2013 : dix personalités africaines à suivre

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Oumou Sall Seck

Elles vont peut-être gagner un championnat, dynamiser l’économie, faire bouger les lignes de la diplomatie ou de la justice… Bref, faire parler d’elles en 2013. Voici le top 10 des personnalités “coups de coeur” de la rédaction.

Tradition n’est pas raison. Pour le dernier J.A. de l’année, nous avions pris l’habitude de vous présenter les grands rendez-vous politiques, économiques et culturels des douze mois à venir, vus à travers le prisme des femmes et des hommes au coeur de ces événements. Il y aura certes, en 2013, quelques élections passionnantes en Afrique et au Moyen-Orient, certaines à hauts risques, d’autres de moindres enjeux, mais qui toutes seront suivies dans ces colonnes avec l’attention qu’elles méritent. Présidentielle en Tunisie, au Kenya, en Iran, au Zimbabwe et sans doute à Madagascar. Législatives ayant valeur de présidentielle en Israël et de tests cruciaux en Guinée, au Cameroun, au Togoet en Mauritanie. Élections générales, tout au moins peut-on l’espérer, au Mali… La liste n’est pas exhaustive et, une fois n’est pas coutume, ce n’est pas sur cet agenda que nous nous sommes fondés pour établir le petit catalogue parfaitement subjectif des dix personnalités « coups de coeur » qui suivent. Y figurent celles et ceux dont on reparlera ailleurs et autrement que dans les urnes. Parce que, comme le dit la pub, elles le valent bien…

Quvenzhané Wallis, cheveux en pétard pour un Oscar

Ce n’est que le 10 janvier 2013 que l’on connaîtra la liste des prétendants aux Oscars, mais le monde du cinéma bruisse déjà d’une insistante rumeur : et si la petite Africaine-Américaine Quvenzhané Wallis était sur la liste des nominés ? Saluer une performance d’acteur chez un enfant a toujours été sujet à polémique. Joue-t-il ? Est-il lui-même ? Difficile à dire.

Quoi qu’il en soit, l’adorable bouille de cette fillette de 9 ans, originaire de Houma, en Louisiane, restera dans les mémoires pour le rôle de Hushpuppy, dans Les Bêtes du Sud sauvage, le film onirico-anarchiste de Benh Zeitlin. À la fois forte, fragile et déterminée, la gamine aux cheveux en pétard porte littéralement ce long-métrage, Caméra d’or au Festival de Cannes 2012, pour lequel elle a déjà reçu plusieurs prix aux États-Unis. Nul ne peut dire aujourd’hui si elle fera carrière. Mais c’est possible : elle sera notamment à l’affiche du prochain film de Steve McQueen, Twelve Years a Slave, aux côtés de Brad Pitt, Michael Fassbender et Sarah Paulson. Rien de moins. Nicolas Michel.

Oumou Sall Seck

Oumou Sall Seck, maire courage

Fille d’un Peul et d’une Ifogha, parlant le songhaï, Oumou Sall Seck, 44 ans, se dit « déchirée » par les divisions qui se font jour au Mali. Maire de Goundam (région de Tombouctou) depuis 2004, elle a dû fuir sa ville le 13 avril dernier, poussée par ses administrés : le lendemain à l’aube, la ville tombait aux mains des rebelles du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), puis des islamistes touaregs d’Ansar Eddine. « Ils ont tout cassé, tout pillé. Il n’y a plus ni état civil, ni écoles, ni centres de santé… Et ils se sont installés dans notre centre multifonctionnel », s’énerve-t-elle. Sa grande fierté : un lieu où les anciennes exciseuses, reconverties en commerçantes, fabriquaient savons, fromages et aliments pour bétail, et où les jeunes femmes pouvaient apprendre à lire.

Tissu social. Depuis, Sall Seck multiplie les tournées dans la sous-région et en Europe pour attirer l’attention sur la situation des femmes, violées et battues par les occupants de sa ville. Membre du Collectif des maires du Nord, elle milite aussi pour une intervention militaire rapide. « Sinon, ce sont les milices qui vont s’en mêler. Et ce sera la guerre civile. » Oumou Sall Seck saura-t-elle aider à réparer le tissu social ? « Ce sera dur, mais je n’ai pas le choix : en tant qu’élue, ma douleur ne compte pas. Ce qui compte, c’est le Mali. » Malika Groga-Bada.

Marwane Barghouti, un Mandela arabe

Il est l’homme qui pourrait réconcilier les frères ennemis palestiniens du Hamas et du Fatah, dont il est un membre éminent. Celui qui aurait assez de fermeté mais aussi d’intelligence politique pour relancer les négociations de paix avec Israël sur des bases viables. Il était considéré comme le probable successeur de Yasser Arafat et, selon les sondages les plus récents, reste la personnalité politique préférée des Palestiniens. Mais, depuis 2002, Marwane Barghouti milite depuis sa geôle israélienne : il a été cinq fois condamné à la réclusion à perpétuité pour meurtre, bien qu’il ait régulièrement désapprouvé les attentats contre des civils en Israël.

