Depuis son élection à l’Assemblée nationale française en janvier 1956 jusqu’au 20 août1960, le Président Modibo Kéïta a toujours été tenu hors des frontières du Soudan par les fonctions qu’il exerçait en tant que vice-président de l’Assemblée nationale française, Secrétaire d’Etat à la France Outre-mer, puis secrétaire d’Etat à la Présidence du Conseil du Gouvernement français et enfin comme Président de la Fédération du Mali. rn
Voir encadré : composition du gouvernement à lépoque
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Cela dit, il faut expliquer ce qui s’est passé à Sakoïba et en dégager les leçons. Nous étions aux premiers mois de l’existence du Gouvernement de l’autonomie interne. C’était à l’époque où on mettait en place les organes dirigeants des sociétés mutuelles de développement rural (SMDR).
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Contrairement aux principes du Parti en ces temps là, M. Moussa Diarra, père du grand savant Cheick Modibo Diarra, a décidé de faire acte de candidature personnelle, avec un argumentaire ethnocentriste. Il disait briguer le mandat de Président de la SMDR de Ségou parce que cela lui revenait de droit car descendant d’une ethnie et d’une famille (Les N’Goloshi) ayant exercé le pouvoir à Ségou. Pour pimenter sa campagne électorale, il a embarqué dans une camionnette bâchée, le grand musicien Bazoumana Sissoko pour galvaniser les paysans et dire qu’il ne fallait pas hésiter à envisager la sécession et proclamer la "République de Ségou". Un nouveau parti l’Union Démocratique Ségovienne (UDS était crée pour cette fin. Parmi les morceaux de musique dont lui et ses supporters se sont servis, il y en avait de très dangereux politiquement comme par exemple celui qui consiste à désigner les nouvelles autorités du Soudan comme "une souris qui danse sur la peau du chat mort". Dans cette imagerie, le pays tout entier était comparé à une souris et le pouvoir bamanan de Ségou incarné par le père de Cheick Modibo Diarra par un chat dont on déplorait la mort, un chat dont les descendants devaient se laver l’affront que commettait la souris.
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Encore aujourd’hui, la plupart des auditeurs de la Radiodiffusion Télévision malienne ignorent que date de cette action, le morceau de Bazoumana où il est dit en bamanankan : "n’i ye gninè sigilen y e jakuma golo kan, saya de ye monè yé. Jarakè bè Segu, Segu Jarakè bè Ségu" (Pour qu’une souris trône sur la peau de chat, il faut la mort soit passée par là et ait créé les conditions de l’impunité…. Diarra est à Ségou. Le Diarra de Ségou est à Ségou !. Il ne s’agissait de personne d’autre que de Moussa Diarra, le père de Cheick Modibo Diarra qu’on rattachait ainsi au souvenir du Royaume bambara de Ségou, dans une cannotation guerrière, pour allumer et entretenir une fougue combative chez les partisans d’un projet de domination des "N’Goloshi" sur Ségou.
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Les villages du cercle de Ségou ont été sillonnés par des délégations porteuses de ce message. Le Gouvernement de la Loi-cadre a estimé que la situation était suffisamment grave pour nécessiter une enquête approfondie. N’était-on pas devant un véritable risque de rébellion ? Quelle différence avec la rébellion du Nord ?.
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Monsieur Jouanelle, administrateur français d’origine antillaise, était le commandant de cercle de Ségou à l’époque. La section US-RDA de Ségou a décidé de récompenser les deux meilleurs paysans par une fête en leur honneur dans leur village Sakoï Foulah. Tout le bureau politique et les responsables des femmes et des jeunes y ont participé.
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Sur le chemin du retour, tard dans l’après midi, les deux camions dans lesquels se trouvaient les jeunes ont été arrêtés par un barrage constitué d’un amas de tronc d’arbres. Les camarades Salif Tall, Samakoro Coumaré, Alioune Sissoko et Barou Diabaté membres du Bureau de la Section ont contourné l’obstacle et ont rejoint Ségou.
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Seul le Secrétaire général de la Section, Dramane Coulibaly est resté avec les jeunes pour tenter de dénouer la situation. Au milieu du barrage, un homme accoutré en chasseur et exhibant une hache faisait des gestes de menace. Dramane a marché sur lui et contrairement à toute attente, il s’est mis à trembler. Des personnes embusquées dans un bois sacré en face du barrage ont alors commencé à lancer des projectiles sur Dramane et les jeunes : des gourdins, des cailloux, etc.
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C’est alors que Dramane a empoigné l’homme et l’a terrassé, puis, sentant que les jeunes sont descendus avec l’intention de l’abattre, il s’est littéralement couché sur lui pour le protéger. Ensuite, il l’a ligoté et demandé aux jeunes de ramasser tous les projectiles lancés depuis le bois sacré (pour les livrer à la police comme preuves de l’attaque) et de poursuivre les attaquants qui ont décampé pour aller se réfugier dans le village.
