Archives du Mali : Comment Modibo Kéïta a été renversé en 1968. Le récit d’un putsch

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Dans sa rubrique "Archives du Mali", votre serviteur se propose de vous replonger dans le passé à travers une série de publication sur les chefs d”Etat africains. A tout seigneur, tout honneur.

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Le 19 novembre 1968, le Mali venait de connaître son 1er coup d”Etat le père de la nation, Modibo Kéïta venait d”être renversé par un groupe de jeunes officiers dirigé par le Lieutenant Moussa Traoré qui n”avait alors que 32 ans. Un an après le 19 novembre 1968, Jeune Afrique dans sa parution n°465 du 26 novembre au  2 décembre 1969 avait fait un récit du putsch. Nous vous livrons l”exclusivité, tel que raconté par le reporter Gilbert Comte.

 

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Il y avait juste un an, l”armée malienne renversait Modibo Kéïta, un des leaders les plus prestigieux du continent, et s”emparait du pouvoir. Après avoir enquêté sur place pendant plusieurs semaines, Gilbert Comte a expliqué ce qui à son avis a rendu possible ce coup d”Etat "improbable". Il fait ici l”exclusivité.
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Au centre de Bamako, le Grand marché remplit un vaste carrefour de son énorme masse, ocre et compacte. D”étranges créneaux en forme d”obélisques hérissent le lourd mur d”enceinte de leurs pointes belliqueuses, et donnent à l”édifice un faux air de citadelle.  Lorsqu”ils patrouillent devant la bâtisse, les miliciens en uniforme vert de Modibo Kéïta échangent en ce mois de novembre 1968 des regards meurtriers avec les commerçants accroupis, la mine sombre, derrière leurs étalages à moitié vides.
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Depuis des mois, une antipathie grandissante oppose les deux groupes d”hommes. Comme tout le pays, ces négociants, en majorité dioulas et sarakollés, exècrent cette nouvelle garde du régime, soupçonneuse et brutale. Ils s”en savent d”ailleurs spécialement haïs, parce qu”ils incarnent à ses yeux l”éternelle réaction, toujours prête à étrangler le socialisme dans l”ombre ténébreuse des arrières-boutiques. Quelques années plus tôt, la dernière manifestation contre l”équipe du pouvoir éclata précisément devant leurs magasins, d”où une foule vociférante déferla dans la ville pour conspuer le franc malien. Les collaborateurs directs du chef de l”Etat leur en gardent une tenace rancune et les accusent maintenant d”immobiliser par la spéculation et la fraude huit milliards de francs CFA dans les luxueuses banques d”Abidjan et de Dakar, lorsque le pays lui-même manque de capitaux.

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L”oeil éteint, les traits mornes, ces subtiles colporteurs  diouals, capables de vendre le sable du désert pour de l”or à Satan lui même, s”enroulent dans leurs vastes boubous et regardent tranquillement défiler les jours, depuis cette bruyante fourmilière du Grand marché, où ils commandent en sourdine au petit peuple docile des vendeuses de bananes et des marchands de poisson séché. S”ils simulent l”indifférence, ils n”ignorent pas la vindicte des dirigeants, et s”attendent à de proches représailles.

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Envoûtés par la révolution chinoise, l”ancien ministre du Développement Seydou Bandian Kouyaté n”a t-il pas récemment dit, emporté par la colère : "S”il faut prendre les trente plus gros commerçants de la place devant leur maison pour sauver notre économie, nous  le ferons sans hésiter, et je m”en chargerai moi-même!" ?. Cette phrase terrible a mordu les négociants comme une brûlure, parce que tout le monde craint ce petit homme ascétique, psychologiquement mutilé par la  misère de son peuple, d”une sincérité dévastatrice. Certes, personne ne le voit mettre de sa main la corde au cou des propriétaires. Mais il n”ouvre jamais sa bouche dédaigneuse pour proférer des menaces vaines. Comme tous les fanatiques de qualité, il croit ce qu”il dit.

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Dans un Mali où l”opposition se terre, le commerce autochtone paraît donc la seule force en état de contrarier sournoisement le régime, à travers l”insaisissable foule de ses clients et de ses obligés. Hantés par cette crainte, les miliciens viennent journellement rôder autour des boutiques avec des mouvements de chacals inquiets. A l”occasion, ils espionnent, questionnent, rançonnent, terrorisent.

