Commémoration du 26 Mars : La Révolution trahie par ses acteurs

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Que reste-t-il encore de la flamme révolutionnaire du 26 Mars 1991? Très peu de choses, pour ne pas dire rien. Au fil des ans, la flamme  n’en  finit plus de faiblir, au point que l’anniversaire de cette date-repère de l’histoire récente de notre pays passe presqu’inaperçu.

Monument des Martyrs
Monument des Martyrs

Et pourtant, cette  révolution fut portée  par un formidable souffle qui a vu le peuple malien  se lever comme un seul homme pour mettre bas un régime dictatorial et autocratique de 23 ans. Le changement opéré souleva une immense espérance  pour la satisfaction de la plate-forme de revendications : la promotion des libertés collectives et individuelles, y compris la liberté d’expression, l’avènement du multipartisme intégral et un mieux être  pour l’ensemble des Maliens grâce à une répartition plus juste des richesses nationales.

Vingt deux ans après, que d’eaux ont coulé sous le pont des Martyrs? Dans la foulée de la révolution, l’on assista effectivement à une libération des initiatives créatrices  qui s’accompagna  de l’éclosion d’une kyrielle d’associations à vocations diverses dont le nombre dépasse aujourd’hui les 3 000.

Sur le plan politique, le multipartisme  intégral, une revendication de base, devint une réalité tangible. Le nombre des partis politiques dépasse aujourd’hui la centaine, même s’il faut préciser que les formations politiques qui vivent réellement atteignent péniblement la quinzaine. La plupart d’entre  elles ne sont visibles uniquement qu’à l’occasion des élections et le reste du temps, c’est la quasi-hibernation. Le travail d’éducation et de sensibilisation de leurs militants est superbement ignoré.

Quant aux libertés collectives et individuelles, elles connurent leur âge d’or  marqué par une véritable explosion démocratique  avec à la clé une profusion d’organes de presse dont plus de 200 radios de proximité (communautaires, commerciales et rurales) et une centaine de journaux privés  sur lesquels une trentaine paraissent régulièrement. Si elle a gagné la bataille  de la quantité, la presse privée se doit aussi  de relever le défi incontournable de la qualité.

Le coup de grâce fut donné à la démocratie malienne à la faveur de la grave crise sécuritaire et politico-institutionnelle  que notre pays traverse  actuellement. Sans négliger les facteurs exogènes et les considérations géopolitiques, cette crise  est, en grande partie, la résultante d’une série d’erreurs voire de fautes commises par nos décideurs  politiques qui n’ont pas su anticiper sur les évènements à partir du moment où ils n’ont pas su en faire une lucide appréciation. En avaient-ils, au demeurant,  la volonté occupés qu’ils sont à jouir des multiples privilèges que leur procure le pouvoir? Au cas où ils ne sont pas tout simplement perdus dans les dédales des  calculs politiciens pour se maintenir au pouvoir?

En vérité, ce sont ses acteurs mêmes qui ont trahi la révolution de Mars 1991. Amadou Toumani Touré, qui a militairement parachevé la révolution populaire, dans l’euphorie du moment promettait à tous qu’il allait mener le «kokadjè», «laver proprement» en bambara. Autrement dit, qu’il allait livrer une lutte implacable contre la corruption.

Des années après, force est de constater que la corruption ne s’est mieux portée que sous l’ère démocratique. Résultat : les milliardaires de la démocratie n’en finissaient plus d’ériger à tour de bras des villas cossues et autres buildings avec une boulimie et une frénésie qui n’ont aucune mesure avec leurs sources de revenus. Et de déployer ostensiblement d’autres signes extérieurs de richesses comme ces 4 x 4 dont l’insolence du luxe insulte l’environnement dans lequel ils roulent.  Du haut de leurs colossales fortunes, amassées en si peu de temps à la manière des oligarques russes,  nos nouveaux riches narguent le bon peuple, se disant que l’essentiel est d’arriver au sommet de la pyramide sociale dussent-ils emprunter pour cela  emprunter les raccourcis les plus abjects. Sous la démocratie on a mangé des deux mains, voire avec les coudes. Les «sourofing»,  entendez par là les bakchichs,  se  livrent désormais en plein jour.

