La conférence nationale du 29 juillet au 12 août 1992 : Rejette le statut particulier des régions du Nord

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La ville de Ménaka, dans le nord du Mali. © Wikimedia Commons / Animali

La deuxième République avait appréhendé le problème de la rébellion  en termes exclusivement militaires. La transition dès ses premiers pas allait changer l’angle d’approche: le conflit au septentrion malien avait un caractère politique et on devait lui trouver une réponse dans un cadre politique. Le changement d’éclairage se fit très tôt.

Le Comité de transition pour le salut du peuple  (CTSP), instance suprême et organe législatif de la transition, intégra dans son sein deux (02) représentants des mouvements armés: Cheick Ag Bayes au nom du Mouvement populaire de l’Azawad (MPA) et Hamed Sidi Ahmed au nom du FIAA. Par ce geste, les organisations et associations démocratiques qui avaient composé l’opposition politique à l’ancien régime voulaient établir une connexion entre leurs idéaux de lutte et ceux des rebelles.

La mesure fut cependant plus symbolique qu’effective. Les représentants des mouvements armés ne siégèrent pratiquement jamais au CTSP et ils ne firent donc pas remonter à l’instance législative les doléances de leurs mandataires.

Cependant, leur défection, même si elle fut diversement appréciée, ne modifia pas la volonté du nouveau pouvoir d’ouvrir un cadre d’échanges politiques avec la rébellion. Celle-ci fut invitée à s’exprimer officiellement à la Conférence nationale qui se tint du 29 juillet au 12 août 1991 à Bamako.

Le forum regroupait toutes les forces vives du pays (associations, partis politiques, gouvernement, représentants des Maliens de l’extérieur et délégués du monde rural). Alors qu’il devait plancher uniquement sur les projets de Constitution, de Charte des partis et de Code électoral, le forum inscrivit dans ses travaux l’examen d’un rapport sur «l’Etat de la Nation» dans lequel la question du Nord figurait en bonne place.

Les mouvements armés usèrent de la tribune qui leur était ainsi offerte et en séance plénière de la Conférence nationale, Cheick Ag Bayes, qui s’exprimait en leur nom, demanda à ce que la future Constitution  consacre un «statut particulier» pour le Nord du pays. Cet acte solennel, assura-t-il, convaincrait les combattants sur le terrain de la bonne foi des nouvelles autorités et accélérait le retour à la normale  dans le septentrion malien.

Comme cela était prévisible la requête des mouvements  fut rejetée à l’unanimité des autres participants. Pour ceux-ci, la particularisation du Nord, si elle était consacrée par la Constitution, conduirait à un fédéralisme de fait et préluderait à une inéluctable partition du territoire national. Malgré les assurances données par Cheick Ag Bayes quant à la bonne foi de ses mandataires, la Conférence nationale opta pour une démarche toujours politique, mais plus conforme à la vision d’une majorité de participants. Il fut décidé:

– qu’une conférence nationale sur le Nord soit tenue dans les plus brefs délais,

– que carte blanche soit donnée au CTSP pour négocier avec les mouvements touareg et arabe sur les modalités d’un retour à la normale.

Entre mars et août 1991, le changement de régime politique avait donc amené un changement radical de l’approche du problème du Nord. Celui-ci avait quitté le champ de la gestion strictement militaire pour intégrer la sphère politique.

Les mouvements armés s’étaient dans une première étape vu conférer une légitimité démocratique par leur admission au CTSP avant de se voir offrir une tribune représentative (la Conférence nationale) pour exposer leurs thèses. Le bond qualitatif était donc de taille.

En outre, l’examen de la question septentrionale sortait du cercle très étroit des décideurs supposés initiés pour se voir porter à l’examen de couches de plus en plus larges de la population. Cette démarche n’entraînait pas une unanimité de vision et une adhésion automatique, mais elle avait l’avantage inestimable de créer un espace de débat national autour d’un problème dont la gravité n’était pas à sous-estimer.

Safounè KOUMBA

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