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Dans son palais de Koulouba construit sur une colline, Modibo Kéïta écoute l”agitation de Bamako comme une rumeur lointaine. Il connaît les abus de ses partisans. Consciemment, intelligemment, il laisse faire. Quelques jours après  ce triomphal retour d”URSS, en septembre, où cent mille personnes l”acclamèrent follement de l”aérodrome à sa résidence, il a su qu”un malaise fermentait dans l”armée. La nouvelle ne l”étonna guère. Comme beaucoup d”autres dirigeants africains formés dans les cénacles de la gauche française, il se méfie d”instinct de ces professionnels de la force, marqués par les  traditions de l”ancienne infanterie coloniale, toujours en mesure d”usurper sa place parce qu”ils tiennent les clés des armureries.

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Mais ce président froid, calculateur,  durci par le pouvoir qu”il préfère à tout, contrôle assez ses nerfs pour ne pas montrer qu”il connaît ce nouveau péril. Les indicateurs, les rapports confidentiels du ministre de l”Intérieur Aliou Bagayoko fournissent en outre pue de détails sur ses protagonistes. Comme d”habitude, son collègue de la Défense, Mamadou Diakité, garantit le conformisme des officiers supérieurs. Par conséquent, il faut encore quelques semaines pour percer le mystère. Sauf en tête-à-tête avec quelques amis sûrs, le ministre de la Justice Madeira Kéïta, celui des Affaires étrangères d”Ousmane Ba, Modibo feint donc de craindre les capitalistes, le négoce. Il déploie avec bruit la milice autour d”eux pour inspirer une fausse confiance aux vrais conspirateurs, et mieux de découvrir. Mais, dans cette rude partie qu”il mène avec son adresse coutumière, il ne mesure pas à leur vraie les atouts de  l”ennemi.

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Une belle carrière

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A sa décharge, il faut le dire, l”armée malienne présente en ces jours incertains la redoutable énigme d”un sphinx sans visage. A sa tête, le colonel Sékou Traoré dirige paisiblement un état-major de lieutenants-colonels et de chefs de bataillon satisfaits. Ces quinquagénaires comblés d”honneurs par le régime s”assoupissent peu à peu dans l” et dans la routine. Certes, ils n”approuvent pas toutes les décisions de l”équipe en place. Comme tous leurs compatriotes, ils déplorent les excès de la milice, grognent contre la disparition du sucre et du thé. Ce mécontentement bougonneur ne les conduit cependant pas à s”imaginer en train de faire un putsch. Dans une candide ignorance des réalités économiques, ils croient Modibo Kéïta encore capable de rétablir la situation.

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Lors d”une visite officielle qu”il consentit à l”Ecole inter-armes de Kati, en juillet 1967, le colonel Sékou Traoré lui déclara devant le front des troupes : "L”armée reste toujours à votre côté pour soutenir votre action". Dans son genre, ce chef d”Etat major est un homme sincère comme Seydou Badian Kouyaté. A l”exemple d”autres notables parvenus au terme d”une belle carrière, son imagination s”arrête simplement à ses intérêts.

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Au rang inférieur, les officiers subalternes se murent dans un silence impénétrable. Encore très jeunes pour la plupart, ces capitaines et ces lieutenants vivent dans un petit monde clos, parfois formé depuis l”enfance. Souvent fils d”anciens combattants, ils entrèrent en certains cas dès la dixième année  à la fameuse école des enfants de troupe de Kati, où la France formait les futurs adjudants noirs de l”empire. Dans cette espèce de "William Ponty" des pauvres, ils acquirent un certificat d”études primaires et une cohésion remarquable. La filière classique de l”armée coloniale les conduisit ultérieurement en Indochine, en Algérie, puis à l”École de formation des officiers africains de Fréjus.

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Une aisance de seigneur

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Ces hommes sortis du même moule donnent une étonnante impression d”uniformité. Face aux civils, aux intellectuels si influents près de Modibo Kéïta, ils gardent cette réserve un peu gauche,  habituelle aux soldats et aux paysans. Certes, un capitaine Charles Samba Sissoko tranche dans cette grisaille par son aisance de seigneur, une intelligence souveraine, directe. Naguère commandant de la garde présidentielle, ils offrit sa candidature pour diriger le cabinet militaire du président de la République. Effrayé par tant d”ambition, Modibo Kéïta l”envoya aussitôt en une demi-disgrâce commander la place de Tessalit, dans l”extrême-Nord du territoire.

