A 82 ans, Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni n’a rien perdu de sa combativité. De la résistance à la pénétration française en passant par l’éclatement de la Fédération du Mali au coup d’Etat du 19 novembre 1968 et la mort du 1er président, l’auteur de ‘’Modibo Kéïta, une référence, un symbole, un patrimoine national’’ a parlé sans réserve.
Les responsables du Groupe Zeyna et de l’Amemok ne pouvaient pas trouver mieux qu’Amadou Seydou Traoré pour parler de feu Modibo Kéïta. Pour le président du Réseau des communicateurs traditionnels pour le développement en Afrique de l’ouest (Recotrade), Mamadou Ben Chérif Diabaté, Amadou Seydou Traoré est un homme de conviction, humble et sobre. Aux premières heures de l’indépendance, dit-il, c’est lui qui a pris 50 millions pour aller remettre à Modibo Kéita en guise de sa contribution personnelle dans la construction du Mali.
D’entrée de jeu, l’ancien Directeur général de la Librairie populaire du Mali montre les couleurs de son intervention. «Nous devons, martèle-il, porter plainte contre la France pour génocide ». Selon lui, la guerre d’occupation du Soudan a duré 50 ans. Et les Français ont mis trois siècles pour étudier le Mali. Il y a eu plus de 97 millions de morts.
Amadou Seydou Traoré estime que l’éclatement de la Fédération du Mali est un véritable coup d’Etat perpétré par la France. Si Modibo voulait une Afrique unie et fédérée, tel n’était pas le cas pour le Général De gaulle. La Fédération a éclaté parce que De gaulle ne voulait pas voir l’Afrique fédérée. C’est l’armée française qui a arrêté Modibo et ses compagnons et les a expulsés vers le Mali. Tous les récits, dit le conférencier, ont été relatés dans un livre disponible au Mémorial Modibo Kéita, dont l’auteur est Etié Debois Lambère, ambassadeur de la France au Sénégal. Ce dernier avait été nommé uniquement pour faire éclater la Fédération.
Les raisons qui ont présidé à l’implosion de la Fédération ont été également celles qui sont à l’origine du coup d’Etat du 19 novembre 1968. Pour ce compagnon du père de l’Indépendance, ‘’l’éclatement de la Fédération a été le match aller et le coup d’Etat du 19 novembre, le match retour.’’ ‘’Le coup d’Etat’’, dit-il, ‘’a été perpétré pour engager la marche arrière de notre pays.’’
Il a rappelé les conditions dans lesquelles Fily Dabo a été nommé conseiller au ministère de l’Education, leur tournée, leur marche, leur arrestation, leur jugement, leur détention. On retient des témoignages d’Amadou Seydou Traoré que le convoi qui transportait Fily Dabo et ses camarades, alors conduit par le lieutenant Konimba Kourouma, est tombé dans une embuscade tendue par les rebelles. Pour lui, c’est un mensonge de dire que Modibo a assassiné Fily Sissoko, Hammadoun Dicko et autres. Selon Amadou Seydou Traoré, la thèse de la mort de Modibo Kéïta est claire. ‘’C’est un empoisonnement par injection sur une ordonnance prescrite par Dr Faran Samaké…’’, a-t-il souligné. ‘’Moussa Traoré, Tiécoro Bagayoko et son oncle Faran Samaké ont assassiné Modibo Kéita.’’ Pour conforter ses propos, il cite les témoignages de Soungalo Samaké qui était à l’époque commandant du Camp Para.
A l’en croire, la démocratie qui n’est pas une nouvelle invention, est un pur mensonge. A Rome, il existait une démocratie esclavagiste. En Angleterre, c’est la démocratie royale. La France a une démocratie colonialiste. Donc, selon lui, la démocratie ne veut pas dire laisser tout le monde faire ce qu’il veut. Contrairement à une opinion courante, l’ancien syndicaliste affirme qu’il n’y a pas eu trois républiques. De l’avis du vieux Traoré, il y a eu deux républiques et une parenthèse historique. La 1ère République va de 1960 au 19 novembre 1968. La deuxième république a commencé après les événements de mars 1991. La parenthèse historique a commencé avec le coup d’Etat du 19 novembre. ‘’Le Comité militaire de libération nationale a été installé sur le mensonge. Il a géré le pays sur le mensonge. Et l’Udpm a été installée sur le mensonge’’ a souligné Amadou Seydou Traoré en précisant que le titre de son prochain ouvrage est ‘’ 23 ans de mensonge’’.
Chiaka Doumbia
