Pour augmenter l’offre et baisser les loyers : Renforcer le dispositif national de production de logements

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Concernant particulièrement les loyers pratiqués et la caution exigée par les propriétés des biens immobiliers aux demandeurs pour accéder aux maisons, on peut affirmer qu’une loi portant règlementation de leur fixation existe bel et bien au Mali, mais qu’elle n’a certainement pas été largement diffusée. Pourtant, on peut retrouver cette loi au Journal officiel de la République. « Quelles solutions au problème de cautions et de loyers exorbitants à Bamako ? ». C’est un thème important pour chaque citoyen et pour l’ensemble de la communauté malienne. En effet, le logement présente un enjeu politique, social, culturel, spirituel et économique majeur.  

vue d'ensemble des logements

L’ignorance des lois        
A l’instar des autres marchés, le marché immobilier est avant tout régi ou déterminé par la loi de l’offre et de la demande. A Bamako, la demande de logements est, de loin supérieure à l’offre à cause de la forte croissance démographique de la ville et de la faiblesse relative de son potentiel de production immobilière. D’une manière générale, l’offre de logements a périclité de manière très drastique au Mali, en grande partie du fait du retrait de l’Etat de la production directe des logements à Bamako et dans les villes de l’intérieur du pays depuis l’accession du pays à l’indépendance. Le premier Président sous l’ère du renouveau démocratique a voulu combler ce vide ; mais hélas, l’attente n’a pas pu être comblée par l’Agence de cessions immobilières (ACI) qu’il a créée. Ce qui a engendré une pénurie chronique, d’abord de terrains urbains aménagés et équipés, ensuite de logements, surtout économiques, à Bamako. Mais pour construire des logements, il faut, disposer de terrains aménagés et équipés à des prix acceptables. Or, en matière de propriété foncière, les prix ont grimpé à une vitesse vertigineuse. A titre d’illustration, on note qu’Hamdallaye ACI (en commune IV) vend les terrains au prix de 15 à 50 millions de FCFA. Pour maîtriser les coûts d’aménagement et d’équipement des terrains, l’Etat doit prendre en charge une partie des coûts de réalisation des travaux de la Voirie et des réseaux divers (VRD). En réalité, les coûts d’aménagement et d’équipement des terrains urbains sont très élevés et sont donc en grande partie à l’origine de la baisse de la production immobilière et de la flambée des loyers des maisons offertes par les promoteurs immobiliers à Bamako.
Une véritable politique de l’habitat        
Tant que l’offre de logements reste faible et la demande exprimée élevée (comme c’est le cas à Bamako), les prix renchérissent. Bamako est la ville la plus peuplée du pays. C’est également là que se trouve la population la plus économiquement et financièrement solvable. En fixant le prix des cautions et loyers, les propriétaires de biens immobiliers cherchent à tirer le meilleur profit du marché. Ainsi, une villa de 4 ou 5 pièces dans une ville de l’intérieur (à l’exception de Ségou et Sikasso) louée entre 40 ou 60 000 FCFA est proposée quatre ou cinq fois plus chère sur le marché immobilier bamakois. Il est donc très profitable d’investir à Bamako. En plus, face à la caution (le « pas de porte ») et aux loyers jugés exorbitants, on est tenté de penser à l’intervention des pouvoirs publics pour changer la situation, notamment pour  faire baisser les prix. Mais dès le départ,  le Mali a choisi la voie du libéralisme économique et ne peut par conséquent  changer de régime économique du jour au lendemain. C’est dire que la voie du libéralisme restera encore en vigueur dans les années ou décennies à venir. Une intervention des pouvoirs publics qui irait, par exemple vers un contrôle ou une diminution des loyers ne serait certainement pas en mesure de donner des résultats probants. En effet, les pouvoirs publics peuvent décider d’assurer le contrôle des loyers afin de les maintenir à un niveau abordable par les ménages. Mais le contrôle des loyers présente plusieurs inconvénients.
D’abord, la baisse de l’offre de logements sur le marché à cause justement de la baisse du rendement de l’investissement immobilier et du désintérêt éventuel des détenteurs de capitaux au profit d’autres marchés : par exemple les placements bancaires ou l’acquisition d’actions des entreprises cotées en bourse, etc. Ensuite, la baisse de la qualité des nouveaux logements qui seront mis sur le marché et la dégradation des logements existants, faute d’entretien par leurs propriétaires. Ainsi, le contrôle ou la limitation des loyers risque d’entraîner les pouvoirs publics, les propriétaires de maisons et les demandeurs dans un engrenage d’où il leur serait difficile de sortir d’autant plus que dans l’état actuel du développement de l’immobilier, on ne dispose pas d’assez d’informations complètes et détaillées sur la maintenance, la construction et les valeurs des logements, les montants des loyers, les impôts fonciers, etc. La réalisation d’un contrôle ou d’une limitation des loyers passe donc par des études approfondies sur les différents segments ou composantes du marché foncier et immobilier au Mali. Seules des études pointues et détaillées permettront de donner de la crédibilité, de l’objectivité et donc du poids à une décision tendant à contrôler ou à baisser les loyers.
Subventionné, si possible, les matériaux de construction        
Quelques propriétaires immobiliers dans les quartiers avancent l’argument du coût de la construction, du fait de l’augmentation excessive des prix des matériaux de construction, à commencer par le ciment dont le prix de la tonne frôle ou dépasse aujourd’hui les 75 000 FCFA à Bamako. Ils n’ont pas du tout tort, puisqu’au cours des dix ou quinze dernières années, le prix de la tonne de ciment (pour ne citer que lui) a plus que doublé. Et le tout se déroule au vu et au su des pouvoirs publics qui n’ont pas su ou voulu anticiper sur ce renchérissement de prix afin de maintenir les prix des différents matériaux de construction à des niveaux acceptables. Aujourd’hui, face à la flambée des prix de ces matériaux, la seule chose qui reste à faire par les pouvoirs publics serait de baisser la fiscalité sur les prix des matériaux importés : ce qui  est possible si la volonté politique existe. Par ailleurs, la durée d’amortissement de l’investissement immobilier est de dix  ans. Mais cette période décennale n’est pas respectée par des propriétaires immobiliers, qu’ils soient des particuliers ou des sociétés de promotion immobilière. Aujourd’hui, ce délai d’amortissement du coût des constructions est de plus en plus réduit au Mali. Il est ramené à trois ou cinq ans au maximum, dans le meilleur des cas. Mais cela n’est pas suffisant. Et c’est l’acquéreur ou le locataire qui supporte le poids de cette pratique contraire à la règlementation. S’il devrait y avoir contrôle, c’est certainement sur ce point. Le délai d’amortissement des investissements immobiliers est lui-même déterminé par la provenance des financements. Dans le  contexte national, il n’existe pas suffisamment de produits financiers spécifiquement étudiés et destinés à la production immobilière sur le long terme. Les promoteurs immobiliers (particuliers ou sociétés) empruntent de l’argent sur le marché financier, c’est-à-dire aux banques commerciales qui leur proposent des conditions draconiennes d’accès aux crédits. Au bout de cet effort financier, ils se sentent contraints de pratiquer des loyers tout aussi élevés. Ce que le grand public attend aujourd’hui de l’Etat, c’est qu’il propose des mécanismes de financement plus adaptés dans le cadre de la politique de logements. Une fois cette condition réalisée, alors les pouvoirs publics pourraient assurer un véritable contrôle des loyers au Mali.
En définitive, les pouvoirs publics peuvent contrôler ou mettre fin aux cautions abusives demandées aux locataires. Il suffit d’amener les uns et les autres à respecter la règlementation en vigueur. Mais concernant la maîtrise des coûts de construction et la baisse subséquente des loyers, les pouvoirs publics doivent prendre des mesures sur les intrants que sont les terrains, les crédits immobiliers et les matériaux. Ces mesures doivent d’abord viser à réduire la fiscalité pour faire baisser significativement les prix des matériaux de construction. Ils doivent également trouver la formule appropriée, en relation avec les sociétés immobilières, pour partager les coûts d’aménagement et d’équipement des terrains urbains. Si les pouvoirs publics laissent le secteur privé seul aménager et équiper les terrains urbains, ils ne règleront presque jamais la question de l’accès au logement du plus grand nombre de citoyens. Ils doivent également trouver des mécanismes appropriés pour résoudre durablement la question du financement de la production du logement en général, et du logement social en particulier. C’est l’absence d’un mécanisme de production du logement social dans le paysage urbain qui entraîne la création des quartiers précaires qui posent tant de problèmes sociaux et humanitaires dans nos villes.
Bien conduites, toutes ces mesures permettront de maintenir les coûts de construction des maisons et des loyers à un niveau socialement et économiquement acceptable au Mali. C’est aussi le dispositif national de production de logements qu’il faut renforcer et traduire en programmes concrets, ambitieux et réalistes afin d’augmenter significativement l’offre et, par  conséquent, baisser les loyers. Mais la faisabilité de tout cela passe inévitablement par une connaissance très fine du marché foncier et immobilier, une connaissance qui profitera à tous.
 Paul N’guessan

