‘’Le qualificatif de « quatrième pouvoir » donné au poids des médias dans la sphère d’influence des Etats et des sociétés a crû, de façon significative, au fil des événements de l’histoire mondiale. Il s’agit là d’une influence qui s’est imposée envers et contre toutes les tentatives d’intimidation et de rétorsion, tout simplement parce que la presse, à la différence de la plupart des disciplines et des pratiques, peut être perçue comme véhiculant la totalité des valeurs de la culture.
Elle est philosophie quand elle procède à l’examen des destins des peuples et des hommes politiques.
Elle est idéologie quand elle prend l’option d’un lecteur particulier et partisan de la théorie et de l’action politique.
Elle est littérature quand elle attache à la forme du message la même considération qu’au fond. Elle véhicule une forme d’art achevée à travers ses illustrations, ses bandes dessinées, ses croquis.
La presse enfin est une éthique au sens fort, lorsqu’elle considère que son exercice doit s’accompagner de l’observance stricte d’un corps de valeurs qui lui seraient spécifiques.
Aussi, est-ce aujourd’hui une certitude qu’en cette fin de siècle, et demain de plus en plus, la suprématie des Etats se construit autour de la maîtrise et de la diffusion de l’information, au double titre de la quantité et de la qualité. L’Afrique, d’une façon générale, et singulièrement le Mali, mon pays, sont donc forcément sensibles à cet état de fait, en même temps qu’ils sont attentifs à l’émergence des nouvelles technologies de l’information, pour la raison bien simple que parmi les défis majeurs que le continent doit affronter pour le siècle prochain, l’accès à ces technologies conditionne pour beaucoup les possibilités de développement.
Pour autant, on ne peut, concernant l’Afrique, disserter de façon univoque sur les différents types de médias, dont chacun répond à un contexte particulier, lié à l’histoire de son émergence et aux conditions politiques, sociales et matérielles qui le spécifient.
La presse écrite, le presse audiovisuelle et Internet, loin d’avoir des positions semblables, sont en quelque sorte le reflet même du continent, dans ce qu’il véhicule de succès et de difficultés, que ceux-ci soient politiques, sociaux ou économiques.
D’une façon générale, la presse africaine a connu son printemps au début des années 1990, dans le sillage des revendications pour la liberté et la démocratie. Mais au Mali, si la presse écrite fut la première à porter ces revendications, elle fut rapidement supplantée par le radio pour des afférentes à son mode de communication avec le public.
On peut, sans se tromper, affirmer que la nouvelle technologie de communication et d’information qui a pour ainsi dire explosé avec l’avènement de la démocratie en Afrique se trouve être la radio. Qu’elle soit privée, associativité ou rurale, l’appropriation par la société civile et les partis politiques d’un moyen aussi puissant d’expression a fait faire à l’Afrique un saut qualitatif de même dimension, pourrait-on dire, qu’Internet dans les pays du Nord. C’est que la radio, en plus de ce côté magique attaché à toute nouvelle technologie, a été, pour les pays africains, l’instrument privilégié de la formation d’une conscience nationale, et, éventuellement, un outil d’endoctrinement puissant.
On ne peut imaginer, autrement que par ce média, la possibilité d’émergence d’une pensée sur des centaines de milliers de kilomètres carrés, voire des millions, où les populations étaient étrangères les unes aux autres, en l’absence totale de la moindre voie de communication.’’