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Mais, avec son élégance et son autorité d”aristocrate, Charles Samba incarne mal son milieu Capable d”analyses lucides, conscient de ses moyens, il parle volontiers. Que pense, en revanche, le lieutenant Baba Diarra, sous sa carapace de géant ? Et le capitaine Yoro Diakité, si souvent sombre et rêveur ? Et le lieutenant Filifing Sissoko dont l”oeil lance parfois des confondantes lueurs narquoise , Et le lieutenant  Moussa Traoré ? Et le lieutenant Joseph Mara ? Et le lieutenant Youssouf Traoré ? Et tant d”autres encore ?

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Malgré leurs différences de caractères, ces jeunes officies ne se ressemblent pas seulement par la puissante empreinte d”une formation professionnelle identique ; fils d”anciens combattants, ils proviennent aussi à peu près tous de familles campagnardes. Sans qu”ils en prennent une conscience nette, un obscur instinct rural se révolte en eux contre les champs collectifs, les barrières céréalières imposés à leurs parents par les idéologues socialistes de l”entourage présidentiel.

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Un ancien enfant de troupe

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Au camp de  Kati, ils côtoient quotidiennement les simples soldats, sortis comme eux de la brousse, et entendent bien des murmures contre le régime. Depuis la dissolution du bureau politique de l”Union soudanaise -RDA en août 1967 et la mise en vacance de l”Assemblée nationale cinq mois plus tard, ils s”inquiètent eux aussi de ses tendances dictatoriales. Mais surtout, ils s”exaspèrent de voir la milice, pourvue d”uniformes et d”armes légères, parader dans Bamako comme une force concurrente. Avec leurs compatriotes enfin, ils vivent chichement de maigres salaires et partage l”indignation générale devant de vie de certains ministres.

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Aujourd”hui encore, ils s”avère difficile de situer le premier artisan de cette prise de conscience progressive. Selon tous les témoignages, l”idée d”un complot militaire se dessine dès 1967 dans l”esprit du lieutenant Moussa Traoré. Agé à l”époque de trente un ans (31), ce breveté de parachutisme, connu de ses chefs pour sa froide audace, mène une existence sans tapage à Kati, entre  sa femme, naguère employée à l”ambassade américaine, et de l”école inter-armes , où il sert comme instructeur. D”origine malinké, ancien enfant de troupe (naturellement), il apprend l”échec du Mali fédéral et l”indépendance de son pays le 20 août 1960, à Fréjus. Il quitte aussitôt la France, et part avec son camarade Charles Samba Sissoko se mettre aux ordres de la jeune patrie africaine. Durant les années suivantes, ce nationalisme lui vaut d”excellente notes. Long, osseux, le regard évasif sous un front dégagé d”où saille cependant l”énergie, Moussa Traoré exerce une forte influence sur les futurs officiers dont il assume la formation, avec le  capitaine Yoro Diakité. A l”état-major du loyal colonel Sékou Traoré, personne ne s”en inquiète.

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Nul ne s”alarme d”ailleurs davantage de ses fréquents contacts avec l”officier-auto Baba Diarra, qu”il invite souvent chez lui avec les lieutenant Filifing Sissoko et Tiékoro Bagayoko.

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Liés par des affinités de tempérament, les quatre hommes parlent de nuits entières. Au cours de ces discussions , ils se découvrent des réflexes communs contre les abus gouvernementaux, la milice, l”invraisemblable  expérience des champs collectifs. Réalisent-ils qu”ils conspirent dès lors qu”ils critiquent le pouvoir absolu ? Dans un pays où ses indicateurs pullulent, la solidarité militaire les défend contre bien des indiscrétions. Protégés par la sympathie des simples soldats, des ordonnances en communauté de rancoeur paysanne avec eux, ils sondent précautionneusement d”autres camarades, se créent peu à peu des complices, un réseau.

