Le 19 novembre 1968 quatorze, (14) officiers organisent un putsch et renversent le régime de l’Union soudanaise RDA, dirigé par le président Modibo Keïta et s’autoproclament Comité militaire de libération nationale (CMLN). Il s’agit de lieutenant Moussa Traoré, Amadou Baba Diarra, Youssouf Traoré, Filifing Sissoko, Tiécoro Bagayogo, Yoro Diakité, Joseph Mara, Kissima Doukara, Malick Diallo, Charles Samba Sissoko, Missa Koné, Mamadou Sanogo, Karim Dembélé, Mamadou Cissoko.
Le 19 novembre, la junte militaire, par la voix du lieutenant Moussa Traoré déclara au peuple malien et à l’opinion publique internationale. «Notre objectif est l’assainissement de la situation sur tous les plans. Nous allons redonner confiance au peuple malien en lui garantissant l’exercice des libertés démocratiques les plus élémentaires. La République du Mali réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacré par la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948. Elle reconnaît aux hommes, le droit au travail et au repos, la liberté de se regrouper au sein d’organisations syndicales de leur choix pour la défense de leurs intérêts professionnels. Les partis et regroupements politiques concourent normalement à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leurs activités librement dans le respect des principes démocratiques…»
Le 20 novembre 1968, le CMLN promit en plus des libertés démocratiques, le retour de l’armée dans les casernes dans les six (6) mois à venir, le retour à une vie constitutionnelle normale, des élections libres et démocratiques auxquelles tous les partis politiques constitués pourront participer. En fait d’élections libres et démocratiques, les Maliens ont été soumis à vingt trois (23) ans de dictature.
Modibo Keïta et ses compagnons furent les premières victimes. Près de quarante (40) hauts responsables de l’US-RDA ont été déportés dans les bagnes de Kidal et de Taoudenit pour la plus part sans jugement jusqu’en 1977. Modibo Keïta meurt assassiné le 16 Mai 1977, plusieurs de ses codétenus dont Jules Traoré, David Coulibaly, Mamadou Diarrah, Lamine Sow meurent en prison des suites de mauvais traitements.
Le bâillonnement de l’intelligentsia malienne
Nombreux sont les cadres maliens qui ont séjourné dans les geôles du CMLN-UDPM. Alpha Oumar Konaré n’a jamais été inquiété pendant les 23 ans de dictature. Mieux, il a été ministre et fut le dernier cadre reçu au palais de Koulouba le 24 mars 1991. Konaré est une personnalité très complexe. Son parcours politique mérite une attention particulière. Il aurait à son actif l’échec de notre démocratie. C’est un silence coupable qu’il garde.
Avril 1969 : le 17 avril, une importante grève est déclenchée par l’ensemble des étudiants et élèves de Bamako. Le comité militaire accuse quelques civils d’être les instigateurs de ces évènements et sont arrêtés : Abdehramane Baba Touré (directeur de l’ENSUP), Bernard Cissoko (professeur de philosophie), Kadari Bamba (directeur de l’usine d’allumettes SONATAM), Mamadou Doucouré (professeur de physique), Gnabenu Ogoniangaly (ingénieur à la SONAREM), Zantigui Mangara (étudiant en philosophie), Oumar Yattara (contrôleur des PTT), Alpha Oumar Konaré (étudiant en histoire) qui sera libéré quelques jours plus tard.
Les autres seront maintenus au secret pendant cinq (5) mois, humiliés et torturés parce qu’ils sont membres du PMT et seront condamnés à 18 mois de prison. Toujours en 1969, le capitaine Diby Silas Diarra et ses compagnons sont accusés de tentative de coup d’Etat. Très peu survécurent.
1970 : dissolution de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM)
Le CMLN tente de mettre une direction de l’UNTM à sa dévotion par l’organisation d’un congrès. Ce fut un échec. La direction démocratiquement élue par le congrès est dissoute. Les décisions du congrès sont annulées et les biens de l’UNTM confisqués.
Janvier 1971 : le CMLN met en demeure les membres du bureau dissout de constituer une délégation pour représenter l’UNTM à la conférence syndicale panafricaine prévue au Caire. Devant le refus des syndicalistes, près de vingt (20) responsables syndicaux sont arrêtés et torturés dans les centres de détention du régime militaire. Ce sont : Bougoury Diarra, Soumana Maïga, Mamadou Kassa Traoré, Germaine Diarra, Lassana Traoré, Garan Kouyaté.
Mars 1971 : le capitaine Yoro Diakité, premier chef de gouvernement du CMLN et le capitaine Malick Diallo sont arrêtés et condamnés aux travaux forcés pour tentative de coup d’Etat. Yoro meurt en détention dans des conditions atroces.
Mai 1971 : Cheick Oumar Tangara étudiant malien à Dakar, arrêté avec d’autres camarades, meurt en détention des suites des mauvais traitements qui lui sont infligés.
