Le fait est que, malgré l’hostilité et l’opposition de plusieurs parlementaires d’Afrique du Nord et de l’Afrique Sud Saharienne, l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) fut créée par la loi françaisen° 057-7-27 de 10 Janvier 1957 parue dans le Journal Officiel de laRépublique Française du 12 Janvier 1957. Le but officiellement proclaméétait de «promouvoir toute mesure propre à améliorer le niveau de vie des populations et à assurer leur promotion économique et sociale dans le cadre d’une évolution qui devra tenir compte de leurs traditions»
Et Max Lejeune alors Ministre français, inaugurant le pipeline n°1 à Toggourt en Algérie,déclarait :
«Dans quelques années, la France, aidée par des concours extérieurs arrivera à obtenir son ravitaillement en carburant et deviendra directement après les USA et l’URSS la 3è puissance énergétique mondiale». Et c’était bien là le véritable mobile de la création de l’OCRS qui a causé entre 1958 et 1960, une véritable fièvre dans les milieux capitalistes et gouvernementaux français.
Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni
Le projet OCRS échoua parce que le Gouvernement de la République Soudanaise dirigé par l’USRDA, s’opposa fermement à cette tentative d’atteinte à notre intégrité territoriale, et parce qu’il fut rejeté par la plupart des chefs de tribus et de fractions. Cette folle entreprise a donc étéenterrée à l’installation du premier Conseil de Gouvernement de la République Soudanaise, en présence du Haut Commissaire de la France et de l’Inspecteur des Colonies : la partie soudanaise était représentée par le Vice-Président du gouvernement, Jean-Marie Koné et le Ministre de l’intérieur Mamadou Madeira Keita. Le projet d’amputation du territoire soudanais au profit de l’OCRS, fut retiré devant l’opposition ferme de la partie soudanaise.
L’année suivante, en 1958, en présence du Gouverneur Général des colonies Messmer en visite chez nous (au Mali), le conseiller territorial de Goundam, Mohamed El Mehdi, chef général des Kel Antassar revendiquait l’indépendance de la zone saharienne qu’il voulait faire ériger en soi-disant « République des Lithamés[1] » pour «soustraire les nomades blancs à la domination de leurs anciens esclaves noirs». Le Gouverneur général Messmer envisageait favorablement la requête.
Le chef Kel Antassar persista dans sa volonté de sécession définitive qui aboutit, à la rébellion qui se manifesta dans l’Adrar des Iforhas et fut jugulée en 1964. Un noyau résiduel sécessionniste a persisté longtemps après et a trouvé refuge au Maghreb.
Mais il reste que parmi les tribus touareg, le mouvement de rébellion n’ait touché ni les Ouilliminden de Ménaka, ni les Kel-Bourem, les Irreguenaten et les Iguadarane de Gourma Rharous, ni les Kel Temoulaït et les Tillémédèsde Tombouctou, ni les Tingueréguif de Goundam et de Diré. Il en serait demême des tribus arabes des Kunta, des Tormoz et des Idreylouba et enfinparmi les Kel Tamashek des Deg Hawalane, des Kel Haoussa et des Kel Essouk.
La première rébellion, celle de 1963-1964 a été réglée par l’emploi simultané de solutions militaires et politiques. Sous la direction de l’USRDA, les notables et patriotes Tamasheq de l’époque ont amené plus de révoltés à rendre leurs armes aux autorités civiles et militaires que ne l’a fait l’armée malienne. C’est ce qui transparait dans l’interview que le Président Modibo a accordée à des journalistes Algériens en aout 1964.
Apres avoir précisé que le mouvement de rébellion de 1963 était « circonscrit dans le seul cercle de Kidal », le Président Modibo Keita a déclaré :
« Vous savez que de tout temps cette région a été le théâtre d’opérations militaires des troupes françaises en raison de difficultés que la France avait rencontrées (alors que la République du Mali était le Soudan français)…pour intégrer ces populations accrochées à leurs montagnes dans le cycle normal de la vie du territoire. Et les derniers événements entre ces rebelles et les troupes françaises datent de 1958. C’est vous dire donc que pendant les 78 ans de domination coloniale, cette région n’a jamais été totalement pacifiée.
