C’est le 07 février 1986 que l’émérite fils africain, qui catalyse la fierté de tout un continent et de l’homme noir où qu’il se trouve, Professeur Cheikh Anta Diop, a rendu le dernier souffle à Dakar, capitale de sa patrie. 25 ans après, aujourd’hui, jour pour jour, notre collaborateur Moussa Wélé Diallo, Professeur de Lettres au Collège Cheikh Anta Diop de Bamako créé par notre compatriote Sékhéné Mody Sissoko en hommage à l’illustre disparu, rappelle quelques éléments de sa riche et captivante biographie.
Cheick Anta Diop est décédé le 7 février 1986 à Dakar. En ce jour anniversaire de la 25ème année de son rappel à Dieu, qu’il me soit permis, moi jeune professeur de Lettres, de m’incliner pieusement devant son intelligence exceptionnelle et sa vaste érudition. Plus je le découvre, plus mon admiration pour lui augmente. Du peu que je sais à présent de l’illustre savant, j’en suis à la conviction profonde que l’Afrique doit supplier Dieu de lui envoyer des fils comme Diop. C’est un chercheur rigoureux, respectable en tous points de vue, qui a bousculé par la force de l’argument scientifique les certitudes arrogantes portées par les esprits réduits et coloniaux de son époque.
Cheikh Anta Diop est un historien et anthropologue sénégalais. Il a mis l’accent sur l’apport de l’Afrique et, en particulier, de l’Afrique noire à la culture et à la civilisation mondiales. Ses thèses restent aujourd’hui contestées, et peu reprises dans la communauté scientifique occidentale. On comprend aisément une telle attitude. Mais cela ne diminue en rien sa valeur qui résistera au temps, on peut le jurer.
Cheick Anta Diop est né le 29 décembre 1923 à Tieytou, dans la région de Diourbel (Sénégal). Sa famille est d’origine aristocratique wolof. A l’age de 23 ans, il part pour Paris pour étudier la physique et la chimie mais se tourne aussi vers l’histoire et les sciences sociales. Il suit en particulier les cours de Gaston Bachelard et de Frédéric Joliot-Curie. Il adopte un point de vue spécifiquement africaine face à la vision de certains auteurd de l’époque, selon laquelle les Africains sont des peuples sans passé.
En 1951, Diop prépare sous la direction de Marcel Griaule une thèse de doctorat à l’Université de Paris, dans laquelle il affirme que l’Egypte antique était peuplée d’Africains noir et que la langue et la culture égyptiennes se sont ensuite diffusées dans l’Afrique de l’Ouest. Il ne parvient pas, dans un premier temps, à réunir un jury, mais d’après Doué Gnonsoa, sa thèse rencontre un « grand écho » sous la forme d’un livre, Nations nègres et culture, publié en 1954. Il obtiendra finalement son doctorat en 1960. Il poursuit dans le même temps une spécialisation en physique nucléaire au laboratoire de chimie nucléaire du Collège de France. Diop met à profit sa formation pluridisciplinaire pour combiner plusieurs méthodes d’approche.
Il s’appuie sur des citations d’auteurs anciens comme Hérodote et Strabon pour illustrer sa théorie selon laquelle les Egyptiens anciens présentaient les mêmes traits physiques que les Africains noirs d’aujourd’hui (couleur de la peau, aspect des cheveux, du nez et des lèvres). Son interprétation de données d’ordre anthropologique (comme le rôle du matriarcat) et archéologique l’amène à conclure que la culture égyptienne est une culture nègre. Sur le plan linguistique, il considère en particulier que le Wolof, parlé aujourd’hui en Afrique occidentale, est phonétiquement apparenté à la langue égyptienne antique.
