25 ans après la révolution : Des idéaux sacrifiés pour conquérir le pouvoir

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26 mars 1991-26 mars 2016 ! Le Mouvement démocratique célèbre le 25ème  anniversaire de sa victoire sur la dictature des militaires puis du parti unique.  Mais, un quart de siècle après le sacrifice suprême consenti par les Martyrs, la déception du peuple est aussi totale qu’est la profondeur du fossé qui sépare les acteurs de ce mouvement démocratique. Divisés dans la conquête du pouvoir, ils ont oublié que la démocratie n’est pas une fin en soi !

Qu’est-ce que la démocratie malienne a réellement changé pour les Maliens ? Une interrogation légitime en cette année où le Mouvement démocratique célèbre ses 25 ans.

Sans compter l’interruption stupide du processus par le coup d’Etat du 22 mars 2012 contre celui-là même qui avait parachevé la lutte des élèves et étudiants ainsi que du mouvement démocratique. En l’occurrence, le Général Amadou Toumani Touré aujourd’hui contraint à l’exil à Dakar, au Sénégal.

Pour mieux répondre à cette question, il faut rappeler certaines attentes du peuple à l’époque, précisément des résistants à la dictature, au parti unique incarné par l’Union démocratique du peuple malien (UDPM).

Les élèves et étudiants avaient à cœur de reprendre le flambeau de l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali (UNEEM) mis en veilleuse après l’implacable répression qui a abouti à l’arrestation et à l’assassinat d’Abdoul Karim Camara dit Cabral ainsi qu’à l’exil pour de nombreux leaders du mouvement.

De meilleures conditions d’études, majoration du taux de bourse et la révision des critères d’attribution ainsi que sa restitution au niveau du secondaire…étaient des préoccupations de l’Association des Elèves et Etudiants du Mali (AEEM). Bref, la jeunesse réclamait des perspectives meilleures et aussi un bien être pour s’assurer un avenir.

Mais, d’une manière générale, on attendait de la Révolution inachevée de mars 91 l’ouverture démocratique par le multipartisme afin de rompre avec l’unicité des structures représentatives (syndicat, jeunes, femmes) ; la liberté d’expression et de presse ; une meilleure gouvernance du pays avec une farouche lutte contre des fléaux comme la corruption, la délinquance financière, le népotisme…

Du rêve à la désillusion

25 ans après, les régimes démocratiques ont tué l’Ecole malienne car ils en ont fait une arène politique. Autrefois des références en Afrique francophone, les produits de l’école malienne sont de nos jours à la traîne un peu partout dans le monde car le niveau n’a cessé de dégringoler. La retraite anticipée, la compression, l’ouverture du secteur aux initiatives privées… sont passés par là.

Et comme le disait le Pr. Ali Nouhoum Diallo lors d’une conférence-débats, «les Maliens ont l’impression que la corruption est plus grande, que le népotisme est plus grand, que la gestion patrimoniale est plus importante, ils s’insurgent».

Autrement dit, si le multipartisme, la liberté d’expression ou syndicale… sont des acquis, notre pays a reculé au niveau de sa gouvernance. Des valeurs comme l’honneur, la dignité, l’intégrité professionnelle et la probité morale ne font plus partie de notre environnement.

Vingt-cinq ans après son avènement, comme le dit si pertinemment notre confrère Alassane Souleymane, force est de constater que «les idéaux du mouvement démocratique ont été dévoyés. Et par ses propres animateurs qui ont eu toutes les occasions, tous les moyens de mettre notre pays sur le chemin du progrès et du bien-être».

Et d’ajouter dans une tribune sur les réseaux sociaux, «nous étions dans la rue pour revendiquer un Mali meilleur, un pays démocratique et des libertés. Nous croyions au rêve promis et nous idolâtrions ceux qui nous guidaient».

Oui, ils étaient nos idoles ceux-là qui se partagent le pouvoir depuis 1992 sans jamais réellement se préoccuper des idéaux pour lesquels beaucoup d’entre nous ont perdu la vie et d’autres gardent les séquelles physiques et psychologiques à vie.

Mais, aujourd’hui, nous nous rendons compte que nous n’étions pour eux que des Marionnettes manipulés pour chasser un dictateur qui ne voyait pas la nécessité de l’ouverture démocratique car connaissant sans doute mieux les intentions réelles de ceux qui la revendiquaient au nom du peuple. Son tort aura donc été d’avoir cédé à la provocation pour tomber dans le piège de la répression féroce.