Le deuxième élément, c’est que pendant longtemps, ce secteur a été soumis à une administration militaire, et que certains officiers Français, devant la poussée du nationalisme en Afrique et la perspective de constituer un état saharien autonome comprenant le Sud Algérien et le nord des pays situés au sud de l’Algérie, avaient tenté de créer un sentiment anti-Noir dans cette région. En effet, on faisait croire à ces Touareg qu’ils étaient des « Blancs » et qu’il était impensable qu’ils puissent accepter une domination noire.
Le troisième facteur qui a surgi après notre indépendance, c’est qu’en raison de notre option, nous avons tenu à éliminer tous les vestiges de la féodalité dont l’aspect le plus inacceptable comme système était une forme déguisée de l’esclavage et de l’exploitation des populations par les féodaux.
Enfin le quatrième point, c’est que ces populations nomades, précisément celles de l’Adrar des Iforhas, vivaient en marge de la société malienne et n’étaient pas accessibles à notre option d’une Nation malienne s’étendant du Sud Algérien aux limites avec la Haute Volta (actuel Burkina Faso), la Côte d’Ivoire et la Guinée au Sud.
D’autre part, l’exercice et l’édification économique du jeune pays devenu indépendant imposent à chaque citoyen des charges qui sont en proportion avec ses moyens. Or les nomades de cette région avaient été habitués à vivre en dehors de toute réglementation ; c’est vous dire en d’autres termes qu’ils ne payaient pas d’impôts. …
La République du Mali a mis un terme au système de servage, liquidé la féodalité… Les membres des conseils de fractions et de tribus étant élus par l’ensemble de la population de la fraction ou de la tribu, le chef de la fraction ou de la tribu ne peut rien décider sans qu’au préalable il y ait l’accord d’une majorité du Conseil de la fraction ou de la tribu…
Le dernier chef rebelle a été abattu en juillet dernier (1964)… pratiquement le mouvement a été liquidé et les autres comparses se sont rendus soit aux unités de sécurité algériennes, soit aux unités de sécurité maliennes.
Nous devons dire également que notre action a été appuyée par les populations qui ont refusé de céder au chantage de ces rebelles. Certains jeunes et certains vieux de ces populations ont même aidé nos unités de sécurité à poursuivre les rebelles et n’ont pas hésité àvoisiner avec ces mêmes unités contre des rebelles.
Il est évident que si ces résultats ont été obtenus, alors que comme je vous le disais tout à l’heure, un état permanent de troubles et d’insécurité régnait dans cette région, ce fut certes grâce à la qualité de nos troupes, mais aussi à notre organisation politique, parce que pendant que les forces de sécurité œuvraient contre les rebelles, le Parti, par les tournées de ses responsables politiques et administratifs, poussait les contacts jusque dans les moindres centres où il éclairait les populations sur la réalité de notre conception socialiste, et c’est ainsi que, très rapidement, le mouvement a été liquidé»
Ce n’était pas un arrangement ; c’était un règlement. Comme le disait le Président Modibo Keita, «les problèmes, il faut les régler, car à force d’arrangements, on finit par déranger la République elle-même». La solution a été tellement efficace que plus aucun des rebelles de cette époque n’a repris les armes. Ceux qui, 27 ans après se sont manifestés en 1989 n’ont rien à voir avec la première rébellion.
Aujourd’hui, sous les pressions non désintéressées de l’Occident, les autorités maliennes persistent à rechercher des arrangements avec des groupuscules qui s’autoproclament représentants de paisibles populations qui ne leur ont donné aucun mandat.
On se souvient que le régime CMLN-UDPM de Moussa Traoré, tout en assurant la promotion personnelle de cadres nomades véreux, raviva l’opposition sédentaires et nomades jadis encouragée par le colonialisme, et la cristallisa en procédant à la surreprésentation des populations nomades au détriment de leurs compatriotes sédentaires,
S’agissant des solutions qui ont été choisies à partir de 1989, n’oublions pas que c’est le régime de Moussa Traoré qui a initié les négociations de Tamanrasset avec l’Algérie comme médiateur. Ce sont les décisions issues de ces négociations qui sont à l’origine de tous les accords qui ont suivi et qui sont autant de dérives ayant nourri les forces qui sèment la désolation aujourd’hui à Kidal, à Gao, à Tombouctou et ailleurs au Mali :
– programmes spéciaux de développement pour le Nord exclusivement ;
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– intégration sauvage de prétendus combattants rebelles avec des grades fantaisistes, dans l’armée, la sécurité, la douane, l’administration et dans les hautes Institutions de l’état ;
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– versement de fonds importants à de soi-disant notabilités nomades chargées de traiter avec les preneurs d’otages ;
–
– retrait de l’administration et des forces armées maliennes de tout le Nord, etc.)