Lorsqu’il obtient son doctorat en 1960, il revient au Sénégal enseigner comme Maître de conférence à l’Université de Dakar, depuis renommée Université Cheick Anta Diop (UCAD). Il y obtiendra en 1981 le titre de Professeur. Mais, dès 1966, il crée au sein de cette Université de Dakar le premier laboratoire africain de datation des fossiles archéologiques au radiocarbone, en collaboration avec celui du commissariat français à l’énergie atomique (CEA) de Gif-sur Yvette. Il y effectue également des tests de mélanine sur des échantillons de peau de momies égyptiennes, dont l’interprétation permettrait, selon Diop, de corroborer les récits des auteurs grecs anciens sur la mélandermie des anciens Egyptiens.
Dans les années 1970, Diop participe au comité scientifique qui dirige, dans le cadre de l’UNESCO, la rédaction d’une Histoire générale de l’Afrique. Dans le cadre de la rédaction de cet ouvrage, il participe en 1974 au colloque international du Caire où il confronte les méthodes et résultats de ses recherches avec ceux des principaux spécialistes mondiaux. A la suite de ce colloque international,il lui est confié la rédaction du chapitre consacré à l’origine des anciens Egyptiens .
Le rapport final du colloque mentionne l’accord des spécialistes à l’exception d’un- sur les éléments apportés par Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga au sujet de la filiation entre la culture égyptienne ancienne et les cultures africaines sont probants. .Ainsi, pour le Professeur Jean Vercouter : « l’Egypte était africaine dans son écriture, dans sa culture et dans sa manière de penser ». Le Professeur Leclant a reconnu ce même caractère africain dans le tempérament et la manière de penser des Egyptiens .La communauté scientifique reste néanmoins partagée sur la nature du peuplement de l’Egypte ancienne, principalement composée de Noirs jusqu’à la perte de l’indépendance pour certains, mixte selon d’autres experts.
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Par ailleurs, dès 1947, Diop s’engage politiquement en faveur de l’indépendance des pays africains et de la constitution d’un Etat fédéral en Afrique. « Jusqu’en 1960, il lutte pour l’indépendance de l’Afrique et du Sénégal et contribue à la politisation de nombreux intellectuels africains en France. Entre 1950 et 1953, il est secrétaire général des étudiants du Rassemblement démocratique africain et dénonce très tôt,à travers un article paru dans La voix de l’Afrique noire,l’Union française qui « quel que soit l’angle sous lequel on l’envisage, apparaît comme défavorable aux intérêts des Africains ». Poursuivant la lutte sur le plan culturel, il participe aux différents congrès des artistes et écrivains noirs et,en 1960, il publie ce qui va devenir sa plate-forme politique :Fondements économiques et culturels d’un futur Etat fédéral en Afrique noire.
Selon Doué Gnonsoa, Diop sera l’un des principaux acteurs de la démocratisation du débat politique au Sénégal où il animera l’opposition institutionnelle au régime de Léopold Sédar Senghor, à travers la création de partis politiques (le FNS en 1961,le RND en 1976),d’un journal d’opposition (Siggi,renommé par la suite Taxaw) et d’un syndicat de paysans. Sa confrontation, au Sénégal, avec le chantre de la Négritude serait l’un des épisodes intellectuels et politiques les plus marquants de l’histoire contemporaine de l’Afrique noire.
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Cheikh Anta Diop meurt dans son sommeil à Dakar,le 7 février 1986.Avec Théophile Obenga et Asante Kete Molefe,il est considéré comme l’un des inspirateurs du courant épistémologique de l’Afrocentricité.En 1966,lors du premier festival mondial des Arts nègres de Dakar,Diop a été distingué comme l’auteur africain qui a exercé le plus d’influence sur le XXè siècle.
Le 8 février 2008 le ministre de la culture du Sénégal, Mame Birame Diouf a inauguré un mausolée perpétuant la mémoire du chercheur à Thietou, son village natal où il repose.Ce mausolée figure sur la liste des sites et monuments classés du Sénégal.
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THEORIE HISTORIOGRAPHIQUE
Cheikh Anta Diop a rassemblé les résultats de ses travaux dans le dernier livre qu’il a publié avant sa mort intitulé Civilisation ou barbarie, anthropologie sans complaisance ; dans lequel il expose sa théorie historiographique, tout en essayant de répondre aux principales critiques que son œuvre a suscitées chez les historiens et « égyptologues de mauvaise foi ».
