Les révélations de Modibo Kéïta sur la mort de Fily Dabo Sissoko, Hammadoun Dicko et de Kassoum Touré

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"l l y avait plusieurs formules à envisager pour Fily Dabo, Hammadoun Dicko et Kassoum Touré, les placer dans les endroits qui ne peuvent pas être atteints ou alors les liquider physiquement. C’est la dernière formule qui a été retenue » dixit Modibo Kéïta.
Après la remise du document par Diby Sillas Diarra, la commission Nationale d’enquête s’est rendue à Kayes pour prendre l’audition de Modibo Kéïta. Nous vous donnons lecture des déclarations 
 L’an mil neuf cent soixante neuf et le quinze septembre.
Nous, Koly Sangaré, Adjudant chef de la Gendarmerie, Bouréma Kondo, Officier de Police, Namory Traoré, Officier Police, Mamadou Traoré, Maréchal des Logis de la Gendarmerie, respectivement Vice Président et Membres de la Commission Nationale d’Enquête :
Poursuivant notre enquête, et agissant en exécution de l’Ordre de Mission N° ? en date du 12 Septembre 1969 de Monsieur le Président de la Commission Nationale d’Enquête :
Vu les P.V d’audition et notamment de confrontation des nommés Diby Silas Diarra, Mamadou Diakite et Bakara Diallo, sur la mort de Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko et Kassoum Touré.
Nous nous sommes transportés à Kayes, où étant,
Faisons comparaître devant nous, ce même jour, à neuf heures quarante-cinq minutes, Mr Modibo Keita qui répond comme suit à nos interpellations successives :
1- Sur son identité :
« Je me nomme Modibo Keita, né le 4 Juin 1915 à Bamako, fils de feu Daba et de Fatoumata Camara, Instituteur, ex-président de la République et Chef d’Etat du Mali, en détention à Kayes.
 
2- Sur les faits :
Question : En tant que ex-Chef de l’Etat du Mali, que savez-vous sur la mort de Fily Dabo Sissoko, Hammadoun Dicko et Kassouma Touré ?
Réponse : Ce que j’ai déjà déclaré, à savoir, selon l’information que j’ai reçu, qu’ils sont morts au cours d’un transfert dans une autre localité lors d’une tentative de fuite.
Demande : Sur le mort de ces trois détenus, nous vous donnons lecture des déclarations des nommés : le Lieutenant Jean Bolon Samaké qui a commandé de peloton d’exécution, le capitaine Diby Silas Diarra, alors Commandant de Cercle de Kidal et responsable militaires de la zone opérationnelle, qui avait donné l’ordre d’exécution au Lieutenant. Jean Bolon Samaké, l’Adjudent-Chef Gaoussou Koné ayant fait partie du peloton d’exécution, Mamadou Diakite ex-ministre de la Défense et de la Sécurité, Bakara Diallo, ex-gouverneur de la Région de Gao et responsable politique et administratif de la zone opérationnelle de Kidal de 1963 à 1964. Qu’avez-vous à répondre après avoir entendu ces différentes lectures ?
Réponse : J’ai écouté avec beaucoup d’attention les différentes déclarations. Je précise une fois de plus que je ne me souviens pas avoir donné à Bakara Diallo ; au cours d’une rencontre avec les Mauritaniens à Kayes ; l’ordre d’en finir une fois pour toute avec les Fily Dabo, Hammadoun Dicko et Kassoum Touré. Je lui ai certainement dit, après toutes les informations reçues de la 6ème Région, sans pouvoir préciser le lieu ni les autres circonstances, d’en finir avec les trois détenus.
Demande : qu’entendiez-vous par votre expression : « en finir définitivement avec les trois détenus » ?
Réponse : Il y avait plusieurs formules à envisager, les placer dans les endroits qui ne peuvent pas être atteints ou alors les liquider physiquement. C’est la dernière formule qui a été retenue.
Demande : Pourquoi cette décision n’a –t-elle pas été portée à la connaissance du peuple ?
Réponse : On n’y a pas pensé.
Question : Ces trois détenus avaient été graciés par vous-même, pourquoi donc les avez-vous fait exécuter par la suite ?
Réponse : Ma réponse se trouve déjà annoncée dans ma précédente déclaration, faisant allusion aux informations reçues de la 6ème Région, ayant trait aux intentions d’éléments étrangers à l’égard de la République du Mali et des trois détenus.
Question : Un travail de charlatanisme ayant pour but, selon le charlatan- dénonciateur, d’en venir à bout de vous, Modibo », aurait été sollicité par Fily Dabo Sissoko et ses consorts. En aviez-vous en connaissance ?
Réponse : Je n’ai jamais eu connaissance de ce problème de charlatanisme.
Question : De qui receviez-vous les informations auxquelles vous faites allusion ?
Réponse : Des autorités de la 6ème Région.
Question : Quelles sont ces autorités ?
Réponse : Bakara a fait allusion aux informations que j’ai évoquées ; il m’est difficile de préciser si c’est le Gouverneur de Région ou c’est le Commandant de Cercle, à l’époque, de Kidal.
Question : Etiez –vous le seul à prendre la décision d’en finir définitivement avec les trois détenus ?
Réponse : Il n’est pas dans mes habitudes, quoi que premier responsable à l’époque, aussi bien sur le plan du parti que sur le plan de l’Etat, pour une décision quelconque de m’en référer à ma seule opinion, quoique cela n’ait pas été reconnu.
Demande : Cette déclaration nous amène à déduire que la décision n’a pas été prise par vous tout seul ?
Réponse : Je n’ai plus rien à ajouter
Question : Ousmane Bâ, en tant que Ministre de l’Intérieur d’alors, était-il au courant de la décision ?
Réponse : Je ne lui en ai pas parlé. Je ne me rappelle pas non plus s’il était présent lorsque je rapportais la décision à Bakara.
Question : Vous rappelez-vous avoir, soit spontanément soit sur intervention de Bakara Diallo, informé l’ex-Ministre de la Défense et de la Sécurité, Mamadou Diakité, de la décision d’en finir définitivement avec les détenus Fily Dabo Sissoko, Hammadoun Dicko et Kassoum Touré ?
Réponse : Si j’en avais parlé à Diakité, il y aurait certainement fait allusion. Je ne me souviens pas non plus que Bakara m’ait demandé de mettre Diakité au courant de la décision.
S.I.R. : Je ne me souviens pas du tout de ce détail, c’est-à-dire une procédure d’exécution des trois détenus.
Question : Pourquoi vous ne voulez pas dénoncer dans cette affaire autres personnes ayant participé à la prise de la décision ?
Réponse : Parce que, moralement et humainement j’estime ne pas en avoir le droit.
Question : la grâce accordée à ces détenus (commutation de leur peine capitale en détention perpétuelle) avait elle été révoquée ?
Réponse : non. Elle n’a jamais été révoquée.
Question : avez-vous autre chose à ajouter ou à retrancher de votre déclaration ?
Réponse : je n’ai rien d’autres à ajouter.
Plus n’a déclaré, après lectures faites, persiste et signe avec nous.
La Rédaction

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