Centenaire de Modibo Keita : Le peuple malien se souvient

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Modibo KEITA
Modibo Keita, le 1er président du Mali

A l’occasion du centenaire de la naissance de Modibo Keïta, premier président du Mali indépendant, il convient de rendre hommage à l’homme. Rappelons tout d’abord que Modibo Keïta est le 04 juin 1915 à Bamako. Fils de Fatoumata Camara et de Daba Keïta, Modibo Keïta est un ancien élève de l’école de l’école des fils de chef. Après son initiation à la connaissance du Coran à l’école coranique de Bamako, Modibo Keïta obtient son certificat d’études primaires à la session de juin 1930. C’était à l’école primaire urbaine de ladite ville où il fit son entrée en octobre 1925.

En août 1930, Modibo est admis à l’Ecole primaire supérieure (EPS) de Bamako. Intelligence hors pair, Modibo Keïta fut reçu premier de la colonie du Soudan en Afrique occidentale française en 1933 au concours d’entrée à l’école normale William Ponty de Gorée au Sénégal. A cette époque, cette école faisait office d’université pour les indigènes d’Afrique occidentale française. Avec une moyenne honorable de 14,85/20, Modibo Keïta sort de William Ponty en 1936 major de sa promotion. Ses professeurs n’ont pas caché leur pleine satisfaction de la conduite et du travail qu’il accomplit jusque- là. Ils ont laissé ce témoignage élogieux sur Modibo dans son livret scolaire : «Elève modèle sur tous les rapports, belle intelligence, beaucoup d’énergie. Très brave, a sauvé un de ses camarades (Emile Zinzou, ancien président du Dahomey, actuel Bénin) qui se noyait». Ces professeurs ont écrit de façon prémonitoire sur Modibo ce qui suit : «Instituteur d’élite, très intelligent mais antifrançais, agitateur de haute classe à surveiller de près… Foncièrement honnête et franc, doté d’une mémoire visuelle très développée

En vue de s’assurer une formation politique de base, Modibo Keïta s’est inscrit au Groupe d’études communistes (GES). Modibo Keïta eut une carrière professionnelle assez tourmentée. Ainsi, il fut affecté en sa qualité de pédagogue émérite au Soudan français en 1936. Il a servi avec honneur et dévouement à l’école régionale de Bamako sise à Bamako-Coura (actuelle école Mamadou Konaté). C’était de 1936 à 1943. Il fit ses preuves à l’école régionale de Sikasso de 1943 à 1947. Puis, il s’est retrouvé à l’école normale de Kabara à Tombouctou où il servira de 1951 à 1952. Il revient à Bamako où il enseigna à l’école de N’Tomikorobougou (1952-1955).

Pragmatiste par excellence, Modibo a su lier l’école à la vie. C’est ainsi qu’il s’est illustré enseignant exemplaire à l’école normale de Sikasso où non seulement il enseignait la psychologie et la pédagogie mais aussi le jardinage, la forge et la menuiserie. Pour Modibo Keïta, il n’y a pas de sot métier. Aux enseignants et à la face du monde, il disait : «On ne peut pas enseigner sans aimer les enfants, aimer les donc.» Cette leçon reste valable car sans un amour réel pour les apprenants, ceux-ci ne peuvent s’approprier les valeurs cardiales d’éthiques et de morale qui faisaient jadis une marque identitaire essentielle de notre pays. Infatigable pédagogue de première heure, Modibo Keïta disait à ces élèves : «Ce pays est le vôtre. Chacun doit savoir lire et écrire. Surtout soyez fier du métier que vous exercez. Il est noble.»

Combattant de la liberté, Modibo Keïta a averti la jeunesse malienne à ces termes : «Lorsque les vrais propriétaires deviennent des spectateurs, c’est le festival des brigands.» C’est dire que personne ne fera le Mali à la place des Maliens. Militant de première heure pour la cause de son pays, Modibo Keïta en collaboration avec Mamby Sidibé a fondé en 1967 l’ «Association des lettrés du Soudan» qui deviendra la même année le «Foyer des intellectuels du Soudan». C’est la même année que naîtra sur les fonts baptismaux le syndicat des enseignants du Soudan. Cet exploit, il l’a réalisé avec Mamadou Konaté et Ouezzin Coulibaly. Syndicaliste donc,  Modibo le fut.

Lors de son séjour sikassois, Modibo a lancé un journal intitulé «L’œil du Kénédougou». Ce journal fut pour l’enseignant modèle le créneau de dénonciation des exactions de l’administration coloniale. Homme de culture, Modibo aimait la musique du terroir, le théâtre, le basketball et le volleyball.