En janvier 2012, il avait profité de l’une de ses comparutions devant un tribunal pour appeler « le peuple palestinien à l’unité, à la cohésion, à l’établissement d’un gouvernement d’union nationale mais aussi à suivre la voie d’une résistance populaire et pacifique pour mettre fin à l’occupation ». En Israël, des intellectuels, des députés, des ministres ont réclamé sa libération. Sans convaincre jusque-là l’exécutif, qui refuse de relâcher le militant, quitte à en faire demain un Mandela arabe. Laurent de Saint Périer.

Fatou Bensouda élue procureur CPI

Fatou Bensouda, out of Africa

Sous le feu de la critique, la Cour pénale internationale (CPI) et Fatou Bensouda, sa procureure, jouent gros en 2013. Cette énergique juriste gambienne de 51 ans devra passer à la vitesse supérieure car, en dix ans, la CPI n’a prononcé qu’une seule condamnation, à l’encontre de Thomas Lubanga, l’ex-chef de guerre congolais. On attend notamment le jugement définitif dans le procès de Jean-Pierre Bemba, l’ancien vice-président de la RD Congo, accusé d’avoir laissé ses hommes perpétrer des exactions en Centrafrique, ainsi que ceux de Mathieu Ngudjolo Chui et de Germain Katanga, pour des crimes commis en RD Congo. Bensouda pourrait aussi gérer le très sensible procès Gbagbo si les charges contre l’ancien dirigeant ivoirien étaient confirmées en février prochain.

Son bureau mène actuellement sept enquêtes dans sept pays, tous africains, et procède à huit examens préliminaires, dont certains touchent d’autres continents (Afghanistan, Colombie, Corée du Sud, Géorgie, Honduras). Diligenter des poursuites hors d’Afrique permettrait de redorer le blason d’une institution accusée d’être à la solde des Blancs et de promouvoir une justice des vainqueurs. Bensouda devra convaincre les responsables africains d’exécuter les mandats d’arrêt de la CPI. Ce qui est de moins en moins le cas. Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission de l’Union africaine (UA), a déjà indiqué qu’une arrestation d’Omar el-Béchir, le président soudanais, serait malvenue car elle compromettrait le processus de paix engagé dans son pays. Jerry Rawlings, l’ancien président du Ghana, et Paul Kagamé, le chef de l’État rwandais, vont plus loin. Selon eux, la CPI incarne « le colonialisme, la servitude et l’impérialisme ». Pascal Airault.

La présidente de la Commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, le 4 décembre 2012 à Addis Abeba
© AFP

Nkosazana Dlamini-Zuma, une puncheuse à l’épreuve

La bataille qui l’a opposée à Jean Ping pour la présidence de la Commission de l’Union africaine (UA) a été dure. Très dure. À deux reprises, en janvier puis en juillet 2012, Nkosazana Dlamini-Zuma est allée au charbon, manquant à chaque fois de tout perdre avant de s’imposer face à son rival gabonais. Mais à 63 ans, l’ancienne ministre sud-africaine (de la Santé, des Affaires étrangères puis de l’Intérieur), autrefois mariée à Jacob Zuma, a connu pire. Elle sait encaisser les coups. À Pretoria, elle a su faire le ménage dans des administrations réputées pour leur lenteur et leur corruption. Elle s’est accommodée de cette image d’« éléphant dans un magasin de porcelaine » que lui a collée l’opposition. Surtout, elle sait que 2013 s’annonce difficile et que ses détracteurs l’attendent au tournant. N’avait-elle pas promis de faire entendre à nouveau la voix de l’Afrique ? La crise dans le Nord-Mali sera son premier test – mais pas le seul, puisque l’UA aura également fort à faire dans l’est de la RD Congo et à Madagascar. Il lui faudra aussi réconcilier les blocs régionaux qui se sont affrontés pour les départager, Ping et elle. Anne Kappès-Grangé.

Hamma Hammami 

Pour Hamma Hammami, secrétaire général du Parti des travailleurs (ex-PCOT) et porte-parole du Front populaire, il y aura toujours un avant- et un après-14 janvier 2011. La crinière prématurément blanchie sous le poids d’années de militantisme et de torture, cet activiste d’extrême gauche, qui, trois jours avant sa chute, demandait le départ de Ben Ali, s’est mué, à 60 ans, en homme politique. Avec Béji Caïd Essebsi, l’ancien Premier ministre, et Moncef Marzouki, le président de la République, ce fils d’agriculteurs du Nord-Ouest fait partie des personnalités les plus populaires du pays. De fait, le directeur du journal Al-Badil en impose.

