Archives du Mali – Discours prononcé par Modibo Kéïta au stade Mamadou Konaté…

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Discours prononcé par Modibo Kéïta au stade Mamadou Konaté après l”arrestation de Fily Dabo Sissoko Kassim Touré et Hamadoum Dicko le 28 juillet

Chers camarades, population de Bamako,

Je crois qu’on n’a pas besoin de faire un commentaire spécial pour justifier l’indignation de tout le peuple du Mali et la population de Bamako en particulier qui ont été témoins de près ou de loin des manifestations anti-maliennes, anti-africaines de la journée du 20 juillet 1962.

S’il est encore besoin d’une démonstration pour éclairer les soutiens occultes de ces traîtres à la patrie, une telle manifestation devait leur dire que le peuple du Mali n’est pas un peuple que l’on peut domestiquer, que ce n’est pas également un peuple que l’on peut détourner de la voie qu’il s’est librement choisie, parce qu’il a estimé que c’est la seule voie qui soit compatible avec sa dignité de Malien et en même temps avec sa dignité d’Africain.

A ceux qui, dans les couloires plus ou moins sombres de leurs bureaux, entretiennent les Maliens sur une prétendue dictature en République du Mali ou sur la voie communiste choisie par la République du Mali nous disons :

Regardez ce peuple qui vous répond et qui dispose librement sa destinée. S’il entend demain choisir une dictature du peuple, il la choisira. Ce peuple est là également pour dire que si demain il lui plaisait d’opter pour le communiste, il sera communiste et aucune force ne saura l’en empêcher.

Alors, nous disons aux uns et aux autres, d’abord aux grands architectes de la démolition des Etats factices à leur goût, ensuite aux spécialistes de la préparation de coups d’Etat, et enfin nous disons également à ceux qui se sont engagés dans la carrière de l’établissement et du maintien de la guerre froide, qu’en République du Mali ils useront leurs griffes. Donc à bon entendeur, salut.

Camarades, nous ne parlerons pas ce soir des tractations perpétrées dans certains bureaux et dans certaines maisons.

Nous préférons réserver ces dossiers pour d’autres tribunes, pour les tribunes internationales où nous dénoncerons les pays ou leurs ressortissants qui s’immiscent dans les affaires intérieures des Etats africains, qui veulent que ces Etats soient des satellites de leur politique de guerre et de leur politique rétrograde. Car en ce qui nous nous concerne, il faudrait qu’il s’adresse à d’autres, mais pas au peuple de la République du Mali.

Camarades, l’objet de cette réunion, c’est pour dérouler devant vous le film des évènements que notre capital a connus.

Eh bien, je dois vous dire que sans la vigilance de la Direction du Parti et de nos forces de sécurité, ce film ne serait pas seulement le film de Bamako, mais il serait, hélas, le film de toute la République du Mali.

En effet, ce n’est pas seulement vendredi dernier, vendredi 20 juillet, que les incidents devaient éclater à Bamako. Nous les avons devancés par l’arrestation d’un de leurs instruments, Kassoum Touré, et cela a suffi pour en déjouer tout le plan.

De quoi s’agissait-il effectivement ?

Des hommes, des citoyens d’autre pays ne peuvent pas se consoler de la politique d’indépendance politique et économique de l’Union Soudanaise-R.D.A., de son peuple et de son Gouvernement.

Ils savent que le peuple du Mali est un peuple qui, malgré son sous-développement est un peuple majeur, parce qu’il a derrière lui plusieurs siècles de vie nationale, même si cette vie en certaines périodes a été perturbée par l’existence d’empires ou de royaumes plus ou moins rivaux.

Ce qu’ils doivent avoir cependant, c’est que notre peuple a courageusement, pendant des dizaines d’années, opposé la poitrine des meilleurs de ses enfants à la domination étrangère.

Donc un tel peuple qui a son passé qu’il ne renie pas et dont il est fier, un tel peuple ne peut pas accepter d’être téléguidé ! C’est justement parce que nous avons refusé d’être téléguidés qu’on a essayé de se servir de quelques apatrides, de quelques pauvres Maliens qui n’ont pas pu encore s’apercevoir de la réalité politique du Mali en 1962.

