 du 10 au 24 septembre 1992, P. 4-5.)
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M. Maïga, il y a le vouloir et le pouvoir. Conduire une politique, c’est savoir doser son effort en fonction de ses moyens, de son environnement tant interne qu’externe, mais surtout aller au rythme de son peuple. Car nul ne saurait faire le bonheur d’un autre contre et malgré lui. Entre créer des sociétés et leur assurer un fonctionnement régulier et rentable sont deux choses différentes. Entre créer une monnaie et lui assurer une gestion de longue haleine, sont deux choses différentes.
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Le problème du franc malien n’est pas tant que la dévaluation de 1967 soit politique ou économique. Le problème est que ceux qui se sont frappés la poitrine pour avoir créé le franc malien en juillet 1962, soient retournés moins de cinq ans après, auprès de l’ancienne métropole, pour quémander leur retour dans la Zone franc. Oubliant au passage qu’ils ont écrasé des hommes, ruiné des vies, détruit des familles, parce que certains ont osé leur conseiller la prudence !
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Des voix plus autorisées que la mienne peuvent éclairer notre débat sur bien des aspects, notamment celles des professeurs Samir Amin et Kary Dembélé. Ecoutons Samir Amin (conseiller du gouvernement malien de 1960 à 1963) : « La petite bureaucratie urbaine, née de l’administration coloniale, qui va présider aux destinées du Mali indépendant, s’épuisera dans un combat sans fin contre la micro-bourgeoisie commerçante. Une fois rompue l’alliance entre ces deux couches sociales sur laquelle s’était fondée le mouvement national, l’Union soudanaise RDA, les masses paysannes, qui avaient constitué la masse de manœuvre des luttes anticolonialistes, assisteront passivement aux luttes intestines de « la nouvelle élite ». p. 163.
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« Dans les conditions difficiles de ce pays pauvre, de telles orientations (celles de l’Union soudanaise, ajouté par nous) comportaient de graves dangers. Le succès ou l’échec devait dépendre de la nature des rapports politiques entre la mince couche dirigeante issue de l’US-RDA et les masses populaires rurales et urbaines. L’absence d’une organisation effective de ces masses et de leur contrôle sur l’appareil d’Etat rendaient nécessairement caricatural le socialisme malien, qui devait se manifester principalement par le développement d’une bureaucratie d’Etat. L’inefficacité, dans les conditions de ce pays démuni, devait nécessairement se solder par la désorganisation totale du système économique et, sous la pression du déficit grandissant des paiements extérieurs, conduire à la recherche permanente d’aides extérieures et finalement à la capitulation puis à la chute du régime ». p. 258.
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« Les vicissitudes qu’a connue, à l’époque, la planification malienne, la gestion défectueuse du secteur public, les violations permanentes des décisions de principe du plan et l’intervention quotidienne de la présidence et du bureau politique de l’US-RDA dans la politique économique, tout cela n’a plus désormais qu’un intérêt historique. On peut en tout cas constater l’écart considérable entre les objectifs du plan et les résultats obtenus. La production durant la décennie 60 n’aurait augmenté qu’au rythme médiocre de 1,8 % l’an (contre un objectif de 8 % par an, ajouté par nous), à prix constants, inférieur à celui de la population (2,2 %) ». p. 258.
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« L’industrie a absorbé 13 % des investissements totaux, financés à concurrence de 92 % par l’aide extérieure. Les sociétés d’Etat créées dans ce secteur – qui fournissait en 1967 environ 90 % de la production industrielle – ont été dans l’ensemble mal conçues et mal gérées, à l’exception sans doute des projets financés par la Chine, notamment l’usine textile de Ségou, la fabrique de cigarettes et d’allumettes et la sucrerie, qui constituent à peu près les seules réalisations industrielles valables du pays ». p. 260.
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« Même dans le domaine des réalisations sociales, auquel le régime était attentif, les résultats restent modestes. Le taux de scolarisation serait passé de 8 % en 1959 à 23 % en 1968, le nombre des lits d’hôpitaux était multiplié par 2,5, mais la qualité de ces réalisations, leur concentration en ville, leur coût de gestion, réduisent la signification des chiffres globaux ». p. 261.
