Après les festivités marquant le premier cinquantenaire de notre pays, dans seulement quelques jours rentrons définitivement dans le deuxième cinquantenaire. L’occasion est bonne de revisiter un demi-siècle de parcours malien.
Le 22 septembre 2011 le Mali entre véritablement dans son second cinquantenaire. C’est l’occasion de jeter un regard rétrospectif sur les cinquante premières années du Mali indépendant. Cette histoire contemporaine de notre pays peut être divisée en quatre grandes périodes correspondant chacune à une époque d’exercice du pouvoir par les quatre présidents qui se sont succédés à la tête de la République. Chacune de ces périodes à ses forces et ses faiblesses.
Première étape : Modibo Keïta : Patriotisme, loyauté, Socialisme et Investissement humain.
Au lendemain de notre accession à la souveraineté nationale, l’équipe du Mali nouveau dirigé par Modibo Keïta a travaillé d’abord pour avoir un malien amoureux de sa patrie et dont le souci constant est de le servir. C’est pourquoi des reformes importantes ont été faites pour une reconversion des mentalités. Pendant cette époque, de grandes réalisations ont été faites dans les domaines de l’industrie, de l’éducation, de la santé etc. D’ailleurs il n’est pas exagéré de dire que nous continuons encore à profiter des acquis de la première république. Dans le domaine social le malien a réussi à se bâtir une personnalité qui exige son respect par l’ensemble des peuples du monde. Pour preuve, Charles De Gaule disait que Modibo était le seul chef d’Etat africain qui puisse regarder sans baisser la tête. Chacun savait son rôle dans la société et l’intérêt du Mali primait sur l’intérêt du clan et de l’individu.
Certes les miliciens ont laissé de tristes souvenirs. Mais l’évolution actuelle de notre société et la dégradation de nos valeurs familiales suscitent une certaine nostalgie de la brutalité des miliciens pour faire face aux comportements vilains auxquels nous assistons : non respect des aînés, du code de la route, contestations sociales et scolaires stériles, tenues vestimentaires indécentes, injures graves, incivisme, corruption….
Cette période qui devrait marquer la naissance du malien avec son idéologie et résolument engagé dans l’accomplissement de son destin a été interrompu par l’intrusion de l’armée dans la vie politique par le coup d’Etat du 19 novembre 1968 dirigé par Moussa Traoré.
Deuxième étape : Moussa Traoré, l’anarchie militaire,
Injustice, Dignité.
Le Mali de la 2ème république a été celle du goût prononcé du pouvoir. Tous les moyens étaient bons pour se maintenir : Menace, intimidation, déportation, exécution sommaire. C’était le Mali des discours creux, des promesses non réalisées. Cette période a vu la société malienne divisée en deux : les intouchables puissants et les faibles pour subir. Il n’était pas rare de voir une personne croupir en prison des années durant sans qu’elle ne sache l’objet de son arrestation parce qu’un baron du régime souhaitait qu’il en soit ainsi.
Et pourtant pendant cette période de dictature, le malien était fier d’être malien. L’école produisait des cadres valeureux même si le marché de l’emploi était fermé et tout le monde mangeait à sa faim. Rares étaient les mensonges, les vols à grande échelle. Pendant cette période l’espoir était permis car le malien avait une bonne réputation surtout à l’extérieur.
L’autorité de l’Etat s’exerçait et nos administrations fonctionnaient mieux qu’aujourd’hui. Mais le mécontentement populaire, l’aspiration du peuple malien à la liberté et la justice sociale et l’intervention de l’armée ont mis fin au pouvoir clanique du général Moussa Traoré en mars 1991. C’est au bout d’une transition de 14 mois que les militaires ont cédé le pouvoir aux civils à la suite des élections générales de 1992.
La troisième Etape : Alpha l’apprentissage de la démocratie, la démesure et la Nostalgie du parti unique.
Le pouvoir de la troisième république n’est que le régime revue et corrigée de la 2ème république. Pendant le premier mandat du président Konaré, on avait assisté véritablement à l’instauration d’un contexte politique favorable à l’apprentissage de la démocratie. Très tôt des dissensions internes ont entrainé une radicalisation du pouvoir. Chemin faisant des acteurs du mouvement démocratiques ont été peu à peu écartés et expulsés par des inconnus dont certains ont cru pouvoir être au dessus du chef et d’autres voulant vaille que vaille se forger un destin national. Cette période s’est caractérisée par des emprisonnements d’opposants, des journalistes incarcérés et battus, des abus de langage. Cette période a vu renaitre les désirs de fondation d’un parti unique tout puissant : l’ADEMA. L’ostracisme était de règle. C’est le début de l’enrichissement illicite exagéré qui continue aujourd’hui encore. L’école a été sacrifiée puisqu’elle n’était plus qu’un champ d’expérimentation politique. Néanmoins le pouvoir Alpha a ouvert de grands chantiers pour le développent, de grandes reformes comme la décentralisation.
A la fin du mandat du premier président démocratiquement élu du Mali indépendant, haines et mépris avaient engendré l’échec de la classe politique.
Quatrième période : ATT le bâtisseur, l’incivisme, Impunité, Médiocrité, Corruption.
Incontestablement le pouvoir d’ATT a été marqué par la construction de route, d’autoroute, de centre de santé, d’école, d’édifices publics… De grands travaux sont réalisés même si le pays est lourdement endetté. Le climat politique est apaisé même si les opposants sont réduits au silence par des méthodes froides et le chantage. Des accords signés avec les syndicats même si les grèves se poursuivent. Des performances économiques sont réalisées même si des fonctionnaires milliardaires se multiplient. Des améliorations de salaires et des exonérations sont faites même si les prix des produits de première nécessité prennent l’ascenseur chaque mois. Jamais le peuple du Mali n’avait connu autant d’incivisme. Rares sont les ministres de la république qui savent chanter correctement l’hymne national. Des députés arrogants et méprisants ceux qui les ont élus violent en permanence des lois qu’ils ont eux-mêmes votées. Des ministères sont devenus les sièges de certains partis politiques d’où des confusions entre une mission gouvernementale et une mission du parti. Confusion également entre les ressources du ministère et celles du parti. C’est la politique du laisser aller et du laisser faire. Les décorés du matin sont relevés de leur fonction l’après midi ou jeter en prison le lendemain puis libérés le surlendemain avec une promotion à la clé. L’impunité est quasi totale. Jamais le trafic d’influence n’avait atteint de telle proportion. Jamais l’école n’a été sacrifiée dans un pays comme dans le Mali actuel. Jamais la célébration et la médiatisation des échecs comme étant des réussites n’a été faite comme on le fait aujourd’hui. La croissance est chantée, magnifiée même si le peuple trouve difficilement un repas par jour. Aucune distinction entre politiques, opérateurs économiques, sociétés civiles et militaires etc.
Au regard du bilan globalement insatisfaisant du premier cinquantenaire, il est impérieux aujourd’hui de rajeunir la classe politique du Mali. Le nouveau président qui sera élu en 2012 doit tenir compte des forces et des insuffisances de tous ses prédécesseurs. Son premier travail devrait consister à doter les maliens d’une idéologie et d’une conscience historique et politique par une reconversion des mentalités.
Bandiougou DANTE