Nous poursuivons, dans ces lignes, notre réflexion sur la situation qui a prévalu dans notre pays de 1960 à 1968 et qui, en partie, aident à cerner les raisons pour lesquelles, le 18 novembre 1968, l’armée a renversé le régime de l’US-RDA et s’est emparé du pouvoir. Dans notre précédente livraison, nous nous sommes intéressés aux débuts en politique de Modibo Keïta. Dans la présente livraison, il sera question de son ascension.
Depuis le 22 septembre 1960, l’US-RDA s’est assigné de nouveaux objectifs avec le mandat impératif donné au Gouvernement par le Congrès extraordinaire. Désormais, Modibo Keïta cumule les fonctions de Président du Conseil et de Secrétaire Général du Parti. Mais la configuration au sein du Parti a changé.
Sous la colonisation, il a su présenter un front uni, d’abord, sous la houlette de Mamadou Konaté et, depuis le décès de ce dernier, sous la direction de Modibo Keïta. « A cette époque critique de la lutte de libération », note Aoua Keïta, une militante de première heure, « tous les camarades étaient solidement unis par des sentiments sincères et loyaux. Le Parti ne connaissait ni tractation, ni démagogie, ni opportunisme, et c’est ce qui faisait notre force. Les camarades tombés sous le coup répressif des adversaires, soutenus par l’administration coloniale, faisaient l’objet de soins attentifs de la part de tous les militants et responsables. Le linge sale se lavait en famille. » (Femme d’Afrique, page 160)
Modibo Keïta était considéré comme « le premier d’entre les pairs » : Secrétaire général du Bureau Politique National, il devait composer avec les caciques du regroupement, des hommes engagés contre les exactions du colonialisme, ne se prévalant pas outre-mesure de coloration idéologique.
Dans son dynamisme d’implantation territoriale, l’US-RDA dut sa force aux « barons » qu’étaient : Mamadou Sidibé (Kayes), Birama Sidibé (Kati), Drissa Diarra et Soungalo Coulibaly (Bamako), Abdoulaye Singaré (Koulikoro), Jean-Marie Koné (Sikasso), Dramane Coulibaly (Ségou), Baréma Bocoum (Mopti), Mahamane Alassane Haïdara (Tombouctou), Yacouba Maïga (Ansongo) et Alhousseïni Touré (Gao), tous unis derrière Modibo Kéita.
Avec l’accession à l’indépendance, la situation change. De nouveaux responsables émergent, différents des premiers aussi bien par l’âge que par la formation. Un clivage va se créer entre deux tendances : celle des partisans d’une modération dans l’application du programme socialiste et celle des partisans d’une marche forcée dans la mise en application des résolutions du Congrès extraordinaire.
En réalité, comme déjà souligné dans notre précédente livraison, cette opposition est latente depuis 1950, date de la fin de l’apparentement du RDA avec le Parti Communiste Français (PCF). La fin de la collaboration entre ce parti métropolitain et le RDA, voulue et imposée par Houphouët-Boigny, est différemment vécue par les sections territoriales. Celles du Sénégal et du Cameroun, à l’instar du Secrétaire général Gabriel d’Arboussier, désavouent ouvertement le geste, s’en désolidarisent et se trouvent exclues du rassemblement) Il en est de même, parfois, à l’intérieur d’une même section territoriale.
Au Soudan, au nom de la discipline du parti, Modibo Kéita l’accepte à contrecœur. Mais Tiémoko Diarra s’en réjouit ouvertement. L’opposition entre les deux hommes ne tarde pas à se manifester au grand jour comme déjà dit dans notre précédente livraison. Ce sera à l’occasion du congrès de 1952, lorsque, pour contrer l’influence grandissante de Modibo Keïta, Secrétaire Général du parti, Tiémoko Diarra proposera la création du poste de président du parti et Mamadou Konaté pour l’occuper.
A partir de ce moment est né le clivage entre le groupe de Modibo Keïta et le groupe de Mamadou Diarra. L’antagonisme se manifeste avec acuité en 1953, lors de l’élection des conseillers de l’Union Française par l’Assemblée Territoriale où le PSP détient la majorité des sièges. Ne pouvant s’entendre, chacune des tendances dépose une liste.
Celle de Modibo Keïta est constituée comme il suit : Modibo Keïta, Ibrahima Sall, Mamadou Fadiala Keïta, Baréma Bocoum, Cantara Sissoko ; et celle de son rival : Tiémoko Diarra, Mamby Sidibé, Robert Cissé, Dossolo Traoré, Paul Leroux.
La seconde liste a le soutien de Mamadou Konaté, Abdoulaye Singaré, Maraba Kassoum Touré. Modibo Keïta se le rappellera ultérieurement, lorsqu’il eut affermi son emprise sur le parti : Abdoulaye Singaré sera écarté du Bureau Politique National en 1955, cessera d’être secrétaire général de la section de Koulikoro en 1961, sera écarté du gouvernement en 1966 ; Marba Kassoum Touré sera arrêté en juillet 1962, jugé et condamné à mort ; bien que gracié, trouvera la mort ; en 1964, dans des conditions non encore élucidées pour certains, plus que claires pour d’autres qui parlent d’assassinat.