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« Le mécanisme de l’inflation permanente que le Mali connaît depuis son indépendance ne comporte aucun mystère : face à une production stagnante, l’Etat distribue des revenus monétaires croissants pour faire face à ses dépenses courantes de fonctionnement et pour financer des investissements en sus de ceux financés par l’aide extérieure, tandis que les entreprises publiques ajoutent au déficit public le leur ». p. 261.
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« En moyenne, par an, l’endettement extérieur (à l’exclusion de la réévaluation de la dette extérieure en 1967) a été de l’ordre de 4,6 milliards »…
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« Le déficit provenant des dépenses publiques courantes aurait donc été de l’ordre de 2,3 milliards par an en moyenne de 1959 à 1968 ».
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« L’exécution du « plan » – dépenses d’investissements administratifs (infrastructure) et équipement des entreprises d’Etat – et le déficit des entreprises publiques seraient donc responsables de l’écart inflationniste à concurrence de 3,4 milliards par an en moyenne, soit 55 % environ de cet écart global » … p. 262.
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« L’Etat a donc financé environ 10 milliards d’investissements (soit en moyenne 1 milliard par an) par des moyens monétaires. Le déficit des entreprises publiques aurait, lui, été donc de l’ordre de 2,4 milliards par an en moyenne ». p. 263.
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Et la création du franc malien apparaît à bien des égards, comme la posture de celui qui scie la branche sur laquelle il est assis !
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« Incapable de ponctionner efficacement les masses rurales parce que celles-ci se situent largement en dehors de l’économie de marché, l’Etat malien a vécu de subsides extérieurs. Jusqu’en 1962, il a couvert ses déficits par les moyens de fortune que lui permettait son appartenance à la Zone franc : avances du Trésor français (3 milliards), retard dans le règlement des dettes postales (dette de la poste malienne à l’égard de la poste française en vertu des transferts opérés par l’Office des postes), réescompte factice de traites des sociétés d’Etat par la BCEAO. De 1962 à 1967, les pays de l’Est ont pris la relève. Sur le plan interne, le déficit public était couvert par des moyens monétaires, masqués en partie par le recours à des moyens de fortune (utilisation des fonds des comptes chèques postaux par le Trésor : 4,2 milliards fin 1968 ; obligations des banques déposées au Trésor à concurrence de 25 % de leurs dépôts : 744 millions fin 1968). Le déficit extérieur, lui, a été couvert par l’aide extérieure (crédit confirmé du FMI en 1964 : 2 milliards ; crédits à long terme affectés à l’équipement : URSS : 32 milliards, Chine : 7,5 milliards, RAU : 7 milliards, etc. ; prêts en devises : Chine : 15,7 milliards, URSS : 1,6 milliards, etc.) et par des moyens de fortune : moratoire sur les transferts des grosses sociétés étrangères, pétroliers, transitaires, etc. (1,5 milliard), blocage des transferts publics et suspension du service de la dette extérieure dont les échéances s’élevaient à 5 milliards au moment de la faillite constatée au printemps 1967 ». p. 264-265. (Samir Amin : « L’Afrique de l’Ouest bloquée. L’économie politique de la colonisation. (1880-1970 »), Editions de Minuit, Paris, 1971.)
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Si la dévaluation du franc malien, qui intervient le 7 mai 1967, n’est pas économique, rien d’autre dans ce bas monde ne sera jamais économique ! Production stagnante, déficits en tous genres (déficits d’exploitation des entreprises publiques, déficit commercial, déficit de la balance des paiements extérieurs, déficit sur le fonctionnement courant de l’Etat, etc.), inflation galopante et cessation de paiement, que faut-il d’autre pour dévaluer, une monnaie mal gérée à l’évidence ? Que le taux de 50 % ait pu être « politique », possible.
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Pourquoi ne pas investir en fonction de nos moyens ? Le Mali pouvait-il continuer à dépenser de l’argent qu’il ne produit ? Créer des entreprises mal gérées et déficitaires, pendant combien de temps ? Que le contexte de la guerre froide ait permis de faire illusion, pendant quelque temps, c’est ce que nous enseigne l’histoire. Mais même là, cela pouvait-il continuer éternellement ?
