Moussa TRAORE : Les frasques d’un coup d’Etat

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        Le 19 novembre 1968, un putch militaire mettait fin au régime du père de l’indépendance du Mali, Modibo Kéïta. Les nouveaux maîtres du pays étaient composés de 14 officiers et sous-officiers réunis sous l’appellation de Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN). Le jour de sa prise du pouvoir, l’équipe du CMLN justifia la raison du coup d’Etat par le souci de “redresser les affaires de l’Etat et restaurer la démocratie”. Mais ce qui était parti pour ne durer que quelques mois se sera éternisé pendant… 23 ans.

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                Au fil du temps, deux têtes de proue du CMLN, le capitaine Yoro Diakité et le lieutenant Moussa Traoré, vont se livrer une guerre sans merci. Ils étaient pourtant deux amis que “même la nuit ne pouvait séparer”, mais du jeu du “chat et de la souris” auquel ils vont se livrer, seul un d’entre eux sortira vainqueur : le général Moussa Traoré.

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L’instigateur d’un coup

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                Sorti de l’Ecole militaire de Fréjus, en France, le capitaine Yoro Diakité a effectué des campagnes au Congo Léopoldville, actuel République Démocratique du Congro (RDC). En ce temps, le Mali et certains pays africains – socialistes et progressistes – avaient décidé de soutenir le nationaliste congolais, Patrice Emery Lumumba, en vue de vaincre la sécession congolaise.

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                Rentré au pays, le capitaine Yoro ne jugea plus utile de se ranger derrière ses galons : il nourrissait de grandes ambitions. Bien avant ce fameux coup d’Etat, de Novembre 1968, il avait tenté un premier contre Modibo Kéïta et son régime. Pourtant, c’est Modibo Kéïta lui-même qui a préfacé ce fameux livré au titre douteux de Yoro:“Une main amie”.

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                 Modibo avait même recommandé Yoro au directeur de la Librairie Populaire de l’époque, Amadou Traoré, pour la promotion dudit livre. Mais Amadou Traoré maudira le jour où il fit la connaissance de Yoro…

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                 Malgré cette tentative de coup d’Etat ratée de Yoro, le Président Modibo, complaisant, le convoque, le conseille et… le renvoie à ses occupations. Ce fut une erreur monumentale, car pour Yoro, cette tentative de putsch n’était que partie remise. Et le renversement du président Modibo, le 19 novembre 1968, allait le prouver.

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                Les auteurs du coup étaient composés de deux groupes d’officiers. D’abord ceux issus de l’Ecole militaire française de Fréjus : les capitaines Yoro Diakité, Malick Diallo, et Mamadou Sissoko. Ensuite, les anciens élèves de Yoro dits du groupe de l’Ecole Militaire Inter-Armes (EMIA) de Kati: huit lieutenants, dont le plus ancien était.. Moussa Traoré.

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Preuve d’ingratitude

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                Le directeur de la Librairie Populaire de l’époque, Amadou Traoré, relate le tour pendable que lui a joué Yoro Diakité : “… Un jour, le capitaine Yoro, directeur de l’EMIA de Kati, est venu me voir pour que je l’aide à corriger un libre (NDLR : l’ouvrage “Une main amie”) qu’il est en train d’écrire. J’ai accepté et c’est comme ça que j’ai commencé à travailler avec lui sur son livre.”

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                M. Traoré précise : “Mon dernier jour de travail avec lui, c’était la journée du 18 novembre 1968. Très tôt ce matin-là, lui et le lieutenant Moussa Traoré se sont rendus chez moi à bord d’une Jeep. Yoro me dit qu’il aimerait bien qu’on finisse la correction de son livre aujourd’hui même. En attendant, Moussa Traoré avait pris place sous ma véranda. De 8 heures à 14 heures, je suis resté à l’intérieur pour travailler avec Yoro. Nous avons ensuite pris une pause et nous avons tous mangé ensemble.”

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                Et de conclure : “Moussa Traoré était toujours assis à la même place, sérieux et très calme. En ce moment, je ne pouvais pas du tout imaginer qu’à minuit, ces messiers, avec lesquels j’ai mangé chez moi, allaient faire un coup d’Etat. Ainsi, j’ai passé toute la journée avec Yoro à corriger son livre jusqu’à 19 heures. Et puis, ils sont repartis à bord de leur Jeep. Mais à minuit, on commence à nous arrêter. Voyez-vous comment Yoro m’a eu ? C’est comme ça qu’il m’a roulé dans la farine”

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Suspicions et trahisons

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                Le 22 novembre 1968, un gouvernement provisoire est formé. Une semaine plus tard, soit le 28 novembre, il est remanié. Quelques jours après, Moussa Traoré tonnait:“ Je le dis et le répète: l’ Armée n’a pas l’intention de rester au pouvoir pour le pouvoir !  Le redressement économique une fois terminé, elle se retirera dans les casernes”.

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                Dès lors débutera un climat de suspicions entre deux“coqs” qui ne pouvaient trôner dans la même basse-cour : Moussa Traoré, Président du CMLN, et Yoro Diakité, Chef du gouvernement. Le 19 novembre 1968, le gouvernement est encore remanié. Le capitaine Yoro perd son poste et devient ministre des Transports, des Télécommunications et du Tourisme.

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                 Le 10 septembre 1970, un autre remaniement survient et trois lieutenants font leur entrée dans le gouvernement : Joseph Mara comme ministre de la Justice , Amadou Baba Diarra comme ministre des Finances et du Commerce, et Karim Dembélé comme ministre des Transports. Mais quelques mois plus tard, le capitaine Yoro, à qui on avait confié le ministère de la Défense , de l’Intérieur et de la Sécurité -histoire d’endormir sa méfiance- est non seulement déchu de son poste, mais radié du CMLN et de l’Armée.          

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                Désormais seul maître à bord, Moussa annonce, en mars 1971 : “… J’ai le devoir de porter à votre connaissance que le CMLN, dans sa séance extraordinaire du vendredi 26 au samedi  27 mars 1971, a décidé d’exclure définitivement de ses rangs les capitaines Yoro Diakité et Malick Diallo, précédemment premier Vice-président et commissaire à l’Information du CMLN. Les intéressés sont également cassés de leurs grades et rayés des rangs de l’Armée. Ces sanctions exemplaires ont été prises en raison des faits graves dont ils se sont rendus coupables. En effet, n’ayant jamais pu, par les voies démocratiques, faire admettre, au sein du CMLN, leurs positions antinationales, anti-africaines et rétrogrades, ils ont purement et simplement fomenté un complot pour renverser, par la force, le CMLN et plonger ainsi le pays dans le désordre”.

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                D’autres officiers jugés félons subiront le même sort. Ainsi, les accusations de trahison portées contre eux et des civils seront aussi farfelues, peu fondées ou obéissant à la méfiance. En somme, pour faire“place nette” et rester le maître incontesté, Moussa Traoré n’a fait que renvoyer, à ses anciens compères et complices, la monnaie… de leurs pièges.

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Oumar DIAWARA

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