Alternance des cadres civiles et militaires au pouvoir depuis 50 ans: Ce qu’ils ont fait du Mali

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Au cours des cinquante dernières années il est apparu une alternance paritaire entre les élites civiles et militaires au pouvoir au Mali, avec une prédominance des enseignants parmi les cadres civils comme ce fut le cas du  père de l’indépendance , Modibo Keita, instituteur émérite, premier de sa promotion a l’Ecole Williams Ponty, une Ecole sous régionale.

Fondateur de l’O.U.A, pétri des valeurs de probité morale, animé d’une énergie tournée vers la construction de la nation malienne, Modibo, un esprit éminemment intelligent a donné au Mali sa fierté et sa grandeur, sa dignité dans la pauvreté, et décidé d’en sortir par l’effort. Il dota la république des premières unités industrielles.

La création du franc malien dans la précipitation,  dans un environnement économique dominé par les regroupements monétaires régionaux et la reforme de l’école fondamentale  constituent les grandes erreurs du régime.

Puis, vaincu par l’avènement de l’ordre kaki, de mode à cette époque,  il laissa le flambeau, a un représentant de l’élite militaire dans la douleur et les larmes en novembre 1968. Le Général Moussa Traore  (GMT) lieutenant au moment de son intrusion dans la politique, eu la redoutable charge de succéder a l’icône de l’indépendance. Les pièges du pouvoir l’ont amené à réprimer   dans le sang un soulèvement populaire. Il démantela une partie  des unités industrielles mal gérées sous l’injonction du couple FMI-Banque mondiale. Le retour dans la zone  CFA tout en divisant les salaires par deux constitue la pire échec du régime, dont les effets collatéraux  vont l’emporter. Exit GMT en 1991.Vaincu, par les programmes d’ajustements structurels qui ont généralisé la pauvreté et approfondi la fracture sociale, une nouvelle alternance se produisit en faveur des élites civiles en la personne de Alpha Oumar Konare, et sa cohorte d’enseignants qui ont fait mains basses sur la république.

Apparurent, les premières reformes de la justice, dont les dysfonctionnements perturbent à ce jour la bonne marche de la nation. C’est  sous son règne de démocrate sincère et de patriote convaincu que se sont érigées les plus grosses fortunes du Mali à la  suite des milliardaires de la sécheresse de l’ère  G.M.T. Enseignant de son état, esprit brillant, Alpha imprima à la politique, l’art achevé de la roublardise. Formidable joueur d’échec, ses coups politiques sont imparables et il a toujours eu une longueur d’avance sur ses  concurrents et poursuivants. Comme Modibo Keita, il a le verbe facile et l’enthousiasme communicative. Pour diriger le Mali, il s’appuya sur un parti politique tentaculaire, l’ADEMA qui par scissions successives donna naissance au RPM et  a l’URD, de très sérieux candidats a  l’exercice du pouvoir suprême.

Ses convictions du  panafricanisme l’ont conduit au delà de son Mali natal,  à assumer une importante  fonction à l’international. Sur cette tribune, il défendit avec hargne le fait démocratique et s’opposa à l’accession à la magistrature suprême  par des coups de force. Il poursuivit le démantèlement des unités industrielles de l’ère Modibo Keita.

A son départ du pays, Alpha a laissé en héritage, un pays divisé entre partis politiques consanguins, des syndicats divisés et affaiblis, une Ecole en crise, le PMU Mali, dans lequel les chefs de famille jouent le prix de leur popote mensuel en une journée, une corruption endémique   et une situation économique et sociale relativement dégradée.