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1 commentaire

  1. Bonsoir,
    Merci beaucoup pour cet article complet qui essaye vraiment d’expliquer les causes des choses avec honnêteté ! ça fait du bien d’avoir des articles argumentés, ce n’est pas si courant…
    Je crois aussi que le financement est un problème clé, car rentabiliser son investissement immobilier en 3 ou 5 ans, c’est vraiment très rapide… des prêts à moyen terme, sur 10 ans par exemple, seraient une bonne chose…
    Mais la question de l’offre est à mon avis encore plus essentielle. Pour construire, il faut avoir la place de construire. Et une question non abordée dans cet article est la forme urbaine de Bamako, probablement une des capitales les plus “plates” du monde ! (pour sa taille de près de 2M d’habitants) C’est une ville qui s’étale énormément, car on habite à Bamako comme au village : dans une concession avec sa cour. Or, la capitale ne peut plus se permettre d’offrir autant de place à ses habitants toujours plus nombreux. Car plus elle s’étale, plus elle prend du retard sur la construction des routes et des réseaux (eau, électricité). Un enjeu est donc de densifier, progressivement, l’habitat, par des constructions à étages ou “plus serrées”. Beaucoup d’intermédiaires peuvent exister entre la concession et le gratte-ciel : par exemple des cours partagées par plusieurs familles sur 1 ou 2 étages, etc… les architectes et urbanistes devraient proposer des solutions ! pour permettre de construire plus en utilisant moins d’espace.
    Et pour qu’ils proposent, il faut encore qu’on leur demande. Là, l’Etat pourrait jouer un rôle moteur en organisant le lotissement de quartiers, ou en lançant des programmes de logements sociaux.
    Moussa

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