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Mon premier texte aurait gagné en clarté si j’avais écrit que les « avantages financiers » exorbitants et illégitimes que la nomenklatura de la 1re République s’était octroyés, étaient plus en nature (logements, eau et électricité et téléphone gratuits, voiture de fonction et carburants, etc.) qu’en espèces. Pour moi, il s’agissait de donner les origines de la course à la place et de l’apprêté à vouloir conserver la place, mais aussi de l’effritement des convictions, voire de l’opportunisme avéré de certains cadres.
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Etant parti d’une expression empruntée au Pr. Touré, je l’ai conservée comme telle, car somme toute, ce n’était pas le plus important. Mais, qu’ils soient en nature ou en espèces, les avantages accordés par l’Etat, sont en définitive, financiers. Je pense même avoir relativisé cette histoire des « avantages financiers », entre la 1re et la IIIe République, en faveur de la première.
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Inconséquences, intolérance, vanité
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Puisque M. Maïga me demande de lui fournir un seul exemple, je vais le faire par la voix du Pr. Kary Dembélé :
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« A cela il faut ajouter les crédits accordés à tous les membres du gouvernement, aux grands dirigeants du parti unique pour leur installation. Avec ces crédits et les prêts contractés auprès des organismes de crédits nationaux qui ne seront jamais remboursés, les dirigeants de l’US-RDA vont organiser la course à la construction de villas luxueuses et leurs vergers vont pousser au Mali comme des champignons ». (Kary Dembélé : « La dimension politique du développement rural », in « Mali : le paysan et l’Etat », ouvrage collectif, L’Harmattan, Paris, 1981. p. 119-125.)
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« Cela intervenait dans un contexte de marché noir, d’inflation et de salaires modiques et bloqués ! Lorsque les Bamakois commencèrent à grogner au vu des « millionquins » qui se développaient et de la construction d’un nouveau palais présidentiel, qu’ils jugeaient inopportun et non prioritaire, qui est monté au créneau pour défendre la nomenklatura ? Le président Modibo Kéita :
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« La bourgeoisie, ainsi que je l’ai dit, n’est pas un mode de vie, mais il y a un mode de pensée bourgeois. En effet, si la bourgeoisie était un mode de vie, je crois que l’on devrait dire qu’en 1962, c’est le monde entier qui est bourgeois, à l’exception de l’Afrique !
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« On parle parfois des villas des ministres, du palais du président !
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« Mais, peut-on penser que des hommes qui ont souffert avec le peuple, qui ont lutté avec lui, ont pu s’installer béatement dans un certain confort, en oubliant que leur victoire est la victoire du peuple, qui en a été le principal artisan ?
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« Ceux qui le pensent devraient regarder autour d’eux, dans le monde ! Ils verraient qu’il existe souvent de profondes différences dans tous les pays, et que cela ne signifie pas que ceux qui en bénéficient parfois involontairement sont des bourgeois !
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« La vérité, c’est qu’on devient bourgeois, c’est qu’on est bourgeois le jour où on ne se définit plus en fonction du peuple, et qu’on s’assigne comme objectif la satisfaction de toutes les joies du monde, même si on doit écraser le peuple qui est l’instrument de cette satisfaction ». (Modibo Kéita : « Discours et interventions », Editions du Progrès, Moscou. p. 107.)
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« Les joies du monde » ayant eu raison d’une bonne part de la nomenklatura, le président changea d’opinion et de discours, cinq ans plus tard. Ce qui aboutit à la dissolution de l’Assemblée nationale, à celle du bureau politique national et à la « Révolution active » !
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M. Maïga parle de la Somiex et des « koroboroboutigui ». On peut disserter longuement sur des boutiques supervisées directement par un cabinet ministériel. Je m’en garde de crainte que mes propos ne soient déformés pour leur donner une connotation d’ordre ethnique. Cependant, il oublie de mentionner les coopératives de consommation comme relais de la Somiex dans la grande distribution. Ne veut-il pas se souvenir des queues de dizaines d’heures, parfois toute une nuit, pour une ration insuffisante ? Des « ventes jumelées » ? La Somiex était-elle viable ? Kary Dembélé pense qu’elle a été inefficace et que cela eut des conséquences néfastes : « L’inefficacité de la Somiex chargée de l’approvisionnement des villes en biens de consommation a conduit à un gonflement des stocks, à l’apparition du marché noir et au développement de la contrebande avec le Ghana et la Côte d’Ivoire. Les commerçants privés ont importé clandestinement les produits destinés à Bamako et les autres villes, organisé les abattages et les ventes parallèles de bétail, leur procurant des bénéfices considérables : on évalue à 15 milliards de FM les revenus privés placés à l’étranger en 1968 ».