Ni Alpha ni ATT n’ont été des initiateurs de cette solution. Ils n’en sont que des continuateurs plus excessifs par démagogie ou par naïveté.
C’est pourquoi la thèse qui consiste à limiter les dégâts aux seules 20 dernières années est inacceptable. Et dire que si Moussa était là, les choses se passeraient autrement est également faux. Avec 22 ans de destructions ajoutées aux 23 ans qui ont provoqué la révolution de Mars 1991, le Mali serait dans un état de délabrement plus prononcé qu’aujourd’hui. Il faut d’ailleurs souligner que ce sont les anciens cadres militaires et civils du CMLN et de l’UDPM recyclés dans l’ADEMA, puis dans le Mouvement Citoyen et dans le PDES après avoir noyauté le mouvement du 26 mars, qui ont poursuivi leur tâche néfaste au détriment des intérêts du peuple y compris par rapport à la rébellion.
L’acharnement à circonscrire le mal dans les 20 dernières années n’est en réalité, que la manifestation de la volonté de couvrir les crimes des 23 années qui les ont précédées avec en plus le secret désir de blanchir le régime de Moussa afin d’ouvrir un boulevard pour ses continuateurs. C’est une vaine tentative.
Aujourd’hui une certaine presse internationale et des organisations étrangères se disant préoccupées de droits de l’Homme parlent d’exactions contre des Tamasheq et des Maures. Où étaient-elles pendant toutes les rebellions qui ont fait tant de victimes innocentes au Mali depuis plus d’un demi-siècle ? Pourquoi n’ont-elles jamais réagi quand les rebelles commettaient leurs crimes contre les populations civiles et l’administration malienne en 1963, en 1989, en 1996, en 2006, en 2012 et en 2013 ?
L’initiative de prendre des armes et de déclencher la guerre à plusieurs reprises, causant de nombreuses pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants dans un pays, n’est-t-elle pas en soi un crime contre l’humanité ? Dans quel but cette presse et ces organisations ferment-elles sciemment les yeux sur le calvaire des populations maliennes y compris les nomades du Nord, cependant qu’elles jouent allégrement le rôle de caisse de résonnance de la propagande des rebelles et de leurs suppôts jihadistes et narcotrafiquants ?
Ce sont les rebelles qui attentent aux droits des hommes, des femmes et des enfants, ainsi qu’au droit du Peuple du Mali de vivre en paix et dans l’unité, sur son territoire hérité de ses ancêtres.
Au Mali il y a de nombreuses ethnies : Sonrhaï, Dogon, Toucouleur, Touareg, Dafihng, Bamanan, Minianka, Arabe, Senoufo, Bwa, Maures, Shèmu, Mossi, Diakanke, Soninké, Mandeka, Khasonke, Kakolo, Bellah, Bozo, Somono, Samogo, Gana, Peuhl, etc. Elles ont toujours vécu ensemble dans la paix, l’harmonie la plus totale, l’amitié et la fraternité.
Dans son ouvrage intitulé « Afrique Noire Occidentale et centrale » l’historien Français Jean Suret-Canale écrit à la page 130 :
«Voilà pourquoi Ibn Batouta pouvait encore écrire au XIVe siècle à propos de l’Empire du Mali : «Dans toute l’étendue du pays il règne une sécurité parfaite ; on peut y demeurer et voyager sans craindre le vol ou la rapine.»
C’est la qualité des rapports entre les populations du Mali et leur unité de volonté qui ont permis la réalisation de la victoire sur le colonialisme en 1960. Interrogés comme toutes les collectivités soudanaises par la direction de l’USRDA à la veille du Congrès du 22 septembre 1960, sur leur avis quant à la perspective de proclamation de l’indépendance, les notables Tamasheq ont répondu : «Vous comme nous, nous nous sommes toujours battus contre l’occupation coloniale. Nous avons toujours vécu ensemble sur cette terre qui nous est commune ; mais, c’est à vous qu’on doit poser la question car nous au Nord ici, nous n’avons jamais accepté la colonisation ; vous qui vous habillez comme les Toubabs (Européens), vous qui parlez leur langue, qui mangez comme eux, qui habitez des maisons comme les leurs, c’est à vous qu’on doit demander si vraiment vous êtes prêts à aller à l’indépendance ! Retournez donc à Bamako et dites à nos dirigeants, que nous sommes plus pressés qu’eux.»
