Proclamation de la fédération du Mali : Bonne fête d’indépendance aux Maliens et Sénégalais

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C’est avec beaucoup de bonheur, que nous constatons depuis notre rédaction, que les intellectuels maliens en général, mais surtout la jeunesse fort heureusement, manifestent une véritable passion pour tout ce qui touche à leur passé.

De la toute première conférence des gouverneurs des colonies tenue en Afrique du 30 janvier au 8 février 1944 au cercle civil de Brazzaville, à la proclamation des indépendances du 1er janvier 1960 au 28 novembre 1960, en passant par cette autre conférence de Brazzaville tenue le 24 août 1958, ayant abouti à la formation d’une «Communauté» regroupant la «République et les territoires d’Outre-Mer», sans oublier le fameux congrès de Bamako, tenu du 18 octobre au 20 octobre 1946 à l’Ecole primaire supérieure Terrason de Fougères, toutes les générations ont accompli, à un moment donné, une mission historique dans l’évolution politique des anciennes colonies françaises d’Afrique.

L’«Inter de Bamako» se fera une mission de faire revivre, dans ses colonnes, les différentes phases qui ont conduit à ce qui se vit aujourd’hui sur notre continent, la fête du cinquantenaire des indépendances.

Pas de doute que le cinquantenaire a marqué le passage d’une période à une autre, à ce titre il devrait être un moment privilégié de grande réflexion, car les défis à relever perdureront au delà de 2010 surtout que le bilan actuel n’est pas des plus flatteurs.

Pour ce qui concerne notre pays, les Maliennes et Maliens, aujourd’hui aux commandes, étaient, dans leur écrasante majorité, jeunes voire très jeunes au moment de l’accession à l’indépendance du Mali.

Raison pour laquelle, sortant de cette forme d’autosatisfaction, nous avons préféré suivre un chemin original, celui de la restitution des faits dont la compréhension sera, sans nul doute, un plus pour les générations présentes et à venir.

L’opinion se rappelle que le général Charles de Gaulle a annoncé le 24 août 1958, dans un discours resté historique, qu’il sera proposé le 28 septembre 1958 au suffrage de tous les citoyens des territoires d’Afrique noire et de la métropole la formation d’une Communauté, avec une citoyenneté unique, mais dans laquelle les Etats membres jouissent de la possibilité de s’administrer eux-mêmes (autonomie) et de gérer démocratiquement et librement leurs propres affaires.

Cependant, il prévient que chaque territoire pourra prendre son indépendance en votant «non» à ce référendum du 28 septembre 1958. Dans ce grand empire français, seulement la Guinée s’est prononcée contre, optant pour son indépendance le 2 octobre 1958, alors que tous les autres territoires de l’AOF et de l’AEF se sont prononcés pour le statut de Républiques membres de la Communauté.

Ainsi, donc les leaders politiques des territoires du Dahomey, de la Haute Volta, du Soudan et du Sénégal décident de regrouper leur quatre Républiques en une Fédération, qui intégrera ensuite la Communauté comme Etat membre. Malheureusement, cette belle initiative d’intégration africaine ne sera pas suivie par le Dahomey et la Haute Volta.

Dans un premier temps, l’Assemblée territoriale du Soudan, par délibération N°47/A.T.S. du 24 novembre 1958, proclamera la République soudanaise.

Après ce préalable, la République soudanaise s’est ensuite dotée d’une constitution adoptée par la loi N°59-16/A.C.L.P. de l’Assemblée constituante législative provisoire et promulguée par décret N°6/P.G.P. du 30 janvier 1959 du président du gouvernement provisoire.

Comme, on peut déjà constater avec les leaders politiques des deux Républiques, les choses partaient très vite, pour la constitution de la Fédération du Mali, avec l’adoption de :

– la loi du 3 avril 1959 de la République du Sénégal portant adhésion de ladite République à la Fédération du Mali ;

– et de la loi du 4 avril 1959 de la République du Soudan portant adhésion de ladite République à la Fédération du Mali.

Dès lors, la Fédération du Mali sera dotée d’une constitution, d’un drapeau, d’une devise et d’un hymne.