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En représailles les jeunes ont mis le feu au bois sacré et occupé le puits du village. Dramane Coulibaly est alors parti à Ségou pour alerter la gendarmerie qui est venue arrêter les meneurs. L’enquête se poursuivait à la gendarmerie quand le secrétaire général Dramane a été sollicité pour une mission à l’extérieur. Le jour même où il devait prendre l’avion pour la France, il a reçu vers 10 heures un coup de fil de Ségou, lui annonçant que le Commissaire de police Yéli Doucouré en mission à Sakoïba, a été grièvement blessé ainsi que les deux agents qui l’accompagnaient. Il a été évacué sur l’hôpital de Markala.
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Dramane en a aussitôt informé M Jean-Marie Koné Vice-président du Gouvernement et le Président Modibo Kéïta qui lui ont demandé de suivre la situation et de les tenir informés. Deux heures plus tard, la nouvelle de la mort du Commissaire Yélé Doucouré est tombée. Modibo Kéïta et Jean-Marie Koné ont demandé de surseoir à l’enterrement jusqu’à leur arrivée. Ils ont trouvé Dramane en cours de route : sa voiture avait heurté une vache. Ils l’ont embarqué et ils ont rejoint Ségou où ils ont personnellement assisté aux funérailles du Commissaire Yéli Doucouré et participé à la réunion du Bureau politique de Ségou convoquée pour la nuit. C’est là que fut prise la décision de raser le village et de déférer les meneurs. Modibo Kéïta est rentré à Bamako et Jean-Marie Koné est resté pour superviser les opérations.
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Tous les responsables de Ségou se sont transportés sur les lieux. On a soigneusement ramassé toutes les céréales qu’on a transportées à la SMDR ; on a conduit les animaux à la fourrière où ils ont été vendus et l’argent déposé à la SMDR. Et on a rasé les paillotes mais il n’y a eu ni mort d’homme ni blessés par la population du village qui s’est dispersé à travers champs. Le seul blessé fut Sougalo Dembélé, un responsable de jeunesse de Ségou qui a reçu à l’épaule un coup de bâton d’un villageois. J’ai personnellement connu Sougalo Dembélé pour avoir partagé avec lui la même cellule de détention pendant notre déportation sans jugement à Intadéinit (Kidal) de 1969 à 1975. Il avait l’épaule les séquelles du coup réussi à Sakoïba.
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Le lundi suivant, la section des jeunes de Ségou a décidé d’interdire l’accès du marché hebdomadaire à toute personne exhibant les insignes de militant du mouvement rébellion : bonnet phrygien, accoutrement de guerrier bamanan, massue etc. C’est à partir de là que la situation a dégénéré car après avoir empêché tous les militants sécessionnistes de rejoindre Moussa Diarra leur leader, les jeunes ont décidé de brûler sa maison.
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C’est à ce moment là que des gens sont allés au marché, alerter Péléka alias Abdoul Wahab qui était le principal supporter de Moussa Diarra, lui disant que les jeunes vont incendier sa maison. Il se précipita chez lui, s’empara de son fusil de chasse et d’un important lot de cartouche avant de monter sur la terrasse de sa maison en position de résistance. Son ami Mamadou Diarra est venu le dissuader de tirer sur la foule. Il ne l’a pas écouté et il a tiré, tuant Tiémoko Bâ et Souleymane Traoré de Balamoussala et blessant plusieurs personnes. Son ami avança vers lui avec des paroles apaisantes. Il a proféré des menaces et finalement, a abattu son ami à bout portant. La gendarmerie est intervenue et Abdoul Wahab a été neutralisé.
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A suivre dans le prochain numéro
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Composition du Gouvernement du Soudan
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Chef du territoire :
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Gouverneur Gipoulon
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Vice président du Conseil de Gouvernement :
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Jean Marie Koné
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Ministre des Finances :
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Cortinchi Guidicello
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Ministre du Travail et des Affaires sociales :
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Abdoulaye Diallo
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Ministre de la Santé :
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Dr Sominé Dolo
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Ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports :
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Maître Philippe Joseph
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Ministre de l’Intérieur (Justice, Police, Radio compris : Madeira Kéïta
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Ministre de l’Economie rurale et du Plan :
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Dr Kouyaté Seydou Badian
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Ministre de l’Industrie du Commerce et des Transports :
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Maître Hamaciré N’Douré
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Ministre de l’Elevage et des Industries animales :
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Dr Henri Corentin
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Ministre de la Fonction Publique :
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Singaré Abdoulaye
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Ministre de l’Agriculture :
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Niaré Salah
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Ministre des Travaux Publics (Aviation, mines, PTT compris)
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Aw Mamadou
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