Voila ce qui a été dit à la délégation que le Ministre de l’Intérieur Madeira Keita a conduite pendant plusieurs semaines dans les zones nomades du nord du Soudan en 1960.
L’adoption de la devise « Un peuple, Un But, Une Foi » vise à traduire la réalité de la densité des liens entre tous les Maliens. Le « sanankouya » (cousinage) existe entre toutes les ethnies et les classes d’âge, consacrant la bonne humeur et l’interdiction de se nuire les uns les autres.
Depuis 1960, quelle ethnie ou tribu noire a pris les armes contre les autres pour quelque revendication que ce soit ?
C’est seulement parmi les Touareg que se sont formés des groupes qui ont osé prendre les armes contre le pays entier. Et pas qu’une fois. Une fois en 1963, une autre fois en 1989, une troisième fois en 1996, encore une fois en 2006 et cette fois-ci en 2012 et 2013.
Chaque fois, tout le reste du Mali ne fait que les subir, alors qu’ils sont minoritaires même au sein de leur communauté qui, elle-même, est entièrement prise en charge par le travail des autres Maliens (voir les tableaux des financements engloutis au NORD rien que de 2001 à 2007).
Comment s’étonner alors, que le peuple souverain y compris les Touareg patriotes qui sont la majorité, réagisse fermement ?
A l’égard de celui qui pointe son arme contre le drapeau, contre le pays et le peuple en formulant des exigences outrancières, quoi faire d’autre que d’appliquer l’injonction de l’Hymne national qui dit :
« Si l’ennemi découvre son front,
Au-dedans ou au dehors,
Debout sur les remparts,
Nous sommes résolus de mourir ! »
Il n’y a pas d’autre alternative. Quel pouvoir légitime accepte que des groupuscules terroristes sévissent librement sur son territoire au nom de quel principe de droit de l’homme ? Comment se passent les choses : en France avec les séparatistes Corses, en Espagne avec les Basques, en Colombie avec les FARC ?
Le Mali se défend et défend les mêmes valeurs que les pays où résident les donneurs de leçons de morale au mépris de la dignité et de la souveraineté de notre peuple.
Les problèmes qu’affrontent les régions Nord du Mali ne sauraient être réduits à un simple exercice d’approfondissement d’une démocratie formelle par la voie d’une décentralisation administrative et politique.
Il s’agit de donner des réponses cohérentes à des questions aussi graves que la volonté de sécession de quelques groupuscules racistes soumis à des nébuleuses terroristes, de protection d’intérêts économiques et stratégiques vitaux de la Nation, de risques éventuels d’unifications à bases raciales permettant à des puissances Étrangères d’accaparer des portions de notre territoire national.
Il s’agit de lutte pour la sauvegarde de l’intégrité territoriale du Mali, de lutte contre des narco-trafiquants, des jihadistes intolérants et des terroristes de tout poil.
Et cela ne fut compris ni par le régime de Moussa Traoré, ni par Alpha Oumar Konare, ni par ATT, préoccupés qu’ils étaient, d’obéir à la volonté de l’Étranger pour paraître comme de bons élèves, plutôt que de sauvegarder les intérêts vitaux du peuple Malien.
La situation à laquelle nous faisons face, est complexe ; elle est profonde ; elle n’a que trop duré.
Il ne faut pas avoir l’illusion de pouvoir la régler facilement et rapidement. Il est nécessaire donc d’adopter de bonnes solutions, se préparer à une lutte longue, dure, multiforme, agir avec constance et dextérité.
La victoire est possible. Mais elle exige une bonne organisation du peuple, sous la direction d’une bonne équipe de Patriotes convaincus, bénéficiant de la coopération de nos frères Africains et de nos nombreux amis à travers le Monde.
Par Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni pour Option
[1] Le litham est aussi appelé turban. La République des Lithinés serait la République des populations portant le turban, notamment les Tamachèques.
le probème du nord a pris une autre dimension et ne peut être géré comme en 63/64
merci modibo pour ce qu’il a fait et merci ces successeurs pour leurs approches de gestion
nous n’arrivons pas à nous dépasser dans l’analyse du problème ; ce qui nous amène à des observations maldroites, partisanes et ploticiennes qui nous éloignent d’une gestion définitive.
toujours des rancoeurs qui ne resovent rien et qui nous empêchent de faire preuve de lucidité face à ce douleureux problème
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