Au Mali, tout se vend tout s’achète. Pour être recruté dans l’armée il fallait payer. Idem pour la fonction publique, la police et la douane. Tout s’obtient moyennant finance. Les passe-droits, les sociétés écrans, la concussion, la prévarication  et les dessous de table ont droit de cité. Les tares sociopolitiques comme le népotisme, le trafic d’influence, l’affairisme et le favoritisme -contre lesquelles on s’est battu – ont été amplifiées au centuple. L’impunité et le manque de récompense du  mérite participent à la dynamique de perpétuation du cercle vicieux, le tout se déroulant sous l’œil laxiste d’ATT. C’est le triomphe de la médiocratie.

L’hydre de la corruption s’est muée en véritable cancer qui, par métastases, a fini par gangrener l’ensemble du corps social. ATT, le héros du 26 mars a-t-il fini par devenir le zéro de la République? Comment ne pas se poser la question devant un tel sombre tableau? Les réalisations socio-économiques qu’il détient à son actif ne pouvant guère faire le poids devant la grave crise  dans laquelle sa façon de gérer a fini par nous entrainer.

Pour tout dire, c’est toute la classe politique et l’élite intellectuelle qui ont démissionné. Tous se sont invités au banquet du consensus alimentaire mais soporifique d’Amadou Toumani Touré, l’indépendant. Avec la crise même les libertés fondamentales ont pris un sacré coup face à la multiplication des agressions physiques, les arrestations et autres intimidations de journalistes. D’exemple en Afrique voire dans le monde, le Mali est en train de devenir un contre-exemple en matière de liberté de presse. Et de démocratie tout court.

La société civile, qui aurait pu constituer  une force neutre de proposition,  est entrée, depuis belle lurette, de plain pied  dans le jeu politicien. Peut-être qu’elle  ne voulait pas, elle aussi, rester en marge du festin général. La société civile y compris la presse, le chien de garde de la démocratie. Le chien de garde ou le veilleur de nuit a, quant à lui, laissé sa vigilance se prendre à défaut. S’est-il laissé attirer par le fumet appétissant des os charnus qu’on lui lance de temps à autre? A sa décharge, le système politico-administratif l’a précarisé  à dessein pour l’instrumentaliser à ses fins.

Alors que la presse qualifiée, à juste titre, de quatrième pouvoir, est censée être l’un des piliers centraux de la démocratie, le dernier rempart contre l’injustice  pour le citoyen broyé par la machine politico-judiciaire. Une posture qui  fait, ipso facto, de la politique une fin en soi. Les acteurs sont prêts à tout  pour acquérir  le pouvoir et le garder. L’école, qui symbolise l’avenir même du pays, est devenue le champ clos des luttes politiciennes. Au grand dam du devenir immédiat de la nation  et des jeunes, les futurs cadres de  demain.

Sous peine d’hypothéquer l’avenir du pays, l’élite politique se doit de s’amender sans délai et de rompre avec une telle attitude. L’affairisme et   la défense des intérêts particuliers et sordides doivent  céder le pas au culte du patriotisme, le respect du bien public et l’amour du travail bien fait. Le sens de la dignité doit primer sur l’arrivisme et la patrie mise au-dessus de toute autre considération. C’est ainsi  et seulement ainsi que le sursaut national si indispensable et salutaire pourrait s’opérer.

Les élections à venir constitueront un test majeur dans ce sens. Les leaders politiques devraient se faire violence, pour une fois, afin de taire leurs dissensions personnelles et leurs querelles de clochers  dans le but de sortir le pays du gouffre dans lequel ils ont largement contribué à le plonger.

Pour ce faire,  ils devraient se garder de confondre combat de personnes et luttes politiques d’idées  pour la construction nationale. Mais force est de constater qu’ils continuent  plutôt de se regarder en chiens de faïence  en se vouant une haine insensée  et dommageable pour le pays. Qu’ils sachent enfin qu’il n’y a qu’un seul fauteuil présidentiel et qu’on peut se rendre utile à son pays et gagner bien sa vie sans être forcément président de la République, ni ministre ni même être Directeur Général  ou  PDG de société.

