23 ans avant et après le 26 Mars 1991 : L’âge de la comparaison et de la remise en cause

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Le Mali démocratique arbore, en cette date symbolique, le 26 Mars 2014, le même âge du régime tyrannique de Moussa Traoré, deuxième putschiste contre un Malien après Léopold Sédar Senghor du Sénégal.

 

Il y a vingt-trois années le destin du Mali basculait dans le sens souhaité par le peuple. Opprimé et oppressé par plus de deux décennies de joug dictatorial, doublé de privations socio-économiques de tous genres, les Maliens n’avaient sans doute d’autre option que de braver le péril du refus à la servilité à la baïonnette.

 

 

Sous la houlette du Mouvement démocratique uni et solidaire comme les doigts d’une main, les masses populaires ont eu les ressources nécessaires pour surmonter la peur et déboulonner un régime aux pratiques hors de saison, dans un monde en pleine mutation démocratique.

 

 

Sonne enfin l’irrésistible glas des droits et libertés, du multipartisme intégral, entre autres, avec ses promesses et lueurs de mieux-être et du changement au nom desquelles tant de martyrs sont tombés sur le champ de la conquête démocratique.

 

 

Vingt-trois années après, c’est manifestement  l’heure d’une confrontation beaucoup plus juste et plus loyale que les bilans d’étape auxquels l’opinion a eu droit jusqu’ici. Et pour cause : le Mali démocratique vient d’atteindre le même âge que le Mali tyrannique de Moussa Traoré.

 

 

Et si l’on doit en juger par les acquis chiffrables, il n’y a point de commune mesure entre les résultats engrangés par les deux régimes à égalité d’échéances. Avec un doublement du nombre de bouches à nourrir, à loger, à soigner et à éduquer, depuis  1991, on peut affirmer que les démocrates maliens n’ont aucune raison de rougir, tant leurs efforts ont été couronnés de jalons enviables à tous points. Outre la dévotion aux droits et libertés conquises au prix du sang, la libération des initiatives a ouvert la voie à une forme de filon commercial certes anarchique, mais porteuse  de prospérité pour nombre de citoyens.

 

 

Parallèlement, les pouvoirs qui se sont succédé se sont employés à créer les conditions d’une  stabilité économique à la dimension des normes sous-régionales, et se sont montrés à la hauteur de la vicieuse  équation de la régularité salariale et de moult de revendications catégorielles.

 

 

S’il faut en apprécier par les attentes, les défis et insuccès restent tout aussi énormes que sont dantesques les réussites, avec une jeunesse désemparée, en proie au chômage, et qui continue de rêver d’eldorado en dehors de la patrie – par la faute peut-être de la corruption, de la gabegie et de la mauvaise gouvernance ravageuses en termes d’évasions de ressources exploitables pour le compte emploi. Ce drame est en outre exacerbé par les déplorables implications de la tragédie scolaire sur le manque de compétitivité des demandeurs d’emploi qui regardent impuissants leur filer entre les doigts les rares opportunités âprement disputées par leurs semblables des pays voisins.

 

 

S’y ajoute d’autres phénomènes inadmissibles et même impensables il y a vingt-trois ans comme la distribution de la justice au gré du plus offrant, sans compter l’énormité des disparités occasionnées par une abominable iniquité dans la redistribution des richesses nationales.

 

 

En définitive, les indices de paupérisation et de pauvreté le disputent manifestement aux lauriers de l’ère démocratique, au point que l’autorité et l’administration de l’Etat, le plus souvent impuissantes devant les phénomènes sociaux, préfèrent en faire des créneaux d’exploitation individuelle plutôt que de les affronter. Toutes choses qui font que le pouvoir est logiquement perçu comme le moyen incontournable pour accéder au confort et échapper à la horde de misérables exposés au danger de l’inexistence.

 

 

Il n’est dès lors pas étonnant que la course au pouvoir et aux strapontins l’emporte de loin sur les valeurs et principes ayant jadis constitué le creuset du Mouvement démocratique. Comment expliquer autrement que la chaîne de solidarité entre ses composantes soit brisée et entamée jusque dans le réflexe de se réveiller contre la remise en cause des idéaux et fondements démocratiques successivement par les vague confessionnelle et militariste  ?

 

 

C’était en effet le cas avec le célèbre épisode du Code de la famille, qui a mis à nu non pas seulement la chute drastique d’audience auprès de l’opinion, mais aussi la perte d’âme et de repères jusqu’à la prédisposition audacieuse à pactiser avec le diable pour des ambitions pouvoiristes. Idem pour les événements du 22 Mars qui ont vu certains acteurs pousser le reniement de soi jusqu’à se laisser rire au nez par l’adversaire commun incarnée par le Premier ministre Cheick Modibo Diarra, gendre de Moussa Traoré.

 

 

La tendance a atteint son paroxysme avec la consécration, une bonne fois pour toujours, du général dictateur comme «un grand républicain». Au nez et à la barbe des défenseurs de centaines de martyrs devant lesquels tous ont un devoir de vérité que de simples reconnaissances factices consistant à s’incliner plus par devoir formel que par conviction profonde.

Abdrahmane Kéïta

 

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