C’est ensuite, que l’Assemblée législative de la République Soudanaise votera la loi N°59-2/A.L.-R.S. du 4 avril 1959 relative à l’entrée de la République soudanaise dans la Communauté, groupée avec la République du Sénégal sous la forme d’une Fédération dite «Fédération du Mali».

Animés par la ferme volonté d’unir leurs deux peuples dans une identité de destin, les dirigeants politiques formeront un gouvernement fédéral du Mali avec comme président du gouvernement Modibo Keïta, Vice-président Mamadou Dia et une Assemblée fédérale du Mali, élue pour cinq ans, avec comme président Léopold Sédar Senghor.

C’est ainsi que l’Assemblée fédérale du Mali, dont les membres sont les représentants fédéraux du Mali, prendra les dispositions législatives pour l’adhésion de la Fédération du Mali à la Communauté comme Etat membre.

Cette adhésion a été consacrée avec la promulgation de la loi N°59-2 du 4 avril 1959 portant adhésion de la Fédération du Mali à la Communauté, qui stipule : «L’Assemblée fédérale du Mali a délibéré et adopté, dans sa séance du 4 avril 1959, la loi dont la teneur suit : Article unique.- La Fédération du Mali adhère à la Communauté comme Etat membre».

Le président de l’Assemblée fédérale du Mali, Léopold Sédar Senghor.

L’Article 77 de la constitution de la Communauté et de la République de 1958 précise que : «Dans la Communauté instituée par la présente constitution, les Etats jouissent de l’autonomie ; ils s’administrent eux-mêmes et gèrent démocratiquement et librement leurs propres affaires. Il n’existe qu’une citoyenneté de la Communauté. Tous les citoyens sont égaux en droit, quelles que soient leur origine, leur race et leur religion. Ils ont les mêmes devoirs».

La particularité à ce niveau est que le président de la République française restera le président de la «République et de la Communauté» et tous les citoyens de la «Communauté» conserveront la nationalité française.

En effet, le droit à la citoyenneté était déjà une réalité suite au décret du 7 février 1897 portant application aux colonies, autres que la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion, des dispositions de la loi du 26 juin 1889 sur la nationalité qui précisait que : sont Français :

– Tout enfant légitime, né aux colonies d’un Français ;

– Tout enfant légitime, né aux colonies d’un père né lui-même en France ou aux Colonies ;

– Tout enfant légitime, né aux colonies d’une mère française ;

Nul doute qu’à l’époque, personne, parmi les leaders politiques, ne parlait d’indépendance à l’intérieur de la Communauté. Cela était synonyme de «sécession» donc une dangereuse attitude «anti-française», le mot «autonomie» était le seul indiqué.

Mais très vite, les leaders politiques de la Fédération du Mali seront poussés vers l’indépendance par Lamine Gueye connu sous le nom de Lamine Koura Gueye, le plus Soudanais des hommes politiques sénégalais. C’est donc ce député sénégalais, grand partisan de la demande d’indépendance, qui rédigera la lettre la réclamant et qui a été adressée au général de Gaulle. Lamine Gueye fera également partie des négociateurs, en plus des signataires de ladite lettre (Modibo Keïta, Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia) qui, à Paris, ratifieront la proclamation de l’indépendance le 20 juin 1960.

Ainsi, la «Communauté» instituée, par la «République et les peuples des territoires d’Outre-Mer», n’aura duré que du 4 avril 1959 au 20 juin 1960, consacré par une loi fédérale et son décret d’application.

Loi N° 60-14 du 20 juin 1960 proclamant solennellement l’indépendance nationale de la Fédération du Mali.

Article premier : – Le peuple du Mali proclame solennellement l’indépendance nationale de la Fédération du Mali.

Article 2 : – La présente loi sera exécutée comme loi de la Fédération du Mali et publiée aux journaux officiels de la Fédération du Mali et des Etats fédérés.

Dakar, le 20 juin 1960, à zéro heure. AN I de l’Indépendance.

Le président de l’Assemblée fédérale du Mali Léopold Sédar Senghor.

Décret N°60-130 du 20 juin 1960 portant promulgation de la loi fédérale N°60-14 du 20 juin 1960.

