Arcane politique (Suite) : Les circonstances d’un coup d’Etat

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Le Lieutenant Moussa Traoré est loin de penser  qu’il occupera la Présidence dans les tout prochains jours, car les informateurs de Tiékoro Bagayoko ne parviennent toujours pas à identifier la nature exacte de ce qui se trame à Koulouba.

 

A part l’angoisse des officiers comploteurs suscitée par l’attente et le voyage de Modibo ou son retour, les rumeurs ne font état que d’une vague information: le Président compte sévir dès son retour de voyage.

Le 16 novembre donc, les choses s’accélèrent.

 

Un coup de force risqué, mais réussi

Depuis Mopti, Modibo aurait  reçu une dépêche identifiant la liste des officiers impliqués dans le complot. Il aurait alors décidé de les envoyer ramasser les récoltes dans les champs (on est en plein hivernage). Les camps et les casernes étant  ainsi vidés de leurs bras valides, la fidèle Milice irait alors à l’assaut et mettrait tous les Capitaines et autres Lieutenants aux arrêts.

Mais les informations ramenées de Koulouba par les indicateurs de Tiékoro Bagayoko circulent à double sens. Aussi, le 11 novembre, dans l’après midi, on lui met la puce à l’oreille au sujet de l’arrestation programmée de Modibo Keïta. Du coup, ses « camarades de combat » se concertent : entre autres, Moussa Traoré, Baba Diarra, Filifing Sissoko… Mais comme à son habitude, le cœur du Capitaine Yoro Diakité balance encore sur la mesure à adopter.

Quant à Moussa Traoré, ces hésitations et tergiversations l’agacent au plus haut point. A son avis, trop de temps perdu ne ferait que ruiner des plans savamment ourdis depuis longtemps ; surtout que dans peu de temps, le Colonel Sékou Traoré pourrait rentrer d’un voyage au Maroc. Or, si ce fidèle du régime parvient à rentrer dans son fief de l’état major  dont il est le chef, Modibo aura toute l’Armée de son côté. C’en est alors fini du coup d’Etat et des putschistes. Ces derniers doivent donc passer à l’action. Et illico presto !

 

Les dés sont jetés

Le 18 novembre, le Colonel Sékou Traoré, tout rayonnant, atterrit à l’aéroport de Bamako, sans se douter du sort qui l’attend. Selon un témoin, « il aperçoit son véhicule au bas de la passerelle, mais conduit par un chauffeur qu’il ne connaît pas ».  Le Colonel se sent néanmoins rassuré par le rang formé par les officiers venus l’accueillir près des portières ouvertes du véhicule. Ont-ils reçu une consigne secrète de ne pas alarmer ni éveiller les soupçons du Colonel ? En tout cas, dès que ce dernier pénètre dans la voiture, il se retrouve encadré par ses « subalternes » ; et l’escorte s’ébranle à tout allure, emportant le …prisonnier (le Colonel) vers une destination inconnue.

Pourtant, dans la capitale, tout est  calme et c’est le train-train quotidien : files indiennes devant des magasins qu’on dit vides ; miliciens et commerçants du grand marché qui se regardent en chiens de faïence… Mais à Kati, on apprend la capture, ou du moins le rapt du chef d’état major de l’Armée, le Colonel Sékou Traoré. Ce qui déride quelque peu les visages des gens de l’EMIA déjà rongés par l’expectative. Et un autre témoin, d’affirmer : « Ici (NDLR : à l’Ecole inter armes), personne n’osait prendre la direction des opérations tant que la réussite du coup d’Etat n’était pas confirmée. Quand Malick Diallo et Charles Samba Sissoko ont été informés par les auteurs du coup, ils ont assuré de leur adhésion, mais ont refusé d’en prendre la tête ». Le Capitaine Yoro Diakité, quant à lui, adopte l’attitude qu’on lui connaît toujours : motus et bouche cousue.

C’est alors que Moussa Traoré réalise qu’il  ne doit en aucun cas rater ce « train de passage », car le destin vient de lui sourire. Aussi, devant les comploteurs réunis, il leur aurait dit d’un ton pondéré, mais ferme : « Je prends sur moi la responsabilité des évènements, quoi qu’il arrive. Si nous perdons, l’un de nous sera fusillé, le plus coupable, bien sûr. J’en prends le risque. Cette nuit, nous sonnerons l’alerte générale ».

Cette nuit  du 17 au 18 novembre donc, les dés viennent d’être jetés par les putschistes, et les jeux faits pour une histoire politique qui verra la fin du régime du père de l’indépendance malienne et le début d’une dictature qui durera 23 ans.

Par Oumar Diawara «Le Viator »

 

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