Gestion du pouvoir en Afrique : Pourquoi l’absence de révolution ?

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On est frappé dans l’histoire africaine par l’absence de soulèvement populaire. Depuis l’unification de l’Egypte par Narmer en 1000 de notre ère jusqu’au début de la traite négrière européenne au 58è siècle, je n’ai jusqu’ici recensé qu’une révolution : la révolution osirienne en 2200. Là où l’histoire de l’Europe est jalonnée d’incessants soulèvements, celle de l’Afrique noire en est presque exempte.

La royauté était la règle générale. La république, produit habituelle de la révolte était rare. Et là où elle existait comme à Carthage, c’était probablement parce que Carthage était une colonie du royaume de Djahi (Phénicie).

En réalité c’est une accumulation de facteurs qui est à l’origine de cette particularité :
– La Maât : la philosophie noire prône l’harmonie, l’équité, l’ordre. Tous les états sont bâtis sur cette base. Les citoyens doivent respect à l’autorité incarnée par le roi et le roi doit se montrer bienveillant avec ses sujets. Les rapports entre personnes sont harmonieux et non conflictuels, les mœurs guerrières sont réprouvées. La pensée fondamentale garantie donc la paix dans la société.
– La richesse économique : la richesse légendaire de l’Afrique noire avant le chaos des traites européenne et arabe combinées, est attestée par tous les chroniqueurs et explorateurs. L’abondance inouïe de nourriture et de métaux précieux apportait une suffisance matérielle à tous les citoyens. La famine n’existait pas dans l’Afrique précoloniale. On sait que la pauvreté est le 1er motif de révolution. Le bien être étant correctement partagé, le renversement du pouvoir n’était pas nécessaire. S’il y avait des frustrations, elles ne concernaient qu’une minorité et non une masse critique capable de révolution. Le dépendant (qu’on appelle abusivement esclave) lui aussi jouit généralement d’une suffisance économique car il doit être correctement traité par son propriétaire, sinon celui-ci est déchu aux yeux de la société. De même, le prisonnier de guerre étranger est intégré à l’armée nationale et s’enrichit, il défend donc également le pouvoir en place.
– L’absence de féodalité : la terre est une divinité. Dans la cosmogonie d’Iounou (Héliopolis), elle est la 4e créature de Dieu. On ne peut donc pas la posséder, elle n’appartient à personne. Une parcelle est donnée à chaque citoyen ou famille lors d’une cérémonie traditionnelle et chacun a la possibilité de se loger et de se nourrir en cultivant. Il n’y a donc pas un sentiment de confiscation des richesses par l’élite.
– La structure politique : l’Afrique noire était organisée en castes, c’est-à-dire en catégorie socioprofessionnels héréditaires. Le fils d’un artisan ne pouvait être qu’artisan, le fils d’un soldat ne pouvait être que soldat. Toutes les castes étaient représentées au sein du gouvernement et les griefs et opinions de chaque groupe étaient connus du roi qui décidait. Chacun se sentait donc écouté. Dans le royaume de Cayor (Sénégal), le chef de l’armée (djaraf bunt keur) appartenait à la caste des dépendants et dans l’empire Mossi (Burkina Faso), le 3e personnage de l’état, le rassam naba, appartenait à cette même caste.
On sait que les principaux facteurs de révolution sont le caractère conflictuel de la société, la pauvreté et l’inégalité dans la répartition des richesses, les abus du pouvoir et la dictature. On voit que l’Afrique noire par ses spécificités culturelles et environnementales, par son organisation, recelait de quoi éviter les révolutions comme en Europe. Ce sont les abus économiques de l’élite et la féodalité du clergé en Egypte qui sont à la base de la révolution osirienne.
Image : empire de Mali
Source principale : l’Afrique noire précoloniale, Cheikh Anta Diop

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