Yaya Sidibé  

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8 COMMENTAIRES

  1. Mr. Sidibe vous meritez le respect pour un tel chef d’oruvre journalistique. Le reel probleme du Mali de ces 22 dernieres annees n’est autre que la TRAHISON de la memoire de tous les martyrs tombes pour que beaucoup d’inconscients profitent aujourd’hui. Beaucoup des revolutionaires d’hier sont devenus pirent aujourd’hui que ceux qu’ils ont combattus. Et la ou le bas blesse, c’est la demission totale et la complicite combien coupable et impadonnable de la population qui est le partenaire des crimes contre l’etat. Le Mali en 22 ans de “democratie” a battu tous les records d’abus et de laisser aller jamais connus avant. Le pays a connu plus de millirdaires en si peu de temps que ca depasse la comprehension. En plus le pays avec plus generaux dans l’armee qu’aux E.U., a une armee de nom. L’indscipline est telle que personne ne respecte les lois et cela a tous les niveaux. LE DEVELOPEMENT OU LA PROSPERITE NE TOMBE PAS DU CIEL; C’EST LE FRUIT DU TRAVAIL ET DE LA DISCIPLINE.

  2. Le 26 Mars trahi par certains journalistes alimentaires comme Tchahana Takiou qui avait t une belle plume et surtout il allait a l’information depuis il change de ligne éditoriale comme son aîné Adam Thiam .On s’en prend uniquement aux politiques seulement , pas a la société civile, pas une certaine presse pas a la jeunesse qui est une jeunesse alimentaire pas a ceux qui refusent d’aller voter qui élisent le Président dans leur grin en prenant du thé, pas aux leaders politiques qui n’ont aucun projet pour le pays qui attendent la veille des élections pour acheter des voix si les maliens ne prennent pas conscience en se disant celui qui donne de l’argent pour avoir ton bulletin peut vendre ce pays une fois élu Président de la République , la jeunesse malienne doit méditer celle du Sénégal l’avenir d’un pays c’est sa jeunesse , elle doit refuser l’argent et choisir un projet bien ce pays meurtri

  3. apres le 26 mars, les communistes qui ont combatu Moussa Traore sont devenus des commercants detaillants, des operateurs economiques, des escroc de tout acabit. ILS ONT TRAHI LE PEUPLE.ILS SONT DVENUS LES NOUVEAUX MILLIONAIRES ET MILLIARDAIRES DU MALI ET ONT JETTER A LA POUBELLE LES OEUVRES CHOISIES DE MARX-ENGELS ET LENINE QUIL AFFICHAIENT DANS LEUR MAIGRES SALONS. ALLAH AKBHAR.

  4. La classe politique dans son ensemble avait demissionne.Meme le parti SADI qui etait devenu bavard ces derniers temps etait silencieux pendant le premier mandat de ATT.En ce moment son president etait le ministre de la culture.Le champs etait libre a……….

  5. L’on s’attendait à une “répartition plus juste des richesses nationales” après le 26 mars.Mais hélas!on s’est vite rendu compte que ceux-là qui ont remplacé GMT dans les affaires, ont été pires que l’état-UDPM dans la gestion du pouvoir !A la fin, plus d’opposant (à l’exception du SADI-BARA…): tout le monde voulait profiter de l’aubene de l’état de consensus pour manger avec les 2 mains, voilà c’est le résultat!Après tout certains veulent nous faire croire que le coup d’état du 22 mars a été un gachis!Un gachis oui pour ceux qui trouvaient leur compte dans la corruption, l’affairisme, les trafics d’influence,le vol organisé…!Sinon c’est salutaire!

    • mon cher votre analyse irreprochable tu à tout dit. mais rare des maliens conscient de la realité que ses politichiens ont fait de notre pays pendant ses 20ans.nous mirroité une democratie exemplaire avec des ministres milliardaire des voleurs de bien public,des richars tombée du ciel sur le dos du contribuable malien.le ministre des finances français fait l objet de beaucoups de debat sur les chaines internationnaux.en afrique il ya combien de cas comme sa etouffer au profit des voleurs.le MALI est un exemple de movaise gestion des bien public.mon cher nous somme tous responsable de cette derrive car nous avont laisser le pays entre les mains des vautours de politichiens en prenant des thés,sucre et tree short.hoo maliens et maliennes prenont toute nos responsabilités devant DIEU et les HOMMES pour les elections futur car nous seront tous comptable des resultats dans les urnes.la revolution du 26 mars à servis uniquement les partis politique qui dissaient a son temps 100/100 salaire

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