Les brûlures de l’histoire : Le côté obscur de la politique malienne

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Comme dans  tous les pays du monde, l’histoire politique du Mali a été marquée par des événements douloureux dont les plus graves furent les nombreux assassinats.

 

L’opposition sous la 1re République a subi des exactions et les événements du 20 juillet 1962 ont constitué un tournant politique majeur de l’histoire de notre pays.

Des témoignages et des révélations jaillis lors de cette rencontre ont permis à la jeune génération de se faire une idée de ce qu’était l’opposition sous le régime politique de la première République dirigée par le président Modibo Kéita. Selon Boubacar Séga Diallo, un historien qui projette d’éditer un livre sur les événements du 20 juillet 1962, un pays ne peut pas avancer sans réfléchir sur son passé.

Selon de nombreux témoins, la répression des opposants au régime socialiste de Modibo Kéita aurait pris des tournures dramatiques après une déclaration à l’Assemblée nationale faite par le chef de l’Etat, Modibo Kéita, annonçant la création du franc malien, la circulation de cette monnaie nationale était effective le 1er juillet 1962.

 

Les échanges devaient se terminer le 17 juillet. Très tôt, le F CFA n’avait plus cours. Ceux qui n’étaient pas favorables au franc malien et qui rechignaient à venir échanger leur monnaie, étaient traités par la Radio nationale d’apatrides, de comploteurs. Les principaux acteurs accusés de complot étaient des hommes politiques du Parti progressiste soudanais (PSP) : Fily Dabo Sissoko, Hammadoun Dicko et l’opérateur économique Maraba Kassoum.
A l’arrestation de ce dernier, son griot en a fait écho au marché, "le lion est pris". Une manifestation immédiate des commerçants s’en est suivie et une marche spontanée s’est ébranlée en direction de l’ambassade de France en scandant de slogans hostiles au franc malien.

 

Les faits historiques têtus

Dès lors, la machine répressive du l’US-RDA s’est mise en action : plus de 300 personnes ont été arrêtées et jugées par un tribunal populaire mis en place. Selon l’historien, ce tribunal d’exception était présidé par un commissaire politique et comprenait un seul magistrat. "Il a siégé du 23 au 27 juillet 1962 statuant sur des inculpations de détention de sommes frauduleuses en F CFA".

C’est à comprendre qu’après les opérations de change, personne en territoire malien ne devait plus être en possession du F CFA. "Maraba Kassoum Touré en posséderait encore 101 000 F CFA et Fily Dabo Sissoko 30 000 F CFA".

"Au PSP nous sommes restés réservés sur la question pour regarder vers l’avenir comme nous enseigne Fily Dabo Sissoko. Je n’ai pas de problèmes avec ceux de l’US-RDA, mais j’ai des problèmes avec l’interprétation de l’histoire. On ne peut pas se taire indéfiniment lorsqu’il y a des gens qui falsifient l’histoire", a martelé Oumar Hammadoun Dicko.

Des moments pathétiques lorsque le vieux Mamadou Niang a décrit l’assassinat du sénateur Mamadou Mbodj et l’incendie chez Moussa Diarra, le 2 février 1959.

Selon des témoignages, beaucoup de détenus des événements du 20 juillet, comme on les appelait, sont décédés des suites de mauvais traitements, de malnutrition. "Ces événements ont creusé le fossé entre le peuple et le gouvernement qui s’apparentait à un régime policier dans lequel toutes les dérives étaient autorisées".

Mamadou Niang qui a vécu les événements, 40 ans après, a rapporté des témoignages. Il a parlé de l’assassinat du sénateur Mamadou Mbodj le 2 septembre 1958. "Cet assassinat est le fait de Modibo Kéita qui a endoctriné les gens pour le tuer, j’en ai été témoin oculaire", a-t-il ajouté. Enfin, il a martelé haut et fort que Modibo avait un régime policier.

Le coup d’Etat militaire du 19 novembre 1968 porte au pouvoir un Comité militaire de libération nationale présidé par le lieutenant Moussa Traoré. Modibo Kéita est arrêté près de Koulikoro. Le capitaine Yoro Diakité est chargé de préparer la formation du gouvernement provisoire qui est constitué le 22 novembre et comprend des personnalités modérées ayant servi l’ancien régime, ainsi Jean-Marie Koné qui détient le portefeuille des Affaires étrangères. Le capitaine Diakité prend le titre de chef du gouvernement provisoire. La constitution de 1960 est abrogée et remplacée par une ordonnance tenant lieu de "loi fondamentale" et appelée à demeurer en vigueur jusqu’à un référendum constitutionnel devant se tenir dans un délai de six mois. Des élections législatives et présidentielles sont également prévues avant juin 1969. Les premières mesures prises par le gouvernement militaire en matière économique organisent le démantèlement des champs collectifs et suppriment le monopole de l’Opam (Office des produits agricoles du Mali). 

Janvier 1969 : le Comité militaire de libération nationale met à la retraite une dizaine d’officiers supérieurs dont le colonel Sékou Traoré qui commandait l’armée sous Modibo Kéita.

