Comme on le dit, la situation exceptionnelle, décision exceptionnelle, le Mali était arrivé à une croisée de son destin. Les évènements du 28 février 1978 constituent un virage. C’est pourquoi on a vu des foules d’une liesse extraordinaire déferler dans les rues de Bamako scandant à perte de souffle un nom " Moussa, Moussa, Moussa"
Le vendredi 17 Mars 1978, le chef de l’Etat, le colonel Moussa TRAORE a effectué une tournée des différentes garnissons militaires de Bamako et Kati. Pour le premier responsable de l’Etat qui est également le chef suprême des Armées, il ne s’agissait nullement d’une banale tournée d’inspection ou de prise de contact. D’emblée face aux soldats et officiers qui l’écoutaient dans un silence parfait, le colonel Moussa TRAORE définissait en termes clairs les raisons de son déplacement : « expliquer en toute loyauté et avec la franchise de l’officier les évènements du 28 février. Tout d’abord le colonel Moussa TRAORE a tenu à préciser que ce n’est pas le remaniement ministériel du 7 janvier 1978 qui fait le point départ de la crise comme on voulait le faire croire mais bien une entrevue qu’il aurait eu le 3 janvier 1978 avec l’ex-ministre de la défense de l’intérieur et de la sécurité.
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Ce jour là selon Moussa TRAORE, il avait convoqué dans son bureau l’ex-lieutenant colonel Kissima DOUNKARA et lui avait fait savoir qu’il avait eu des informations concernant les biens matériels exorbitants que s’était adjugé le ministre de l’intérieur. Il lui cita entre autres le nombre de villas qu’il possédait à Bamako, le nombre de véhicules qu’il possédait en son nom propre et de ceux qu’il confiait en gestion à divers commerçants. Kissima demanda alors à être confronté avec ceux qu’il appelait ses détracteurs. Le président s’y refusa, lui demanda seulement d’infirmer ou de confirmer la véracité des accusations. Ce même jour dans la soirée, le président reçu la visite de Tiécoro BAGAYOKO. Comme tous les membres du CMLN, ce dernier avait appris du chef de l’Etat son intention de procéder à un remaniement ministériel et il venait renouveler au colonel Moussa TRAORE l’assurance de son entière loyauté. Alors que l’ex Directeur des services de sécurité était là.
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Le jeune frère de Kissima demanda par l’intermédiaire du garde du camp du Président à être reçu par le chef de l’Etat. Il tenait à lui soumettre certains problèmes familiaux, disait-il. Introduit auprès du colonel Moussa TRAORE et en présence du lieutenant colonel Tiécoro BAGAYOKO, il remit ses doléances qui étaient les suivantes : «Kissima disait-il, lui reprochait la faible rentabilité du parc automobile qu’il lui avait confié en gestion et proposait une reconversion dans l’industrie. D’où certains dissensions entre eux. Le lendemain 4 janvier, le Colonel Moussa TRAORE convoqua dans son bureau Kissima DOUNKARA et Tiécoro BAGAYOKO. Il demanda à Tiécoro d’informer Kissima des plaintes de son frère, plaintes qui confirmaient bien les accusations portées, la veille par le président. Tiécoro s’étant récusé, c’est le chef de l’Etat en personne qui relata à Kissima son entrevue avec le jeune frère de ce dernier. Kissima s’indigna aussitôt affirmant qu’il était pratiquement impossible de vivre aux membres du CMLN et à leur famille.
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Dans l’après midi du 4 mars, Kissima téléphona pour être reçu par le chef de l’Etat. Introduit, il exposa des documents qui n’avaient aucun lien avec l’affaire en cours, en l’occurrence les plans d’une Mosquée, d’une maternité et d’une école qu’il devrait construire dans son village natal. Puis il prononça des paroles qui choquèrent profondément le chef de l’Etat ; « Vous m’avez pas recruté pour faire le coup d’Etat du 19 Novembre 1968 ? » lança-t-il au chef de l’Etat. Ainsi la crise était déclenchée et Kissima jugeait que la seule façon de s’en sortir était de tenter un coup de force. Il savait pouvoir compter sur Tiécoro BAGAYOKO.
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Dans cette alliance entre Kissima et Tiécoro, se trouvaient entraîné Karim DEMBELE et Charles Samba SISSOKO. On retrouvait également dans cette alliance le patron du camp para de Djicoroni, Sounkalo SAMAKE et autres officiers.
