Le 19 novembre 1968 : rnDate de l’avènement de la démocratie ou de l’instauration de la dictature ?

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Le Colonel Youssouf  Traoré, un des épigones du Comité Militaire de Libération Nationale, évoque volontiers le coup d’Etat de 1968 comme le premier coup de boutoir donné à la dictature communiste vingt ans avant la chute du mur de Berlin. Le Mali avait alors inauguré une politique de neutralité par rapport aux deux blocs rivaux de la guerre froide, incroyable à l’époque, et qualifiée d’irréaliste ou de frileuse par de nombreux analystes. N’est-ce pas pourtant le secret qui a permis à l’équipe de Moussa Traoré de réussir une belle longévité, en entretenant des rapports confiants avec l’Est comme avec l’Ouest, tandis que Kérékou au Bénin, Sékou Touré ou Mengistu, le négus rouge, devaient faire face à de fortes oppositions, réprimées dans le sang ? Qu’est-ce qui fut le plus fêté par le peuple malien: la chute de Modibo le 19 novembre 1968 ou celle de Moussa Traoré le 26 mars 1991 ? Des témoins de ces deux événements, encore nombreux, diront, en parlant sans parti pris, que l’avantage va à Moussa Traoré.

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Les symboles du communisme disparaissent en 1968

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Il s’agit de toutes les pratiques obligatoires qui frappaient les secteurs vitaux de la vie de l’homme, comme la liberté d’entreprise, les libertés publiques, dont la liberté d’association, la liberté d’aller et venir librement, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, libertés chères à ce vieux pays de voyageurs et de commerçants. A partir de là, le socialisme mourait à petit feu, de sa belle mort, lui qui ne semble prospérer que dans les périodes difficiles de l’histoire. Moussa a eu beau être partisan cette option, il savait que le peuple la honnissait, et n’a pu la maintenir avec son UDPM, parti unique, que les « démocrates » (entendez les partisans du retour au socialisme) ont eu la mauvaise foi d’assimiler à un parti de droite. A-t-on jamais vu un parti de droite unique ? Le régime n’a-t-il pas tout fait pour maintenir les sociétés et entreprises d’Etat créées par l’US-RDA et considérées comme le bastion du socialisme et, aujourd’hui encore, sa gloire ? Le peuple malien retiendra que Modibo fut un dictateur et Moussa son libérateur, indépendamment du fait que ces deux chefs, comme ceux qui suivront, ATT et Alpha, furent  des patriotes sincères. Si Moussa n’a pas péri dans l’incendie du 26 mars, c’est grâce aux bénédictions des anciens aux jeunes officiers de 1968, entend-on dire parfois dans les Sotrama par de vieilles personnes.

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L’aile droite du CMLN a été exterminée

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La question qu’on doit poser au colonel Youssouf est celle-ci : pourquoi le multipartisme n’a-t-il pas été proclamé, comme s’y attendaient les véritables démocrates, qui, témoigneront encore les anciens, ne se rencontraient que parmi les commerçants et quelques rares intellectuels libéraux ? Mais le colonel pourra témoigner aussi que l’aile droite du CMLN a été évincée un certain 28 février 1978, lorsqu’on arrêta Kissima Doucara, Tiécoro Bagayoko et Karim Dembélé. Les deux premiers trouveront la mort dans la prison de Taoudénit, une mort sans gloire que les « démocrates », bizarrement, ne rangeront pas à côté de celle des martyrs de la démocratie. A moins qu’on ne voie dans cette discrimination, encore une fois, la preuve que les démocrates de 1991 étaient tous des communistes. Un temps viendra peut-être où l’on reconnaîtra que tous les régimes que ce pays a connus ont eu du sang sur les mains, une chose que Jean-Paul Sartre considérait comme inévitable en politique. Ceux de l’ère démocratique, c’est-à-dire depuis le 26 mars 1991, n’ont aucune mort politique sur la conscience, c’est certain. Mais c’est peut-être parce qu’ATT et Alpha en ont assez vu, quand ils n’étaient que des exécutants, l’un au camp para, l’autre comme le plus jeune ministre de Moussa Traoré, et que personne ne les amènera à présider eux-mêmes au carnage, même pour cause de corruption, la voie royale par laquelle les condamnations à mort peuvent venir, une voie qu’ATT veut d’ailleurs fermer définitivement en déposant un projet de loi pour l’abolition de la peine de mort. Le 19 novembre reste le jour béni de la chute du communisme dans notre pays, tandis que le 26 mars ne marque que la chute de Moussa, ce grand partisan du socialisme. Laquelle de ces deux dates est réellement plus proches des idéaux démocratiques actuellement en cours en Chine ou en Russie ?

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Ibrahima KOÏTA

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