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Dangereuses manoeuvres

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Dans ces manoeuvres dangereuses, le lieutenant d”aviation Tiékoro Bagayoko déploie une prudence de spécialistes. En partie sur ses conseils, les conversations se déroulent pendant des rencontres de chasse, en brousse, ou dans des automobiles, par crainte des microphones. Sous l”effet d”un plan concerté, elles compromettent progressivement des collègues placés dans les diverses branches nécessaires à la réussite d”un putsch : l”infanterie, le bataillon opérationnel avec ses chars soviétiques "T-34" et ses canons légers, la gendarmerie, les parachutistes du camp de Djicoroni. Successivement, le capitaine Yoro Diakité, les lieutenants Youssouf Traoré, Joseph Mara entrent avec d”autres dans le secret.

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Le plus souvent, Moussa Traoré charge son confident Filifing Sissoko  de ses difficiles travaux d”approche. Il échafaude et surveille en revanche avec minutie la stratégie du mouvement. Le petit  lieutenant aux yeux endormis assume son rôle périlleux d”entremetteur avec une sagacité de psychologue professionnel. En accord avec Tiékoro Bagagayoko, il laisse ainsi assez longuement hors du secret Charles Samba Sissoko et son vieil ami du Deuxième bureau, Malick Diallo. Il sait Samba  sous surveillance policière, depuis sa candidature malheureuse à la direction du cabinet militaire de Modibo Kéïta et Diallo, suspect au régime, malgré son patriotisme, parce qu”il a épousé une Française.

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Au printemps 1968, les moyens d”agir sont enfin réunis. Grâce à la connivence tacite des hommes de troupe, la conjuration peut s”étendre sans éveiller la police. Dans son bureau de l”état major, le colonel Sékou Traoré règne sans le savoir sur trois mille cinq cents conspirateurs, répartis en trois bataillons d”infanterie et une compagnie de parachutistes. Apparemment, les officiers soviétiques placés sous ses ordres au titre de la coopération militaire ne voient rien non plus.

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Malgré cette sécurité miraculeuse, le temps presse. Chaque jours, un malheureux hasard peut provoquer la découverte du complot. Dans les fiévreux conciliabules de Kati, plusieurs lieutenants commencent à bouillir d”impatience. Ils proposent d”utiliser le prochain voyage de Modibo Kéïta en URSS pour abattre le régime. A leurs yeux, la future absence du chef de l”Etat offre une occasion unique de le renverser. Naguère, l”armée ghanéenne ne déposa t-il pas N”Krumah pendant qu”il se trouvait en Chine ?

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Un retour triomphal
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Moussa Traoré et Tiecoro Bagayoko s”opposent violemment à cette folle tentation. Pour eux, Modibo  Kéïta à Moscou serait aussi dangereux qu”à Bamako. Libre de ses mouvements, il pourrait revenir en Afrique, et s”installer à Conakry comme N”Krumah, justement. Or une frontière commune de quelques trois cent kilomètres sépare la Guinée  du Mali. Que feront-on, alors, si le représentant de l”autorité légale établi dans la république voisine s”avisait d”appeler aux armes ses partisans et la milice ?

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Par de telles objections, les deux officiers en imposent à leurs camarades. Selon eux, il faut encore six mois pour ciseler dans ses moindres détails le coup de force en préparation. Or ce délai coïncide admirablement avec la  fête annuelle de l”armée, prévue pour le  20 janvier. A cette date, le Mali socialiste commémore en effet rituellement l”évacuation d”ailleurs pacifique des ultimes bases françaises, en 1961, par des cérémonies copiées sur celles des pays communistes. Pour la circonstance, des effectifs militaires importants affluent autour de la capitale. Cette concentration permettrait donc d”exécuter sans coup férir l”occupation des principaux points stratégiques : le palais, la radio, l”aérodrome, le central téléphonique, le quartier général de la Milice, la Sûreté, le pont sur le Niger et la Maison du parti. Les conspirateurs se rallient sans trop de  mal à un tel plan. Vers la même époque Modibo Kéïta médite déjà de partir pur démontrer sa force. Il rêve à son retour triomphal dans Bamako abasourdi par une si prodigieuse audace. A Kati, le calcul des lieutenants suit le même chemin. Il faut que le président rentre pour être pris.