Tirant les leçons de l’échec de son parti aux élections de 2011, il s’est détaché de sa réputation d’exalté. Son franc-parler et sa vision claire et rationnelle de l’avenir du pays ont séduit les Tunisiens, et surtout les Tunisiennes. À des persifleurs islamistes, qui lui donnaient du « Monsieur Nasraoui », l’affublant ironiquement du patronyme de l’avocate Radhia Nasraoui, son épouse, il a rétorqué que ce sobriquet était un honneur.

Reconnue sur la scène internationale pour sa défense des droits de l’homme et sa lutte contre la torture, Radhia continue de pourfendre les dérives du système judiciaire et carcéral. Et pour Hamma, elle reste à tout jamais cette compagne courageuse qui, le 14 janvier 2011, a toqué à la porte du ministère de l’Intérieur pour exiger sa libération. Frida Dahmani, à Tunis.

Ali Ibn Fetais al-Marri, justicier des peuples spoliés

Le procureur général du Qatar sera-t-il le Robin des Bois des « biens mal acquis arabes » ? Fin août, les Nations unies ont fait d’Ali Ibn Fetais al-Marri leur mandataire régional spécial pour le recouvrement des avoirs volés. Mission : mettre la main sur les milliards détournés par les autocrates et leurs proches chassés du pouvoir au Yémen, en Égypte, en Libye et en Tunisie, puis les restituer aux États spoliés.

Le 11 septembre dernier, présidant le Forum arabe pour la restitution des avoirs volés organisé dans la capitale qatarie, Marri appelait à la mise en procès des pillards. Mais la veille, sur décision de justice, le Qatar expulsait Sakhr el-Materi, homme d’affaires et gendre du Tunisien Ben Ali, qu’il avait accueilli pendant des mois. Pourquoi ne pas l’avoir extradé ? La stratégie du mandataire reposerait en réalité davantage sur le marchandage que sur la coercition : restitution des biens contre levée des poursuites. L’adoubement par l’ONU du procureur général du Qatar conforte la position de ce micro-État, qui depuis 2009 se pose en champion de la lutte anticorruption. Une disposition régulièrement contredite par sa très appréciée « diplomatie du chéquier »… L.S.P.

  •  Eleni Gabre-Madhin, la reine du triple A

À peine a-t-elle quitté la direction générale de l’Ethiopia Commodity Exchange (ECX), une Bourse des matières premières agricoles qu’elle a créée en 2008, qu’Eleni Gabre-Madhin s’attaque à un ambitieux projet. En janvier, lors du World Economic Forum de Davos, cette économiste éthiopienne lancera sa nouvelle société. Baptisée Eleni et basée à Nairobi, au Kenya, elle se fixe pour objectif de créer et financer des Bourses de matières premières, agricoles ou minières, sur le continent.

Le succès de l’ECX a fait des émules. En quatre ans, cette Place a contribué à revaloriser les revenus des paysans éthiopiens. Pas moins de dix-huit représentants de gouvernements et deux chefs d’État, le Nigérian Goodluck Jonathan et le Tanzanien Jakaya Kikwete, l’ont visitée pour s’en inspirer. En discussion avancée sur une douzaine de projets, Eleni va créer ses premières Bourses début 2013.

  • Phiona Mutesi, échec à la misère

Les médias américains se l’arrachent. Depuis son arrivée début décembre aux États-Unis à la rencontre de jeunes joueurs d’échecs, Phiona Mutesi fait le tour des plateaux de télévision et de radio. Tout le monde veut comprendre comment cette Ougandaise de 16 ans qui vivait dans un taudis et dont le père est mort du sida quand elle avait 3 ans est devenue la plus jeune gagnante des championnats d’Afrique. Son parcours atypique émerveille.

En 2005, alors qu’elle est en quête de son pain quotidien dans les rues de Katwe, un bidonville de Kampala, Phiona, alors âgée de 9 ans, suit son frère dans un centre caritatif qui permet aux plus démunis de pratiquer différents sports et activités. Elle espère y trouver à manger, mais découvre les échecs. Le jeu l’intrigue. Encouragée par Robert Katende, l’entraîneur, la fillette apprend les règles de base. Deux ans plus tard, elle remporte le championnat national junior, avant de représenter l’Ouganda dans plusieurs tournois internationaux, dont l’Olympiade des échecs à Istanbul, en août dernier. Un parcours hors norme que Disney voudrait adapter au grand écran, après avoir racheté tous les droits sur The Queen of Katwe, le livre qui retrace la vie de celle qui vise aujourd’hui un titre de grand maître international. Trésor Kibangula.

04/01/2013 à 17h:34 Par François soudan  / Lire l’article sur Jeuneafrique.com 

 

 

 

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