Si le signe indien du 22 Mars n’avait pas prospéré en 2012, la classe politique malienne serait aujourd’hui entrée de plain-pied dans l’ambiance électorale de renouvellement du mandat présidentiel. Mais, ce jour-là, fort malheureusement, le destin du pays a basculé dans les ténébreux abysses, suite au coup de force de médiocres bidasses derrière lesquels s’étaient vraisemblablement dissimulés des officiers couards à la solde de politiciens revanchards tapis dans les casernes. Conséquence : des pans entiers du pays et de la population ont été abandonnés par l’armée aux envahisseurs djihado-indépendantistes, aux horribles supplices d’amputations, de châtiments corporels en tous genres, d’exil forcé, etc.
Les responsables visibles de cette déroute nationale ne sont autres que les éléments de la junte putschiste officiellement menée par Amadou Haya Sanogo, dont la plupart se sont retrouvés dans les mailles de la justice et écroués en attendant le dénouement de la rocambolesque affaire des ‘’charniers de Bérets rouges’’.
Ils auraient pu répondre tout aussi bien de la félonie ayant consisté à saborder la chaîne de commandement de la Défense nationale au profit d’ennemis. Mais, c’est pour cette flétrissure tout aussi infamante qu’ils comparaissent pour des présomptions d’enlèvement et d’assassinat de frères d’armes.
Le capitaine-général Sanogo et ses comparses tombent ainsi sous le coup du droit commun après être parvenus à déjouer une procédure martiale et bénéficié en son temps d’un puissant bouclier de ramifications putschistes de la classe politique. Certains caciques de cette classe politique-là avaient attribué la forfaiture du 22 Mars 2012 au “désarroi”, somme toute compréhensible ayant gagné les troupes.
C’est sans doute cette confusion aux allures de cautionnement entretenue par les tendances opportunistes de la scène politique malienne qui a imposé à la Communauté internationale cette approche plutôt minimaliste dans le traitement de la question malienne : la transaction et la souplesse envers les putschistes pour un dossier qui tenait du crime, selon les textes en vigueur au Mali.
La posture a finalement débouché sur un engluement du dossier dans un Accord-cadre constamment foulé aux pieds par les putschistes durant la transition, à travers notamment des ingérences abruptes dans le politique.
En dépit d’une gratification par une Loi d’amnistie, qui épargne aux acteurs du coup d’Etat (ou de la mutinerie ayant débouché sur la chute d’ATT), toute action judiciaire s’y rapportant, le marché de dupes aura quand même permis à la transition de démarrer -sous l’égide d’un certain Dioncounda Traoré, solennellement installé dans ses fonctions de chef d’Etat –mais en traversant des péripéties à ôter toute fierté d’être Malien.
Cinq années après le putsch, le plus stupide de l’histoire est loin d’avoir livré l’ensemble de ses secrets. D’autant qu’on ne sait que trop de choses sur ses réels commanditaires. On sait toutefois le parti qu’en a tiré l’actuel président de la République, IBK, seul candidat de l’époque ayant été épargné par les exactions humiliantes de la junte contre la crème de la classe politique. Mais, à quelles fins ? Est-on en droit de s’interroger, en observant une amplification exponentielle des mêmes dérives évoquées à l’époque pour justifier le putsch ou pour en atténuer l’inconséquence.
En échange du coup d’arrêt infligé à la marche normale du pays, au nom peut-être d’intérêts politiques, les Maliens n’ont manifestement eu droit qu’à la stagnation socio-économique, à la léthargie administrative ainsi qu’aux incertitudes qui continuent d’affecter un devenir national suspendu à une paix hypothétique. Et pour cause, en dépit des compromissions concédées et déjà si mortelles pour une plénitude de souveraineté, les chances de reconquête de l’intégrité territoriale sont d’autant plus minces qu’elles dépendent de moins en moins d’une armée qui n’a bougé d’un iota depuis que la junte s’est cachée derrière les errements d’ATT pour justifier ses débâcles de 2012. Qui plus est, les occupants djihadistes vaincus, la problématique septentrionale, au nez et à la barbe de tous, a pu effectuer une progressive mutation en équation intercommunautaire pour laquelle la conférence d’entente nationale ne saurait être la panacée.
En définitive, l’horizon est si confus et incertain qu’aucun dénouement ne se dessine pour l’heure quant à la tragédie existentielle du Mali en tant que République unitaire dans le concert des nations. Alors, question : qui va répondre devant l’histoire du sort maléfique qui s’acharne sur ce pays depuis 2012, après l’amnistie des putschistes et l’échec des tentatives d’en imputer la responsabilité à ATT, leur victime ?
A. K.