Pays de haute tradition historique, le Mali correspond à l’ancien Soudan. C’est un pays musulman dans lequel subsiste une partie du régime des castes qui divise la population selon les fonctions sociales : forgerons, pêcheurs, bouchers, griots…
Le parti dominant est l’Union soudanaise, parti révolutionnaire anticolonialiste dirigé par Modibo Keïta. Il est relayé par des comités locaux, des mouvements de jeunesse et, aux élections de 1959, il balaye ses rivaux. Après l’échec de la Fédération, le Mali se retrouve seul, pays sans voie d’accès à la mer, qui dépend de la France pour 80% de ses importations et doit faire transiter ses produits par la Haute-Volta et la Côte d’Ivoire. Le gouvernement se rapproche de la Guinée de Sékou Touré et lance une campagne de nationalisation et de collectivisation.
Une société étatique, la Somiex, est chargée de l’exportation des arachides, principale source de revenus du Mali, et de l’importation des produits courants. Les livres et journaux, la banque, les transports, la pharmacie sont également réglementés au niveau national.
Bien que le Mali ne veuille pas rompre avec la France, les dissensions s’accentuent avec l’ancien colonisateur. Les bases militaires sont évacuées, un Franc malien est crée, que la France se refuse à garantir, la balance commerciale reste déficitaire et les dépenses de fonctionnement augmente, tirées par les augmentations des fonctionnaires, les frais administratifs et la réalisation d’équipements luxueux improductifs (palais pour le chef d’Etat, Grand Hôtel). Dès 1967, il faut se rendre à l’évidence, le plan quinquennal a échoué.
En politique étrangère, le Mali soutient les combats menés en Algérie, au Congo, en Angola contre l’impérialisme. Il tente de s’assurer des appuis à l’est du côté de la Chine et de l’URSS, comme à l’ouest avec les Etats-Unis et l’Allemagne, par une politique de modération qui n’exclut pas la fermeté.
En politique intérieure, Modibo Keïta cultive son image de marque de sage, obtient le prix Lénine pour la paix et s’implique dans la mise en œuvre du socialisme. Mais celui-ci heurte l’individualisme des paysans. Sa politique puritaine (restriction des fêtes, interdiction des jeux de hasard) déplait également aux jeunes, qui préfèrent les fêtes aux causeries politiques. Les populations nomades touaregs du Nord entrent en rébellion, des manifestations contre l’austérité forcée éclatent en juillet 1962, réprimées avec brutalité. Des dirigeants de l’opposition meurent dans des conditions mystérieuses.
Aux élections de 1964, la liste unique de l’Union soudanaise obtient 99,8% des voix. Mais les finances du pays ne s’assainissent pas, la fraude reprend de plus belle, encouragée par la corruption au niveau de l’Etat, les commerçants mènent une guerre larvée contre le pouvoir, le FMI refuse un prêt, la France fait la sourde oreille. La production d’arachides s’effondre.
Modibo Keïta remplace le bureau politique du parti par un Comité national de défense des révolutions, appuyées sur des milices populaires. Il croit pouvoir compter sur la France, avec laquelle il vient de signer un accord, quand il est renversé en novembre 1968 par le lieutenant Moussa Traoré, qui devient chef d’Etat. Ce putsch surprend d’autant plus les observateurs internationaux qu’il ne s’accompagne d’aucune réaction de la population. Au contraire, femmes et jeunes applaudissent la chute du socialisme. Mais la lune de miel entre le peuple et ses dirigeants ne dure pas. Le régime cède à la corruption, guerroie contre son voisin burkinabé, s’appauvrit et, ayant pris ses distances vis-à-vis des pays de l’Est, demande l’aide de la France qui s’entremet en 1984 pour lui faire réintégrer l’Umoa. Le franc malien, dévalué de moitié, rentre dans la zone franc. Le président Traoré reste au pouvoir jusqu’en 1991.
Jean-Paul Gourévitch