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Liste des officiers arrêtés : 33 arrestations :
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ARMEE DE TERRE :
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– Lieutenant colonel Mamadou MARIKO, chef d’état major, – chef de bataillon Bakoroba DJIRE, Chef de bataillon Bouréïma MAIGA, Capitaine Nouhoun DIAWARA (intendance militaire),Capitaine Sounkalo SAMAKE (camp para) Lieutenant Toumani SIDIBE Lieutenant Lamine KEITA
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ARMEE DE l’AIR
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– Chef de bataillon Aliou TRAORE, chef d’état major adjoint, – Capitaine Issa BALLO
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GENDARMERIE :
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– Lieutenant colonel Abdoulaye DIALLO, chef d’état major,L’adjudant Souleymane DIABATE, garde de corps du président
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POLICE :
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– Commandant Mamadou Bobo SOW, DGA des services de sécurité ; Capitaine Namory TRAORE, Directeur S.E., – Capitaine Simbo KEITA, DGA S.E. adjoint ;
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– Capitaine Abdoulaye Youssouf MAIGA, garde de corps du chef de l’Etat ; Capitaine Attman Diallo ;
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– Capt. Belco Hama N’Diaye, commissaire 1er arrondissement ; Capt Cheick Coulibaly ;Capitaine Yacouba Coulibaly, Directeur sécurité publique ;Capitaine Youssouf Balla SYLLA, Directeur école nationale de police et commissaire du 3è arrondissement : LtBen Hamoud ;- Lt Ifra N’DIAYE ;
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– Lt Gaoussou KEITA ;
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– Lt Bassirou DOUMBIA ;
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– Lieutenant Moussa KANTE – Lt Noumouké SIDIBE ;- Lt Gassiré KEITA ; Lt Mahamadou Diarra ; Lt Moussa DEMBELE ;Lt Nafing N’DIAYE ;Mme Ténimba BAGAYOKO ;Inspecteur Aboubacar DIARRA.
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Extrait du « Message du Colonel Moussa TRAORE »
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" Maliennes, Maliens,
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Vous savez qu’il est difficile d’honorer un serment lorsque des intérêts particuliers et sordides sont en jeu.
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Le serment de servir avec fidélité et honneur un peuple exige à notre sens, un don de soi à ce peuple, il exige ce serment que l’on place les intérêts supérieurs de ce peuple au dessus de tout. Il ne faut ici rien voiler, ni rien taire. Mais je me contenterai de dire que si, pour certains la sauvegarde des intérêts de notre peuple passe avant tout, pour d’autres par contre, les intérêts particuliers demeurant fondamentaux, le reste vous le savez. Les seconds ne voyaient que la protection en plus exactement la sauvegarde de leurs intérêts égoïste et ils étaient pour cela prêts à tout.
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Vous vous souviendrez, chers compatriotes, des rumeurs qui ont circulé après le remaniement du 7 janvier dernier. Vous vous souviendrez également de ce fameux tract intitulé : « Le Mali, un gouvernement sous l’autorité du CMLN». Une administration dirigée par «l’impératrice »et de bien d’autres encore. Tout ceci visait à saper le moral de notre peuple à faire paraître le régime pourri et à s’emparer du pouvoir d’une manière ou d’une autre. Pour éviter donc une éventuelle effusion de sang dont notre peuple n’a que faire, le CMLN a décidé d’arrêter les ex-lieutenant colonels Kissima DOUNKARA, Karim DEMBELE, Tiécoro BAGAYOKO respectivement ministre des transports et des travaux publics et Directeur général des Services de Sécurité, pour haute trahison, diffusion de secrets d’Etat, mensonges et spéculations.
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Nous allons immédiatement approfondir immédiatement- le contrôle de la gestion de leurs départements ministériels et Services respectifs.
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D’ores et déjà, soulignons en ce qui concerne l’ex-lieutenant colonel Kissima DOUNKARA qu’il a été le président de la commission nationale d’aide aux victimes de la sécheresse et qu’il a eu à ce titre à utiliser de manière frauduleuse les ressources provenant de la vente des céréales.
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C’est ainsi qu’au titre des transports, notre Gouvernement doit à certains privés la bagatelle de sommes de plus de six cent millions de FM. Ajoutons à cela les réalisations cossues qui dépassent largement le cadre de ses moyens et aussi surtout la division qu’il a sciemment créée au sein de l’armée en instituant un véritable îlot de prospérité dans un désert de misère. La discipline était bafouée et la hiérarchie était méconnue.
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Pour l’ex-lieutenant Colonel TIécoro Bagayoko, il apparaît inutile d’épiloguer sur son cas tant ses agissements sont connus de tous. Il personnalisait la terreur et la calomnie.
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En ce qui concerne enfin l’ex-Lieutenant colonel Karim Dembélé, je laisse le soin à vous de constater ce qu’il a pu réaliser en si peu de temps et à Bamako et à Koutiala et à l’étranger.
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De tels hommes, bien entendu, ne voyaient que leurs intérêts personnels et c’est pourquoi l’armée qui ne pouvait plus laisser ces ivraies tenir son image a décidé de prendre toutes ses responsabilités face à notre peuple et face à l’histoire.
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C’est l’heure de la justice et de l’assainissement qui vient de sonner en même temps que l’heure de la compréhension, de la fraternité et du travail bien accompli. Fini le règne des abus et de la terreur, fini aussi celui de l’accaparer sordides et effréné.
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Maliennes, maliens, c’est en défendant les intérêts supérieurs de notre peuple que l’armée est intervenue dans la vie de notre pays le 19 novembre 1968 et c’est en défendant ces mêmes intérêts qu’elle vient encore une fois d’intervenir.
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Elle sait qu’elle peut à tout moment sur votre détermination , votre disponibilité et votre courage. Paysans, éleveurs, pécheurs, artisans, commerçants, ouvriers et fonctionnaires, à quelque niveau que vous soyez , redoubler d’ardeur et d’efforts pour la sauvegarde du prestige, de la liberté et de la dignité de notre pays et de notre peuple».
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Vive la République !"
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A suivre…
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