En effet, comme nous, ces éléments hostiles à notre pays s’étaient aperçus de l’action possible des idées partant de la République du Mali vers d’autres Etats africains. Or cela est la conséquence d’un accident géographique. En effet, nous sommes un pays central, nous sommes en plein coeur de l’Afrique. Partant, nous avons été sans le vouloir les instruments de l’application d’une loi historique qui veut que toute idée partant d’un point central se diffuse dans toutes les directions comme du soleil.

L’Afrique était restée le dernier rempart de la lutte des idéologies qui se divisent le monde. Elle était restée à l’abri de cette lutte parce qu’elle n’avait pas encore sa personnalité.

Mais dès l’instant que chaque jour des nations nouvelles ont commencé à naître en Afrique, notre continent est devenu l’enjeu de la rivalité entre les grandes puissances.

C’est à celle qui usera de tous les moyens pour pouvoir asseoir son influence afin d’éliminer, si elle existait déjà, ou alors de l’empêcher de s’installer, toute autre influence étrangère.

Or, comme je vous l’ai dit, les idées se diffusent par rayonnement d’un point comme les rayons de soleil . Elles vont alors dans toutes les directions.

Les représentants de ce grandes puissances ont réalisé que les idées dynamiques partant de la République du Mali ne pouvaient se briser sur les frontières artificielles que la domination coloniale a créées entre ces diverses parties de l’Afrique. Par conséquent, il fallait tuer le germe de nationalisme africain ; il fallait donc empêcher la République du Mali d’appliquer librement la politique économique, sociale et culturelle que son Congrès lui a assignée en 1960.

Et pour cela, sur qui fallait-il compter ?

Sur les quelques Maliens mécontents, soit parce qu’ils n’ont pas été satisfait dans leurs ambitions, ou bien parce qu’ils ont la nostalgie des super-bénéfices qu’ils réalisaient avec la complicité des trusts coloniaux sur le dos de nos frères, soit parce qu’ils ont été obligés de rejoindre l’Union Soudanaise RDA, soit enfin parce qu’ils n’avaient pas d’autres possibilités et avaient pensé se servir de la couverture du Parti pour préparer la subversion et mettre le pays à feu et à sang avec la complicité d’étrangers.

Alors, on ne pouvait trouver mieux que de tenter d’exploiter un pseudo-mécontentement chez certains commerçants apatrides, mécontentement consécutif à la création de la SOMIEX, de la Régie des Transports, bref, de tous les organismes d’Etat qui réduisent considérablement les bénéfices illicites de ceux qui ne peuvent pas se faire à la pratique légale des transactions commerciales. Enfin, il fallait cristalliser ce mécontentement autour de quelques éléments , autour de quelques maliens.

C’ est là qu’intervient le rôle que devait jouer un Kassoum Touré dont tout le monde connaît la verve. Il devait électriser le mécontentement, le mobiliser pour l’envoyer comme une marée, une véritable marée sur les institutions du Parti et du Gouvernement. A l’ombre du désordre ainsi crée, l’on se proposait d’atteindre certains responsables et de les liquider physiquement. Un grand émoi se serait ainsi crée et nos grands hommes ”, les Fily Dabo Sissoko et Hamadoun Dicko, profiteraient alors de l’émoi général et de la démoralisation du peuple pour apparaître comme étant “ les véritables sauveurs de la République ”

Voilà, Camarades, ce qui était préparé !

Mais ce que l’on oublie, c’est que même dans certains pays qui n’approuvent pas notre politique, qui mettront tout en oeuvre pour nous mettre en échec, nous avons des alliés naturels ;

Il y a en effet un mois, exactement un mois et deux jours, nous avons été informés par des amis de certains pays d’Europe dont l’Angleterre, que du 15 juillet au 15 août, il faudra s’attendre à des mouvements subversifs ayant comme objectif un coup d’Etat en République du Mali. L’on se nous en avait même indiqué le processus. Il a été suivi et je vous en ai parlé tout à l’heure . Son point de départ était l’exploitation du mécontentement artificiel de certains frères commerçant et de certains transporteurs ;

Les artisans des coups d’Etat avaient pensé que le fruit était mûr au Mali et qu’il fallait simplement un peu de secousse pour que la direction de l’Union Soudanaise RDA, le Gouvernement et l’Assemblée s’écroulent comme des fruits trop mûrs. Evidemment, ils n’ont pas compté sur la vigilance à laquelle je rends hommage de nos services de Sécurité.

A suivre…

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