Article premier : – Est promulguée et sera exécutée, comme loi de la Fédération du Mali, la loi N°60-14 du 20 juin 1960, votée à zéro heure, proclamant solennellement l’indépendance de la Fédération du Mali.

Dakar, le 20 juin 1960 à zéro heure. AN I de l’Indépendance.

Le président du gouvernement Modibo Keïta.

Les réactions de la France ne se feront pas attendre, dont l’une, des toutes premières, porte sur l’amendement du code de la nationalité, en ce qui concerne les habitants des Républiques, qui avaient anciennement le statut de «Républiques membres de la Communauté». Ainsi, les autorités françaises ont invité, par la loi qui suit, lesdites populations à faire un libre choix par rapport à la conservation de la nationalité française.

La loi N°60-752 du 28 juillet 1960 portant modification de certaines dispositions du code de la nationalité.

Article 5 : – Il est ajouté au code de la nationalité un titre VII intitulé : «De la reconnaissance de la nationalité française» et ainsi conçu :

Article 152. – Les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l’article 13 du présent code, auxquelles une autre nationalité est conférée par disposition générale alors qu’elles possèdent la nationalité française, peuvent se faire reconnaître cette dernière nationalité par déclaration reçue par le juge compétent du lieu où elles établissent leur domicile sur le territoire de la République française. Ces déclarations peuvent être souscrites par les intéressés, sans aucune autorisation, dès qu’ils ont atteint l’âge de dix-huit ans ; elles ne peuvent l’être par représentation.

«Si les personnes qui font l’objet du présent article n’ont pas usé de la faculté qui leur est donnée par les dispositions précédentes, leurs descendants peuvent dès qu’ils ont atteint l’âge de dix-huit ans, souscrire les mêmes déclarations».

Malheureusement, la Fédération du Mali éclatera dans la nuit du 19 au 20 août 1960 suite à des querelles de personnes ou d’ambitions injustifiées.

On relève tout de même qu’au cours de son éphémère existence, la «Fédération du Mali» a connu deux statuts distincts, d’abord le statut d’un «Etat autonome» membre de la Communauté du 4 avril 1959 au 20 juin 1960 et ensuite le statut d’un «Etat indépendant» de sa sortie de la Communauté le 20 juin 1960 à la date de l’éclatement de ladite «Fédération du Mali» le 20 août 1960.

Et, les responsables des deux Républiques, soudanaise devenue Mali et du Sénégal, sont allés chacun de son côté à la recherche de repères et de symboles : une nouvelle constitution, un drapeau, un hymne ; mais extraordinairement, ils conservent, tous deux, la devise de la défunte Fédération du Mali «Un Peuple, Un But, Une Foi».

Fait du hasard ou pas, cette devise à elle seule démontre à suffisance qu’au delà des querelles de clocher des leaders politiques, Maliens et Sénégalais ont toujours constitué un même peuple, visant le même but et avec la même foi.

Dans la même foulée, la République du Sénégal retiendra un 4 avril, comme date de son accession à l’indépendance. Est-ce pour coller à ce 4 avril 1959, date d’adhésion de la Fédération à la Communauté avec la République Française au sein de laquelle le statut «d’Etat autonome» lui permettait de s’administrer soi-même et de gérer démocratiquement et librement ses propres affaires ?

Quant à la République soudanaise devenue Mali, elle retiendra un 22 septembre comme date de son accession à l’indépendance. Est-ce pour coller à ce 22 septembre 1878, jour de la «bataille de Sabouciré» ? Les derniers responsables de la 1ère République et quelques témoins encore vivants n’en soufflent mot.

Ce qui est cependant important pour les générations, présentes et à venir, c’est que la République du Mali et la République du Sénégal ont, toutes deux, accédé à la souveraineté nationale le 20 juin 1960.

Dans la mesure où, l’éclatement de l’éphémère Fédération du Mali, dans la nuit du 19 au 20 août 1960, ne saurait replonger, ni la République soudanaise ni la République du Sénégal, dans une autre dépendance.

Jeunes du Mali et du Sénégal, bonne fête d’indépendance 2011 !

Safounè KOUMBA

 

 

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