Le retour des cadres militaires se fit par le choix  de porter au pouvoir un  militaire charismatique, plus rusé que la plus part de ses adversaires politiques, qui avait justement pour ambition d’unir les maliens autour de l’essentiel. Ce fut l’avènement d’Att qui avait été piqué par le virus du pouvoir lors d’un court passage aux affaires.  Il a gouverné sur le fil du rasoir, à certaines périodes, échappant de justesse à un soulèvement populaire. La crise scolaire s’est approfondie ainsi que le fossé entre les nantis du pouvoir et l’immense majorité de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté. 
La cession des licences de téléphonie cellulaire à des opérateurs étrangers  apportât des ressources importantes au budget de l’Etat que le Général dépense sans compter, pas seulement dans des actions de développement. Le pays est devenu le plus festif de la sous région où les festivals le disputent aux biennales artistiques et culturelles alors que l’école se meurt.  Alors que cette Ecole agonise, les mères de familles rivalisent de beauté, portant en parures des bijoux en or dont la valeur avoisine les  dizaines de millions lors d’émissions télévisées telles que Grand SOUMOU  et Africa Show.   Les bases de l’avenir de cette nation séculaire sont incertaines et le pays tangue comme un vieux rafiot en mer.

Il acheva le bradage des fleurons de l’économie malienne dans le secteur du coton, la première culture d’exportation du pays.

Att va léguer au pays, une Ecole en profonde  crise, une corruption galopante, des reformes politiques bancales et porteuses  de germes de division des maliens contrairement à son idéal de les unir, des infrastructures importantes, et une économie dominée par les sociétés de téléphonies mobiles qui pèsent lourdement sur le budget des ménages par le biais de campagnes publicitaires omniprésentes, excessives et envahissantes,    précarisant d’avantage la situation financière des   faibles niveaux de revenus salariaux. Ce sont des PMU bis,  de formidables machines à mobiliser les maigres sous des populations, et qui vont chercher la plus petite épargne, celle des enfants et même celle cachée dans les bas de laine de nos grand mères qui ont toutes leurs portables. La mansuétude des sociétés de téléphonie est le témoignage éloquent des énormes revenus engrangés. Elles accroissent la paupérisation générale.

Quant aux infrastructures routières, les premières  pluies y ont creusé des trous béants nécessitant des travaux de réhabilitation très importants par endroit. Leur construction aurait été confiée a des entreprises choisies certes par appels d’offres. Mais  quels appels d’offres ? Adjugés en liaison avec
  le montant énorme  des rétros commissions qui  influent sur la qualité finale des ouvrages livrés au grand dam du maître des lieux  lui même. Or ce sont nos Impôts qui servent à bâtir ces ouvrages et les commissions perçues ne sont qu’une partie des ressources des générations futures consommées par anticipation par les prédateurs de l’économie nationale. L’AGEROUTE fut confiée à un ami du général, pour faire bonne mesure, un ami qui n’a aucune qualification en entretien des ponts et chaussées. Ainsi va le Mali.

L’école malienne en crise a transformé des générations de jeunes homme et fille pourtant intelligents en demi  lettrés par rapport a leur homologue de la même génération d’âge de la sous région et d’ailleurs. La faute première incombe aux intellectuels qui ont transformé les écoliers en cobaye de la méthodologie dite convergente ou de l’alphabétisation fonctionnelle. Résultat au bout d’une génération, le pays a produit un nombre terrifiant de cancres. La baisse progressive du niveau des formateurs a pesé négativement sur le niveau scolaire. Le métier d’enseignant dévalorisé, a perdu tout attrait et ce ne sont pas les plus brillants qui vont dans ce métier comme au début des indépendances.
Les maliens de la diaspora et ceux de l’intérieur qui ont eu les moyens d’envoyer leur progéniture étudier à l’étranger représentent  les espoirs de demain. C’est pour leur barrer la route du pouvoir suprême  que certaines reformes sorties des cabinets obscurs des experts du CARI seront mises en œuvre. La nouvelle génération de cadres politiques (Diarra de la NASA, Konate Diallo, prof des universités américaines) sont les précurseurs de l’arrivée des cadres de la diaspora  dans l’arène politique.

La tendance se poursuivra avec la génération des Jeff DJIGUE, jeunes formés dans les universités à l’étranger.
Birama FALL

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