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ANTERIORITE DES CIVILISATIONS NEGRES
Selon Diop, l’Homme (homo sapiens) est apparu sous les latitudes tropicales de l’Afrique dans la région des Grands Lacs .La chaîne d’hominisation africaine serait la seule qui soit complète, la plus ancienne et également la plus prolifique.Ailleurs on trouverait des fossiles humains représentant des maillons épars d’une séquence d’hominisation incertaine.
Diop pose que les premiers homo sapiens devaient être de phénotype noir, parce que selon la règle de gloger, les êtres vivants originaires des latitudes tropicales secrètent plus de mélanine dans leur épiderme, afin de se protéger des rayonnements solaires .Ce qui leur confère une carnation aux nuances les plus sombres.
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EGYPTE –UNE CIVILISATION NEGRO-AFRICAINE
L’égyptologie « afrocentrée » est un domaine de recherche initié par Cheikh Anta Diop,où l’on étudie la civilisation de l’Egypte ancienne en partant du postulat qu’elle est une civilisation négro- africaine. En effet, selon Diop, la civilisation égyptienne serait une civilisation nègre.
d’abord, elle le serait par ses habitants. Diop rapporte que selon Hérodote, Aristote, Strabon, les Egyptiens avaient la peau noire. Il signale également l’opinion du comte de Volney pour qui les Egyptiens seraient les descendants de nègres. Ensuite, les Egyptiens se seraient désignés dans leur propre langue comme un peuple de nègres
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L’EGYPTE, UNE ETHIOPIE
L’idée d’une Egypte ancienne noire avait déjà été avancée par d’autres auteurs, mais l’œuvre de Cheikh Anta Diop est fondatrice dans la mesure où elle a considérablement approfondi l’étude du rôle de l’Afrique noire dans les origines de la civilisation .Elle a donné naissance à une école d’égyptologie africaine en inspirant par exemple Théophile Obenga, Mubabingé Bilolo et Molefi Kete Asante. Diop a participé à l’élaboration d’une conscience africaine libérée de tout complexe face à la vision européenne du monde. Ses travaux et son parcours sont aujourd’hui une référence constante pour les intellectuels africains, plus encore peut-être que Léopold Sédar Senghor auquel Diop a reproché d’avoir aliéné la négritude en la basant sur un type de raison différente de la raison européenne.
Lors d’un colloque international organisé à Dakar du 26 février au 2 mars 1996 à l’occasion du dixième anniversaire de la mort de Cheikh Anta Diop, l’anthropologue Alain Froment fit une communication ouvertement critique dans la continuité de ses travaux précédents. En 1996 toujours, Xavier Fauvelle a publié un livre sur Cheikh Anta conçu comme un bilan critique.
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Cheikh M’Backé Diop, son digne fils, est intervenu au cours du dernier Festival mondial des Arts nègres qui s’est tenu en décembre dernier à Dakar avec une communication dont le titre parle haut et fort : « Les œuvres de Cheikh Anta restent toujours d’actualité. »
Dans cette modeste communication, il me plaît de saluer l’esprit qui a amené Professeur Sékhéné Mody Sissoko à créer à Bamako le Collège Cheikh Anta Diop. L’homme qu’il a pris pour modèle est l’incarnation même du savant émergeant des préjugés raciaux. En tout cas son école reste dans notre pays une référence où la pédagogie fait valoir sa pertinence dans la formation des ressources humaines. J’ai plaisir à y enseigner.
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Œuvres principales
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-Nations nègres et culture : de l’antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui,
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-L’unité culturelle de l’Afrique noire
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-L’antiquité africaine par image
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-Antériorité des civilisations nègres, mythe ou vérité historique
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-Civilisation ou barbarie
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-Nouvelles recherches sur l’Egyptien ancien et les langues africaines modernes
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