26 MARS 1991 -26 MARS 2017 : 26 ans de pratique démocratique, quelles leçons ?

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Qu’ont fait les Maliens de leur démocratie durant 26 ans ? C’est la question qu’il revient de se poser aujourd’hui, à l’heure où l’on rend hommage à la mémoire des victimes de la révolution de mars 1991.

Chaque année, depuis 1991, les Maliens célèbrent les journées de mars 1991 en mémoire de l’insurrection qui a abouti à la chute du régime démocratique et rendent ainsi hommage aux victimes tombées lors de ces journées sanglantes. Le clou de ces journées anniversaires, c’est surtout le dépôt de gerbes de fleurs à la place des martyrs et les discours politiques des différents acteurs politiques qui, chacun, essaie de remonter l’histoire pour rappeler la signification de la révolution de mars 1991. Mais la vraie question, est : qu’avons-nous fait pour préserver l’idéal de la révolution ? Ou qu’avez-nous fait pour préserver les acquis pour ainsi honorer la mémoire des victimes de la révolution ? On pourrait également se poser la question par ces termes : Nous sommes-nous montrer dignes pour honorer la mémoire des victimes de la révolution ?

Après 26 ans de pratique démocratique, le sentiment général est que le peuple reste déçu et du coup, on parle d’une seconde révolution pour changer les choses. Cela veut dire, que les idéaux de la révolution de mars 1991, n’ont pas été respectés ou peut-être respectés partiellement. Le sentiment d’un goût d’inachevé est là et amène certaines populations à penser et même à croire que le changement de régime (démocratique en démocratie) n’a pas servi à grande chose. Ou du moins n’a servi que les intérêts d’une certaine classe de la société. Une autre question est : le peuple malien a cru aux valeurs démocratiques, a-t-il été trahi ? Si oui, et par qui ?

A la fin du mandat du parti ADEMA PASJ, premier parti à exercer le pouvoir démocratique, l’avis des Maliens était partagé. Vu le nombre de rapports mettant en lumière le degré de la corruption et de la mal gouvernance, certains sont restés convaincus que ceux qui se font appeler « acteurs politiques de la révolution », se sont plutôt servis de la démocratie pour s’enrichir personnellement en puisant dans les caisses publiques aux dépens d’un enrichissement collectif de la nation qui aurait respecté l’idéal de la révolution de mars 1991. La seconde révolution dont parlent certains Maliens déçus, a déjà eu lieu en 2002, soit seulement 10 ans après la première.

En suscitant puis en élisant à la tête du pays, un candidat indépendant en la personne de Amadou Toumani Touré, un militaire à la retraite, celui-même qui avait parachevé la révolution de mars 1991 et considéré comme un « héros national », les Maliens avaient manifesté leur déception de la première expérience démocratique partie de 1992 à 2002 et qui correspond aux deux ans de mandat du parti ADEMA-PASJ.

Le « héros national » s’est-il montré à la hauteur des attentes ? Avant son départ du pouvoir, les avis s’exprimant sur son bilan, sont mitigés. Pour certains, sa pratique du « consensus politique » est à la base de l’effritement des valeurs politiques puisque chacun ou chaque parti politique a voulu se servir ou être servi par le pouvoir. Du coup, pas de débat contradictoire. D’autres lui reprochent le laisser-aller instauré dans la gestion des affaires publiques qui a contribué davantage à l’effritement de l’autorité de l’Etat et par conséquence à la détérioration de notre système de défense qui provoqua l’entrée de forces hostiles sur le territoire national. C’est par un coup d’Etat militaire qu’il partira. Le soutien populaire de ce coup de force, a amené certains analystes à évoquer la troisième révolution. Le président ATT est parti au moment où sa côte de popularité était au plus bas. C’est dire le niveau de déception après son retour aux affaires.

De 2013 à aujourd’hui, des progrès sont certes enregistrés. Mais peut-on parler de satisfaction générale qui soutiendrait la politique du régime actuel ? Là également, les avis sont partagés. Certes, la situation sécuritaire due aux évènements de 2012, nous amène à une analyse relative. Mais la mauvaise gestion due aux qualités des hommes et des femmes qui gouvernent, met sous éteignoir les efforts consentis. Sommes-nous tous devenus des « voleurs », des « malfaiteurs », des « ennemis de la nations » ? Auquel cas, il reste peu de valeurs à défendre et la démocratie n’aura servi qu’à faire émerger ces vices cachés en chacun de nous. On dira que les martyrs de la révolution de mars 1991, sont morts pour rien et qu’il n’était même pas nécessaire de changer de régime si c’est pour faire pire.

Gardons cependant espoir car on dit que les plus grandes nations ont été construites dans les contradictions, les incertitudes, les réussites comme les échecs ; dans la douleur comme dans le bonheur… à condition, toutefois qu’il faut savoir tirer les leçons de ses actes. Après 26 ans, les Maliens se posent toujours des questions et restent dans le doute et l’espoir que les choses vont s’améliorer. En attendant, rendons hommages à nos martyrs !

Tièmoko Traoré 

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