La prime aux ambitions personnelles

La révolution a commencé par manger ses enfants, ceux qui n’avaient pas un agenda caché et qui aspiraient réellement à la démocratie pour apporter le bien-être à l’ensemble des Maliens, pour remettre le peuple au travail en faisant de l’excellence la norme de la consécration sociale et politique.

Nous sommes les maudits de la démocratie parce que la conquête du pouvoir était le cadet de  nos soucis. Juste se battre pour que défendre nos convictions et pour que nos opinions soient également prises en compte dans la gouvernance des collectivités et du pays.

La démocratie a été détournée de ces objectifs parce que les leaders du Mouvement démocratique ont privilégié leurs ambitions personnelles aux dépends du parachèvement de la révolution et de la consolidation du processus.

Et aujourd’hui, pour paraphraser Fousseyni Camara (un intellectuel autodidacte engagé de la diaspora), nos démocrates s’illustrent plutôt dans «la gestion malsaine basée sur le mensonge et la destruction massive du tissu économique».

Sans compter, dénonce-t-il, leur incapacité à se départir de «la très grande influence des réseaux de toutes sortes qui gravitent autour du pouvoir et qui ont même la capacité d’intimider ou de déloger un PM (Premier ministre) quand leur intérêt est menacé». Ils nous nourrissent d’illusions en voulant reconstruire cette nation sur «l’affairisme, le mensonge et l’impunité…».

Ceux qui disaient se battre pour le peule sont devenus subitement des mégalomanes prêts à tout et à toutes les alliances pour conquérir pouvoir ou être associés à sa gestion.

Cette course effrénée au pouvoir explique en partie les ‘’césariennes’’ subies par les partis issus des deux associations phares du mouvement, précisément le CNID (Sadi, Parena…) et l’Adema (Miria, RPM, URD…). Ainsi, «les vertus et les valeurs» ont été vite oubliées dans l’exercice du pouvoir devenu un tremplin de l’enrichissement illicite, donc de l’ascension sociale et économique.

Comme sous le régime décrié, les démocrates convoitent le pouvoir et les postes pour se servir, s’enrichir aux dépens des valeurs prônées pour nous appâter et qui sont vite sacrifiées une fois en selle.

Une divergence plus profonde que les acteurs ne l’admettent

Nous comprenons l’enthousiasme du Professeur Ali Nouhoum Diallo qui se dit «je suis heureux de dire que des hommes et des femmes ont vite compris qu’il faut réactiver, ressusciter les associations qui ont contribué à l’avènement du 26 Mars 91».

Mais, nous ne sommes pas aussi optimistes que lui d’autant plus que le récent débat organisé à la Pyramide du Souvenir pour les rassembler a démontré que la divergence entre les acteurs est plus profonde qu’on ne le pense. La conquête et l’exercice du pouvoir ont laissé des rancunes et des rancœurs tenaces qui rendent leur réconciliation hypothétique.

Est-ce que les survivants sont prêts au mea culpa et à revenir aux valeurs et aux vertus auxquelles ils n’auraient jamais dû renoncer ?

Le fait que le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR), coalition d’organisations attachées à la démocratie constituée au lendemain du coup d’Etat de mars 2012, ait volé en éclats à la veille des élections 2013 ne suscite pas l’optimisme.

Cela prouve que le Mouvement démocratique n’a pas tiré les enseignements de la rupture (putsch du 22 mars 2012) pour comprendre que leur division est la plus grande menace à laquelle le processus démocratique est exposé.

Sommes- nous encore capables de nous oublier un peu, de mettre à côté nos ambitions personnelles et le confort auquel nous aspirons (fortune, villas, voitures luxueuses, voyages, belles et multiple maîtresses…) pour nous réconcilier avec nos idéaux démocratiques.

Rien n’est moins sûr ! En effet, comme le dit Graham McNeill dans «Les guerriers d’Ultramar», «le confort est une prison pour l’esprit, il affaiblit la chair et prive l’âme de son ardeur guerrière et de sa détermination».

Difficile alors de les ramener dans le rang des disciples de Gandhi pour qui, «celui qui veut servir, ne gaspillera pas une seule pensée pour son confort personnel».

Et comme nous le disons dans un adage populaire, difficile de sevrer un âne du miel une fois qu’il y goûte ! Difficile, mais pas impossible !

Moussa Bolly

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