Sur le plan politique, Modibo n’est pas demeuré en reste et pour cause : il s’est battu corps et âme pour l’unité politique du Soudan autour de partis politiques comme le Bloc soudanais (BS), le Parti progressiste soudanais (PSP), le Parti démocratique soudanais (PDS). C’était en janvier 1946. Mais cette unité n’a pas fait long feu. Elle éclata le 22 octobre de la même année. Cet éclatement fait suite au congrès constitutif du Rassemblement démocratique africain (RDA).

En janvier 1947, Modibo Keïta est élu secrétaire général de l’Union soudanaise RDA (US-RDA). Il servira avec dévouement ce parti pendant 4 ans sans salaire. Le PSP sera détrôné en 1956 par le courage et l’intelligence de Modibo Keïta. C’était en faveur de l’US-RDA, parti qui a conduit le Soudan à l’indépendance le 22 septembre 1960 avec comme artisan principal Modibo Keïta. Son seul gage était l’unité africaine. Mais pour lui, cela n’était possible que lorsqu’on réussira à réaliser au préalable l’unité nationale.

Sur le plan sous- régional, Modibo Keïta fut porté à la tête du Parti de la Fédération Africaine (PFA). C’était en 1959. Mais la Fédération du Mali fondée le 20 juin 1960 fut de courte durée. Elle éclata le 20 août de la même année, juste au bout de trois mois d’existence.

Créée en mai 1958, l’Union Ghana- Guinée sera enrichie par le Mali. Elle devenait ainsi le 1er juillet 1961 l’Union Ghana-Guinée-Mali. C’était grâce au combat sans réserve de Modibo Keïta pour l’union régionale et africaine. L’Organisation des Etats riverains du fleuve Sénégal (OERS) verra le jour à l’initiative du Mali de Modibo Keïta.

Sur le plan continental, Modibo s’est illustré par ses efforts surhumains en faveur des ensembles africains plus vastes, telle l’Organisation de l’unité africaine (OUA) créée à Addis-Abeba le 25 mai 1963. Grand conciliateur, Modibo a su réunir autour de lui à Bamako les protagonistes de la guerre des Sables. C’était du 29 au 30 octobre 1963. A cette rencontre de la fraternité, sous l’égide de Modibo Keïta, étaient présents : le roi Hassan II du Maroc, le président algérien Ahmed Ben Bella et l’empereur d’Ethiopie Ailé Sélassié 1er.

Ainsi, la sale guerre fratricide prit fin grâce au diplomate président Modibo Keïta.

Sur le plan international, Modibo a marqué de son empreinte indélébile la conférence de Belgrade où  naquit le mouvement des non-alignées. C’était en septembre 1961.

Fin apôtre de la paix, Modibo Keïta a été décerné du prix de la Paix Lénine. C’était à Moscou en 1963. Ce prix, Modibo Keïta l’a dédié aux combattants africains tombés pour l’avènement de la liberté en Afrique. Avec le prix Lénine Modibo a créé le Centre de rééducation pour sauver les enfants maliens souffrant de la poliomyélite et menacés de paralysie.

Aujourd’hui, à la croisée de toutes les politiques machiavéliques dont il est victime depuis la chute de Modibo Keïta, notre peuple pleure son président, ce grand nationaliste, panafricaniste et homme de paix à l’échelle mondiale.

Pour arrêter l’hémorragie de notre peuple, sa jeunesse doit s’approprier le combat du président Modibo Keïta, combat qu’il n’a cessé de mener toute sa vie durant. L’on comprend donc pourquoi Frantz Fanon disait : «Chaque génération, dans une relative opacité, doit accomplir sa mission ou la trahir.»

Les huit (8) ans de gestion responsable et nationaliste de nos affaires par Modibo Keïta (1960-1968) doivent illuminer le chemin de notre pays vers la réalisation d’un Mali radicalement nouveau jusque- là victime de la gestion calamiteuse de ses affaires par ceux-là même qui n’ont cesse de vénérer dans leurs discours politiques pour l’insulter par leurs actes crapuleux et peu recommandables.

Fodé KEITA

 

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1 commentaire

  1. C’est dommage et c’est regrettable car la réalité sur la vision du Président Modibo a été caché sinon déformer durant tout ce temps à la population, pourtant la dictature est terrassé il y’a 23 ans qu’est-ce que les organisateurs de ce posiduim attendaient ou bien c’est après avoir fini toutes les cartouches qu’on donne raison aux vieux pères de l’indépendance (Modibo Keita, Sekou Touré et autres). J’apprécie et je remercie l’initiative car tard vaut mieux que jamais. Merci de reconnaître la valeur des vrais indépendantistes qui savaient ce qu’ils voulaient et ce que leur peuple voulait.

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