Finalement, au nom de l’unité d’action au sein du parti, Tiémoko Diarra retire sa liste, autorisant ainsi l’élection de Modibo Keïta. Ce sera, pour lui, le début de la chute. Il disparaîtra progressivement de la direction du parti avant de s’éteindre en 1960.
La mort de Tiémoko Diarra ne met pas fin aux dissensions. Après l’indépendance, celles-ci vont se manifester à la lumière de la mise en œuvre du programme économique préconisé par le congrès de septembre 1960.
Entre les deux tendances, le Secrétaire Général arbitre. Mais, vite, il perçoit le parti qu’il peut tirer du clivage : s’appuyer sur les jeunes pour réduire l’influence des caciques et, partant, affirmer sa totale emprise sur le Parti. Il y parvient après le coup d’Etat survenu au Ghana le 24 février 1966.
L’événement est vécu à Bamako avec une grande appréhension. Mamadou Gologo, ministre de l’Information, a beau affirmer : « Au Mali, la contre-révolution ne passera pas », la preuve est faite que les régimes dits progressistes ne sont pas à l’abri des coups d’Etat. Désormais, ceux-ci sont présentés, non plus comme des réactions populaires contre des régimes soumis au néo-colonialisme, mais comme des actes commandités par le néo-colonialisme et l’impérialisme international.
Empêtré dans d’énormes difficultés économiques, Modibo Keïta va saisir l’occasion qu’offre le coup de force survenu au Ghana pour atteindre son objectif : rester seul maître à bord en se débarrassant des compagnons de la première heure. Entre février 1966 et septembre 1968, une série de mesures sont prises souvent en violation de la Constitution, des textes législatifs et réglementaires.
D’abord, il faut remédier à la dégradation de la situation économique. Le Mali se tourne vers l’ancienne puissance de tutelle jusque là, vouée aux gémonies, à cause de son rôle dans l’éclatement de la Fédération du Mali et, avec elle, signe, en février 1967, les Accords monétaires franco-maliens, accords aux conditions si humiliantes pour le Mali que le document n’est publié qu’en diffusion plus que restreinte ( il est reproduit en 50 exemplaires, 25 pour chacune des deux parties. Même certains membres du gouvernement malien n’en auront connaissance) avec toute une série de clauses secrètes. Signant ces accords, le Mali abdique, renonce à son indépendance financière acquise en juillet 1962 avec la création du franc malien, accepte de le dévaluer de 50% par rapport au franc CFA, de restructurer ses sociétés et entreprises d’État, de libéraliser le commerce et de réintégrer, à terme, l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA). A terme, les Accords monétaires franco-maliens signifient, tout simplement, sinon, le renoncement à l’option socialiste, du moins, la reconnaissance de l’échec d’une certaine politique.
Ces décisions donnent satisfaction aux modérés, pas aux radicaux. A ces derniers, Modibo Keïta va donner les gages d’une politique révolutionnaire.
Le Secrétaire Général du Parti, avec leur appui, évite de convoquer le VIIè Congrès ordinaire, empêchant ainsi les sections de l’intérieur de venir exposer les difficultés vécues par les militants de base aussi bien dans les villes que dans les campagnes. En revanche, il prend une série de mesures qui vont éliminer, totalement, de la scène politique, les modérés.
A suivre
Sous le régime du comité militaire de libération nationale :
Le Pr Yaya Bagayogo crée l’enseignement supérieur malien
Il est une idée bien répandue : la Réforme de l’Enseignement, effectuée en 1962, aurait fait engranger d’énormes progrès que le régime militaire aurait détruits. Pourtant, à y regarder de près, il semble que la réalité soit tout autre : durant les dix ans que le CMLN a exercé la pouvoir, il est vrai que les syndicats d’enseignants, tout comme les élèves et les étudiants, ont eu maille à partir avec le régime. Cependant, c’est bien durant cette période que le système éducatif malien a pris la configuration qui sera la sienne deux décennies durant avec la formation de ses meilleurs produits.
L’on ne saurait méconnaître les mérites de la Réforme de 1962. Mais, un fait demeure incontestable : si le régime de l’US-RDA a eu l’idée de la Réforme et en a commencé la mise en œuvre, le CMLN, fort de l’idée selon laquelle l’Etat est une continuité, a poursuivi cette mise en œuvre avec plus d’une initiative dont la création de l’enseignement supérieur.
Avant novembre 1968, notre pays ne comptait que deux établissements d’enseignement supérieur : l’Ecole Nationale d’Administration (ENA), avatar de l’Ecole d’Administration du Soudan créée sous le régime de la l’autonomie interne (1956-1958) et l’Ecole Normale Supérieure, la doyenne des Grandes Ecoles de création authentiquement malienne.