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Fatigués de la  révolution

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Dès son retour, cependant, tout a changé. Dans le courant de septembre, plusieurs officiers reçoivent par la poste des tracts hostiles au gouvernement. Avec son flair étonnant de policier professionnel, Tiécoro Bagayoko soupçonne immédiatement une provocation. Pourtant les indicateurs qu”il entretient maintenant lui-même à Koulouba ne signalent rien de précis. D”après eux, Modibo Kéïta s”enferme un peu plus souvent Seydou Badian Kouyaté, Madeira Kéïta, Ousmane Ba et le chef de la milice David Coulibaly pour de conférences. Son aide de camp, le capitaine Ouloguem, assiste parfois aux rencontre. Mais rien ne transperce des entretiens. En ville, les miliciens contrôlent sans doute avec plus d”attention les déplacements nocturnes des voitures de Kati. Mais leur surveillance s”acharne plus que jamais sur les commerçants du Grand marché, tenu selon la tradition pour les plus dangereux ennemis du régime.

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Durant un interminable mois d”octobre, les adversaires ne cessent en fait de réserver. A l”école interarmes, Moussa Traoré accompli ponctuellement son travail officiel, mais ne quitte plus Koulouba de l”oeil. A Koulouba, Modibo  Kéïta, gagné par un malaise indéfinissable, découvre avec une sourde angoisse l”impuissance de sa police devant les périls imminents. Durant les brèves audiences qu”il accorde à des politiciens choisis dans l”ancienne aile droite du parti, tel le ministre du Plan, Jean Marie Koné, ou celui des Travaux publics, Mamadou Aw, il raille encore d”une bouche dédaigneuse la "fatigués de la révolution" et se moque de leurs plaintes contre la milice. Cependant, il le sait, la situation financière devient catastrophique. La France s”apprête à exiger une  application rigoureuse des accords financiers de 1966. Si le Mali refuse , elle les dénoncera. Mais, s”il s”incline, n”assistera t-on pas à une réaction nationaliste violente conduite par les pro-chinois ?

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Face à ces difficultés extricables, Modibo Kéïta découvre pour la première fois les inconvénients du pouvoir absolu. En l”absence du bureau politique qu”il a lui même dissous après le renvoi de l”Assemblée nationale voté à son instigation par les parlementaires apeurés, il n”a plus la ressource de manoeuvrer entre les  tendances, d”appuyer la droite pour satisfaire les Français , de manipuler la gauche pour obtenir l”aide des Russes. Face à son comité national de défense de la révolution, d”un monolithisme désespérant, il doit prendre seul tous les risques.

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 Le 2 novembre, une délégation de militaires monte à Koulouba se plaindre de la milice. Modibo Kéïta écoute avec un silence méprisant ces hommes résolus à sa perte. Depuis quelques jours, il voit plus clair dans leur jeu. Sans savoir encore avec  exactitude l”identité des meneurs, il connaît suffisamment leur plan d”ensemble  pour  les prendre de vitesse. Avant de passer à la contre-attaque, il veut mesurer l”état d”esprit dans l”intérieur, s”assurer de son emprise sur les masses, puis agir brutalement. Huit jours plus tard, la conférence économique annuelle de la région de Mopti lui offre une occasion de quitter Bamako, sans fournir un motif d”inquiétude à ses adversaires. Le 10 novembre, au milieu des honneurs, il sort pour la dernière fois en présidant de cette capitale où il rentrera captif.

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Il possède maintenant dans son esprit un plan assez net. Fort des ovations populaires recueillis le long de son voyage par le fleuve, il reviendra le 19 novembre comme un Dieu outragé, et fera mettre en prison les quarante principaux suspects, à commencer par Jean-Marie Koné, Mamadou Aw, leur collègue des Finances Louis Nègre décidément insupportable avec son orthodoxie monétaire, et ce capitaine  Malick Diallo marié à une française, en rapports beaucoup trop fréquents avec une multitude d”étrangers. A ce moment, semble t-il, Modibo Kéïta  dispose encore de renseignements fragmentaires sur la conspiration de Kati. Il en soupçonne les grandes lignes , mais ignore les noms des principaux organisateurs. Il compte sur les jours prochains et sa police secrète pour les obtenir.

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A l”école interarmes, pendant ce temps, Moussa Traoré n”imagine pas qu”il prendre le pouvoir la semaine suivante. Certes, les espions de Tiécoro Bagayoko signalent une activité insolite à la présidence, sans réussir à en préciser la nature. Ce voyage impromptu de Modibo Kéïta dans l”Est inquiète un peu les lieutenants, car on parle d”une sévère épuration au retour. Mais il s”agit d”une rumeur vague, difficile à vérifier.

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A suivre…

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Source  : Jeune Afrique

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