Mars 1969 : Yoro Diakité est reçu à Paris par le général de Gaulle à qui il explique les raisons du coup d’Etat.

 Septembre 1969 : Remaniement du gouvernement de Yoro Diakité à la suite d’une tentative de putsch survenue en août et conduite par le capitaine Diby Silas Diarra. Moussa Traoré devient chef du gouvernement et remplace Yoro Diakité, en cumulant ainsi les fonctions de chef de l’Etat et de chef du gouvernement. Création d’une Cour de sûreté de l’Etat. La trentaine de putschistes sont condamnés aux travaux forcés et meurent en détention.

Septembre 1970 : Remaniement ministériel qui voit Yoro Diakité chargé des Affaires étrangères et semble signifier la réconciliation des deux hommes forts du régime. Plusieurs intellectuels sont alors condamnés pour offense au chef de l’Etat.

19 octobre 1970 : Le gouvernement militaire dissout le bureau désigné par le Congrès de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) et place sous sa coupe le mouvement syndical, ce que confirme la mise en place, en juillet 1971, d’un comité de coordination des travailleurs qui n’est qu’une émanation des services de sécurité.

8 avril 1971 : Moussa Traoré dénonce l’existence d’un complot ourdi par Yoro Diakité. Arrêté, celui-ci sera jugé en juillet 1972 et condamné aux travaux forcés. Il meurt en juillet 1973, dans les mines de sel de Taoudeni.

28 février 1978 : Tentative avortée de coup d’État. L’arrestation de plusieurs ministres est annoncée, notamment celle de Kissima Doukara, ministre de la Défense, de l’Intérieur et de la Sécurité. Le pouvoir dénonce, par allusion aux événements de Chine, la "Bande des quatre" ainsi incarcérée mais d’autres arrestations sont effectuées dans l’armée et dans la haute administration.

18 octobre 1978 : Lors du procès de 43 officiers accusés de la conspiration de février, deux condamnations à mort sont prononcées mais les condamnés meurent en prison. Le président de la Commission nationale d’enquête, le colonel Joseph Mara, membre du CMLN, est lui- même arrêté en janvier 1979 et jugé avec ceux dont il était chargé d’établir la culpabilité. Si l’on excepte une tentative manquée d’assassinat perpétrée par des gendarmes en décembre 1980, Moussa Traoré ne voit plus son pouvoir contesté par ses pairs issus de l’institution militaire.

8 mars 1979 : Un deuxième procès aboutit à une nouvelle condamnation à mort ainsi qu’à des condamnations à la prison. Le verdict est ensuite cassé mais les condamnés restent détenus…

Novembre 1979-juin 1980 : Le Mali est confronté à une grève scolaire et étudiante de grande ampleur à laquelle le pouvoir répond par la répression et par la fermeture de fait de nombreux établissements. Le leader du mouvement étudiant, Abdoul Karim Camara, meurt le 17 mars 1980 dans les locaux de la police. Le pouvoir est de plus en plus contesté. Alpha Oumar Konaré, ministre de la Jeunesse, démissionne le 2 août 1980.

Novembre 1988 : Le vingtième anniversaire du coup d’Etat de 1968 donne l’occasion à Moussa Traoré de justifier une action qui visait, selon lui, à "éviter le chaos". Il décide par ailleurs la libération de 240 prisonniers politiques et la fermeture du bagne de Taoudéni.

6 janvier 1991 : Conclusion, à Tamanrasset, d’un accord de paix entre les rebelles Touareg et le gouvernement de Bamako.

A partir de 1990, le pouvoir de Moussa Traoré se trouve fragilisé, non seulement par le nouveau contexte international, mais aussi par les difficultés économiques rencontrées par le pays. Il a subi deux sécheresses désastreuses (1968-1974 et 1982-1985) mais l’impéritie des gouvernements successifs et leur incapacité à faire face aux contraintes extérieures (chocs pétroliers, variations des cours des matières premières) a placé le pays en situation de subir les exigences de la Banque mondiale ; les politiques d’ajustement structurel ainsi imposées ont permis une amélioration sensible des résultats macroéconomiques mais au prix d’une aggravation des inégalités et de la misère du plus grand nombre, ce qui a entretenu un profond mécontentement, appelé à devenir explosif lors de la crise qui éclate en mars 1991.

23 mars 1991 : Une vingtaine de manifestants sont tués au cours des affrontements qui, entamés dès le 21, opposent à Bamako étudiants et forces de l’ordre. La capitale malienne connaît quatre jours durant une situation insurrectionnelle.

26 mars 1991 : Coup d’Etat militaire et arrestation de Moussa Traoré pour corruption.

Les grenades de Ségou, le lynchage du policier Moussa Diarra lors d’un meeting du Coppo tenu en 1997 au Palais de la culture ; la mort par suite d’agressions physiques sur l’étudiant Mamadou Dramane Traoré constituent quelques incidents politiques qui ont marqué l’ère démocratique au Mali.

De façon globale, cette démocratie se trouve appréciée par l’étranger. Une appréciation qui ne doit pas monter à la tête de nos dirigeants.

Source : la revue "Le Cinquantenaire"

 

 

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