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Dans la réalité, l’Opam et la Somiex tondaient les paysans, cette masse taillable et corvéable, à satiété, par les deux bouts de la chaîne économique : production et consommation.
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Que dire de la Socima ? Si l’on sait que la 1re région regorge de calcaire tricalcique en gisements inépuisables, que représente une cimenterie de 50 000 tonnes de capacité ? Quand on sait que les pays les plus pauvres du monde se localisent dans la partie la plus chaude du globe (la zone intertropicale), que ces pays se caractérisent par une faible production d’énergie électrique et partant une faible consommation d’électricité par habitant, les dirigeants de l’Union soudanaise auraient été bien inspirés de ne pas déclencher « une course à la construction de villas » en parpaings. Car qui dit construction en dur sous les tropiques, dit climatisation.
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Etant donné l’ambitieux programme de construction d’usines, il eût été plus judicieux de réserver le ciment de Diamou aux bâtiments industriels et commerciaux, aux infrastructures sociales et autres bâtiments administratifs. Ce faisant, on réduirait la demande domestique en électricité pour réserver celle-ci, de façon prioritaire aux unités industrielles. On inciterait tous les privés à construire en terre. L’architecture soudanaise y gagnerait. Mais surtout pour contourner les inconvénients de la construction en terre (crépis annuel, notamment), on développerait les carrières d’Al-Hor de Tombouctou, comme revêtement au banco. Ce qui, dans le contexte dans années 60, offrirait activité et ressources à ce cercle, qui en manquait cruellement.
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M. Maïga demande qui a détruit les entreprises publiques de la 1re République ? Ceux qui les ont construites en endettant les générations futures, qui les faisaient fonctionner avec un déficit de 2,4 milliards par an et qui n’ont jamais su les gérer de façon efficiente !
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En accord avec le propos du Pr. Touré j’affirme que la corruption, dans notre pays, ne date pas de 1968, loin s’en faut ! Ainsi dès les premières années d’indépendance, ce sont des milliards qui disparaissent des caisses des coopératives, au moment de la nationalisation de l’Office du Niger : « Après une première période de flottement lors de la passation difficile des pouvoirs entre la France et le Mali (période où les fonds des coopératives disparaissent, situation bien connue) », le bulletin de liaison n°1 de l’Office en 1963, dans un texte évocateur « La réorganisation de la production dans un contexte socialiste, une tâche de première importance », indique bien la direction » (Dominique Gentil : Les mouvements coopératifs en Afrique de l’Ouest. Interventions de l’Etat ou organisations paysannes ?, UCI/L’Harmattan, Paris, 1986. p. 70.
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La vérité est que l’Union soudanaise a hérité d’un pays autosuffisant et que par ses inconséquences, sa mauvaise gestion, son intolérance et sa vanité, elle l’a rendu chroniquement déficitaire sur le plan alimentaire. S’étant fixée un taux de croissance annuelle de 8 % (objectif du plan quinquennal), elle ne parvint qu’à un modeste 1,8 %, pendant que la population s’accroissait au rythme de 2,2 % par an !
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« En 1960, la situation du Mali peut être caractérisée par une nette autosuffisance alimentaire (700 000 tonnes de mil/sorgho et 180 000 tonnes de riz, en 1959, pour 4,2 millions d’habitants) même si certaines régions (Gao et Kayes) sont structurellement déficitaires. Le Soudan a toujours été considéré comme le grenier de l’Afrique de l’Ouest, avec des excédents réguliers exportables vers les autres territoires (20 000 tonnes de sorgho/mil et 17 000 tonnes de riz exportées en 1959). Les cultures d’exportation facilement contrôlables portent sur l’arachide (160 000 tonnes en 1959) et le coton, promu et encadré par la CFDT (10 400 tonnes en 1959). » (Dominique Gentil : « Les mouvements coopératifs en Afrique de l’Ouest », L’Harmattan, Paris, 1986. p. 61)
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Dans un tel contexte, seule la modestie doit prévaloir !
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Diarra Sada
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(BP 2603, Bamako, Mali)
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