Les droits de l'Homme sous le CMLN et l'UDPM : La mort de Kissima Doukara et de Tiékoro Bagayogo

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Avec Modibo Kéita, le Mali a trébuché gravement sur les droits de l’Homme. Notre pays devait fatalement tomber avec Moussa et le Comité militaire.

Kidal, Taoudéni, Tombouctou, le nord du Mali….. Ces noms évoquaient aux Maliens une seule image : le prisonnier politique enchaîné, mis aux travaux forcés et grillé au soleil de feu avant d’être mis à mort à petit feu ou alors sous des balles. C’était le Mali de Modibo. L’homme était très brillant (il est sorti major de sa promotion du fameux William Ponty), très courageux (il l’a démontré toute sa vie, y compris le jour de sa capture) et très patriote (il paraît qu’il avait un seul amour : le Mali), le fils de Daba aurait pu écrire pour nous une page aussi glorieuse que celle de son ancêtre Soundiata Kéïta.

Mais l’homme de grande taille comme on aimait l’appeler en Bambana (Tièdjan) avait décidé de bâtir le Mali sur le modèle inventé par Karl Marx : le socialisme. Il installa alors la terreur quotidienne et confisqua toutes les libertés. Huit ans plus tard, le pays était bloqué et seul pouvait agir une force organisée et discrète : l’Armée.

L’effet boomerang

Un boomerang est un objet en bois,  un peu recourbé. Si on le jette, il revient toujours au point de départ ;  et avec la force et la rapidité du départ. Modibo a semé le tsunami en terme de violation des droits humains, fatalement Moussa a hérité des inondations. Les militaires ont trouvé sur place des bagnes, la torture et les exécutions sommaires. Ils ont tout bêtement perpétué la tradition. Pas seulement contre les anciens dignitaires socialistes, mais en leur propre sein. Les cas de deux membres fondateurs du Cmln (Comité militaire de libération nationale) Kissima Doukara et Tiékoro Bakayoko sont illustratifs en ce sens. C’est un modèle qui caractérise bien le régime Cmln et Udpm.

Lorsque les militaires ont pris le pouvoir, ils se sont aussitôt confrontés à un problème crucial : que faire avec ? Au départ, ils n’étaient ni prêts ni préparés à l’exercer. Mais à qui le remettre ? L’Us – Rda était la seule force politique organisée, en cas d’élection, il reviendrait aussitôt aux affaires. Ils existaient des partis politiques clandestins hérités du temps colonial comme le Pmt, le Pai, le Pmdr,… (Même le Psp était encore vivant) mais en cachette. A part ce dernier, tous ces partis étaient d’obédience marxiste, encore plus socialistes que l’Us-Rda. Alors que faire ? (d’autant plus que les Maliennes et les Maliens ne cessaient de leur manifester soutien, confiance et désir de continuer avec eux ?) continuer ou retourner dans les casernes.Mais il est permis de penser qu’avec le temps, le Cmln s’est fissuré sur la question : certains voulaient continuer et d’autres préconisaient le retour dans les casernes. Bien d’analystes placent dans ce cadre les arrestations qui ont suivi les événements du 28 février 1978, date d’arrestations de Kissima Doukara, ministre de la défense, de l’Intérieur et de la sécurité, de Tiékoro Bakayoko, Directeur général des services de sécurité et de Karim Dembélé, ministre des transports et des travaux publics. Le capitane de police Mamadou Belco N’Diaye, commissaire du 1er Arrondissement de police de Bamako,  a lui aussi été arrêté dans le même contexte le 9 mars 1978. Et c’est son livre ”Quand le pouvoir délire”, Edition EDIM – SA, 2010, qui nous édifie sur la mort de Kissima et Tiékoro.

Etre ou ne pas être au pouvoir, telle était la question

Fin 1977, des rumeurs persistantes circulaient sur les dissensions au sein du Cmln à propos de continuer la politique ou le retour dans les casernes. Il est établi que le comité militaire ne tenait plus ses réunions ordinaires faute d’adversité avancée. Des troubles étaient prédits et des dates étaient même fixées. Le pays n’était plus vraiment gouverné et les administrations centrales évoluaient dans le brouillard et le laisser-aller. C’est dans ce contexte que les responsables de la police de Bamako ont voulu que leurs lanternes soient éclairées par la Direction générale et Tiékoro lui-même. Leurs vœux seront exaucés et une première réunion a lieu le 14 janvier 1978 dans les locaux de la Direction générale. Dans ”un franc-parler qui lui était habituel”, Tiékoro a dépeint aux commissaires et chefs de divisions réunis, la situation au sein du Cmln en conclusion écrit Belco N’Diaye, ”la fin du mandat du comité militaire, tous les membres devaient cesser de faire de la politique : regagner les casernes ou basculer dans la vie civile”. Les rumeurs se confirmaient donc. Une autre réunion du même genre se tint ensuite le 9 février 1978.

Trois semaines plus tard, tous ceux qui ont participé à ces réunions, seront arrêtés, envoyés au Camp para devant une commission d’enquête dirigée par le chef de bataillon, Sory Ibrahima Sylla, piégés et expédiés dans les bagnes du Nord. C’est le départ d’une nouvelle ère de violation massive des droits de l’homme, d’arbitraire et de traitements d’êtres humains très regrettables. Moussa finira seul maître à bord mais une coalition socialo-communiste remporte toutes les élections en France en 1983, avec à  sa tête le sinistre et perfide français Mitterrand. L’homme était ”un faux type”, un expert en trahison et d’une rancune tenace.

Il va travailler à comploter contre Moussa et à le pousser vers la faute, afin de le prendre au piège et venger Modibo Kéïta (qui était de gauche comme lui) le Rda et le socialisme. Malheureusement pour le colonel Moussa, il n’existait pas de presse privée au Mali (ce que tes amis te cachent, tes adversaires te l’apprendrons gratuitement pour t’aider à voir clair dans les choses, sortons de cette parenthèse et revenons à nos prisonniers, en sautant la longue chaîne de mesquineries, d’arbitraires et de vrais faux procès.

Sautons les étapes pour nous retrouver à Taoudéni où le sort va lier les destins du capitaine (et diplomate) Mamadou Belco N’Diaye, de Kissima Doukara, Tiékoro Bagayogo, Alassane Seck et autres. Nous tirons vers la fin de l’année 1982 et nos prisonniers sont confiés aux soins de l’adjudant chef Nfali ould Boïda. Dès son arrivée, le sous-officier se manifesta par la réouverture du site de l’extraction du sel situé à 12 km du camp. Le programme est tout simple : réveil à 4h, départ à 4h30 à pied et arrivée à la mine à 6h30. Le ”travail” se fait de 7 heures à 18 heures avec une seule pause de 30 minutes. Les gardiens suivaient la marche en véhicule militaire. Passons sur les détails de cette extraction et transport des barres de sel qui tuaient les suppliciés à feu doux manifestement. L’adjudant chef maure était en mission commandée :” préparer” les détenus les ”mariner” pour la cuisine finale. A suivre  

Amadou Tall

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