25 avril 1974 : le Comité militaire de libération nationale publie son projet de Constitution et appelle les Maliens à le plébisciter par référendum le 02 juin 1974. Un tract du «Regroupement des patriotes maliens» (parti clandestin) appelle à voter «non», dix huit personnes sont arrêtées dont Ibrahim Ly, Oumar Sory Ly (ancien responsable de l’USRDA), Mohamédoun Dicko (professeur d’histoire), Samba Sidibé (ingénieur des TP), Bakary Konimba Traoré (Economiste), Adama Samassékou (linguiste), Cyr Mathieu Samaké (directeur Liptako Gourma), Mani Djénépo (Inspecteur de Jeunesse), Jean Etienne Diendéré (Economiste), Seydou Thiéro, Cheick Sadibou Cissé (architecte), Mamadou Kouyaté, condamnés de deux à quatre ans de prison.
Ibrahima Ly mourra quelques années plus tard des suites à des mauvais traitements subis. Kary Dembélé, professeur à l’ENSUP, est arrêté et sauvagement torturé. Il subira les pires services et humiliations durant sa détention dont les séquelles ont été irréversibles. Beaucoup de ces patriotes ont connu les bagnes de Kidal et de Taoudéni. Ibrahima Ly rend magistralement compte de l’univers carcéral malien sous le régime Moussa Traoré dans «Toiles d’araignées».
13 mars 1977 : les élèves et étudiants créent l’UNEEM (Union nationale des élèves et étudiants du Mali) organisation indépendante du pouvoir.
Le 21 avril 1977 : l’UNEEM demande l’abrogation du décret et la libération des détenus. Le régime réagit par la fermeture des établissements.
Le 25 avril, la police, la gendarmerie et l’armée occupent les établissements scolaires.
Le 9 mai, les élèves et étudiants manifestent dans les rues de Bamako. Ils réclament la libération des détenus, la libération et le retour de Modibo Keïta au pouvoir. La répression se déchaîne. Des arrestations massives sont opérées, suivies de tortures.
Le 16 mai 1977 : Modibo Keïta meurt d’un empoisonnement en prenant son repas au camp militaire de Djicoroni.
Février 1978 : le 28 février, les rivalités internes au CMLN aboutissent à l’arrestation de Tiécoro Bagayogo et de Kissima Doukara. En même temps, sont arrêtés et déportés plus de cinquante (50) militaires et civils. Certains d’entre eux mourront en détention des suites de mauvais traitements dont Tiécoro Bagayogo, Kissima Doukara, Youssouf Balla Sylla.
Avril 1978 : en avril, commença à paraître «Le bulletin du Peuple», chaque parution créait la panique et la fureur du régime. Il paraissait sous la plume de Mohamed Lamine Gakou à partir de Dakar jusqu’en 1985. L’UDPM (Union démocratique du peuple malien) est créée en mars, parti unique. Un tract dénonce ce parti et réclame de larges libertés démocratiques. Ses auteurs présumés dont Mamadou Gologo et Idrissa Diakité (professeur d’histoire) sont jetés en prison. Les manifestants continuent de plus belle sur injonction, l’UNTM dissout les sections SNEC sur injonction du pouvoir.
Le 17 décembre 1978, les femmes manifestent aux côtés des scolaires et affrontent courageusement les forces de l’orde.
15 janvier 1980 : l’UDPM décrète la dissolution de l’UNEEM. En réponse à cette mesure antidémocratique, les élèves et étudiants organisent des manifestations dans toutes les villes du pays. Les forces de l’ordre tirent sur les manifestants. A Ségou, Moulaye Diarra, blessé par balle deviendra aveugle.
En mars, de nouvelles arrestations massives sont opérées. Les professeurs Mamadou Doucouré et Victor Sy sont arrêtés et torturés.
Le 17 mars 1980, Abdoul Karim Camara dit Cabral, secrétaire général de l’UNEEM est arrêté, torturé et assassiné au camp para de Djicoroni.
Le 5 juillet 1980, un détachement armé charge les étudiants réunis dans l’amphithéâtre de l’ENSUP pour commémorer le 25ème anniversaire de la naissance du leader assassiné, Cabral. Bilan de nombreux blessés.
Le 13 juillet, l’élève Sory Ibrahima Thiocary est assassiné à Mopti.
Le 15 octobre 1980, le régime UDPM décrète la fermeture des écoles pour un an.
Mars 1990 se tient à Bamako, la conférence régionale de l’UDPM sur la démocratie au sein du parti. Des cadres invités prennent la parole pour dénoncer la dictature.
Les 28 et 29 mai 1990 : un Conseil central extraordinaire de l’UNTM se tient au cours duquel est votée une résolution en faveur du multipartisme. Rappelons que l’UNTM était membre du conseil national de l’UDPM.
Le 25 août 1990 : le Conseil national de l’UDPM rejette le multipartisme.
Le 30 août 1990 : la Cour Suprême annule le décret de radiation de Mme Manassa Danioko, présidente du tribunal de 1ère instance radiée en décembre 1988 pour n’avoir pas obtempéré aux injonctions des autorités.
Octobre 1990, naissance des associations Adema, CNID, AEEM.
Le 4 août 1990 : le Barreau malien vote une déclaration en faveur du multipartisme.
Le 7 août 1990 : publication de la lettre ouverte au président de la République. Lettre initiée par le FNDP, portant la signature de deux cents (200) intellectuels et cadres.
Source : les archives d’Amadou Djicoroni TrAORE
ok, je vois.
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