L’ENA comportait deux cycles : un cycle A et cycle B. Le premier recevait las bacheliers pour une formation durant trois ans dans deux filières : Administration publique et Economie. Le second recevait les titulaires du DEF. A l’EN. SUP, les filières de formation étaient : Anglais, Lettres modernes, Philosophie, Mathématiques-Physiques-Chimie, Biologie. L’établissement recrutait à partir du baccalauréat et la formation durait trois ans.
L’Ecole des Travaux Publics (ETP), une école fédérale de la période coloniale, a été rebaptisée Ecole Nationale d’Ingénieurs. Elle recrutait à partir du DEF pour former des ingénieurs de premier degré. En juin 1968, l’Ecole Nationale de Médecine (ENM) fut créée, recrutait des bacheliers pour en faire, non des médecins, mais des assistants médicaux ; en d’autres termes, des intermédiaires entre les infirmiers d’Etat et les médecins titulaires d’un doctorat.
Telle était la situation de l’Enseignement « supérieur » lorsque, à la suite des événements de novembre 1968, le Pr Yaya Bagayogo fut nommé ministre de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports. Il entreprit, avec les quelques rares cadres de l’époque qui avaient fréquenté les universités françaises, de lui donner un visage nouveau, celui d’un ordre d’enseignement formant des cadres supérieurs dans les domaines de l’Enseignement, de l’Administration Publique, du Génie Civil-Electromécanique, de l’Agriculture-Elevage, de la Santé.
Ainsi furent, successivement, créés, sous leur configuration actuelle : l’Ecole Normale Supérieure, l’Ecole Nationale d’Administration, l’Ecole Nationale d’Ingénieurs, l’’Institut Polytechnique rural de Katibougou, l’Ecole Nationale de Médecine, de Pharmacie et d’Ondoto-Stomatologie.
L’œuvre de création du Pr Yaya Bagayogo ne se limita pas à cela. Estimant que la structure du système éducatif malien fait songer à un monstre avec une tête gigantesque directement posée sur des membres grêles, en l’absence d’un tronc, il conçoit et crée trois structures intermédiaires dont deux dans l’Enseignement supérieur : l’Ecole Nationale des Postes et Télécommunications(ENPT) ainsi que l’Ecole des Hautes Etudes Pratiques (EHEP). Par la suite, pour des motifs inavouables, l’ENPT, rénovée, fut fermée et, avec la création de l’Université du Mali en 1992, l’EHEP est rebaptisée IUG (Institut Universitaire de Gestion).
Puis, le Pr Bagayogo mit sur pied deux structures d’enseignement supérieur post-universitaire : le Centre Pédagogique Supérieur (CPS), rattaché à l’EN.SUP et l’Institut de Productivité et de Gestion Prévisionnelle (IPGP), rattaché à l’ENA. L’IPGP a disparu, le CPS continue de fonctionner sous la dénomination Institut Supérieur pour la Formation et la Recherche Appliquée (ISFRA). Ultérieurement, la gamme de ses établissements d’enseignement post-universitaire se diversifiera avec la création de l’Institut de Formation et la Recherche Appliquée (IFRA), rattaché à l’IPR de Katibougou qui, du coup, prend la dénomination IPR-IFRA.
Enfin, pour couronner le tout, le Pr Bagayogo a conçu et réalisé, grâce à l’appui du gouvernement, une formule permettant aux sortants du CPS de poursuivre leur formation pour l’obtention du Doctorat d’Etat (cinq ans d’études après l’obtention du doctorat de spécialité encore appelé doctorat du 3è cycle). Il leur était demandé de se trouver une inscription dans une université française et de bénéficier, par ce biais, d’une aide de l’Etat. L’aide consistait à allouer à ceux qui remplissaient les conditions, le bénéfice d’un mois de séjour en France pour une « consultation » auprès de leurs directeurs de recherches et la documentation. Grâce à ce procédé, trois Maliens purent obtenir le rade de docteur d’Etat : deux, en lettres modernes un, en physique.
Il est constamment dit que les militaires, en renversant le régime de l’Union Soudanaise-RDA ont plongé le Mali dans vingt-trois d’obscurantisme. Ils ont leurs raisons car chacun possède ses schèmes d’appréciation. Cependant, au terme d’une analyse objective, il serait difficile de minimiser ou de nier, en matière d’innovations pédagogiques au Mali, la contribution du Pr Yaya Bagayoko, dix ans ministre de l’Education Nationale sous le régime du Comité Militaire de Libération Nationale. Conséquence de son œuvre : bien qu’en son temps le Mali ne disposât pas de structures universitaires, il a été donné aux jeunes Maliens d’effectuer toutes leurs études au Mali, du premier cycle de l’école fondamentale au doctorat sans quitter le territoire national.
Diaoulèn Karamoko Diarra
Le plus grand démocrate du MALI selon son SEM IBK, le général Moussa TRAORE a débarrassé le Mali du régime de son père spirituel…on ne comprendra jamais ce djo BRIN d’IBK… il fait ce qu’il veut il dit ce qu’il veut et il s’en fout de tout ce qu’il dit et des gens qui l’écoutent … Pauvre MALI
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