Me Abouba Aly Maïga, l’avocat des victimes des démolitions de la zone aéroportuaire : “Cette forme de démolitions n’existe dans aucun Etat de droit même lorsqu’il s’agit de constructions spontanées”

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La Maison de la presse a abrité, le jeudi 4 mars dernier, la conférence de presse de l’avocat des victimes des démolitions de la zone aéroportuaire, Me Abouba Aly Maïga. 

Selon le conférencier, avant d’aller au fond de la réflexion, il est extrêmement important de rappeler que dans un Etat de droit, le premier sujet de droit est l’Etat qui doit à ce titre respecter la loi au même titre sinon plus que le citoyen ordinaire. “C’est d’ailleurs pour cela que même les prérogatives exorbitantes du droit commun dont il est investi dans le cadre de ses missions d’intérêt général sont encadrées par la loi et le juge”, a ajouté le conférencier.

A ses dires, il est également important de préciser que les démolitions dans cette zone dite aéroportuaire ont été non seulement d’une rare violence, mais surtout illégales. Et d’ajouter qu’aucun sujet de droit y compris l’État ne peut se rendre justice. S’agissant maintenant de la zone dite aéroportuaire, elle a fait l’objet de deux décrets, notamment le décret N°95-068/PRM du 15/02/1995 a dégagé une superficie de 8 720 ha et le décret N°99-252/P-RM du 15 septembre 1999 qui est venu redimensionner la zone aéroportuaire de 1995, la ramenant à 7 194 ha soit une diminution de 1 526 ha.

Mais, dit-il, le gouvernement s’est volontairement abstenu de borner les limites de cette zone aéroportuaire, a choisi la délimitation qui avait été clairement faite pour les 8 720 hectares à travers de longs pylônes en béton qui existaient encore par emplacement sur le terrain d’où sa responsabilité dans cette situation.

Ensuite, il notera que tous les occupants de cet espace en cause avaient des titres et avaient donc bénéficié à la fois de la complicité active et passive de l’Etat dans les faits. “Complicité active parce qu’ils ont tous des documents de l’administration allant de la notification pour certains, à des permis d’occuper, aux titres fonciers pour d’autres, titres acquis après versement à l’État d’importantes sommes. Complicité passive parce que l’Etat a vu les titulaires des titres construire sans les en empêcher. Il a aujourd’hui les moyens de vol à grande échelle, il avait les mêmes moyens hier de les en empêcher”, a-t-il dénoncé.

Selon lui, l’inaction de l’Etat au moment opportun a ses complications de responsabilités dans les faits et l’Etat s’est ensuite, du haut de sa toute puissance, arrogé le droit de démolir sans en avoir le droit, autrement dit sans décision de justice. Et de poursuivre que l’Etat a démoli après s’être enrichi au détriment des victimes qui avaient payé contre reçus pour avoir les titres.

A l’entendre, cette forme de démolitions n’existe dans aucun Etat de droit même lorsqu’il s’agit de constructions spontanées car il fallait avant toute action sur le terrain saisir la justice, situer les responsabilités et recevoir de celle-ci l’ordre de démolir ou pas. “On ne vient pas dire qu’on casse parce que la certification de l’aéroport de Sénou est menacée.  Ce n’est pas l’affaire du droit si la certification de l’aéroport est menacée”, a-t-il martelé.

Dans son réquisitoire, il dira que jusqu’à preuve du contraire la plupart des immeubles sont situés en dehors de la zone aéroportuaire. “Ce n’est d’ailleurs pas notre problème car la zone aéroportuaire a ses papiers, nous avons les nôtres, tous obtenus des autorités autorisées. La responsabilité de l’Etat est derechef claire dans ce dossier, il doit se résoudre à réparer l’immense préjudice souffert par les toutes les victimes, acquéreurs de bonne foi, ce conformément à la loi et à la jurisprudence car tout fait qui cause à autrui un préjudice oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”, a rappelé l’avocat.

Il a saisi l’occasion pour rappeler la teneur de l’article 125 du Code des obligations du Mali (RGO) qui stipule : “Toute personne qui, par sa faute, même d’imprudence, de maladresse ou de négligence,  cause à autrui un dommage, est obligé de le réparer” et de l’article 1382 et suivants du Code civil français qui abondent dans le même sens en stipulant respectivement “Chacun est responsable du dommage qu’il a détecté non seulement par son fait, mais aussi par sa négligence ou son imprudence”, “On  est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est examiné par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l’on a sous garde”. Il précisera que ces articles sont des fondements juridiques et factuels de la revendication des victimes, une revendication pour laquelle l’État a déjà été saisi à travers le contentieux administratif. Avant d’ajouter que 11 villages sont concernés par l’opération de démolitions dans la zone aéroportuaire et plus d’un millier de familles sont aujourd’hui dans la rue.

“L’Asecna détient des documents délivrés par l’administration malienne et les victimes détiennent aussi des documents délivrés par la même administration. Personne ne connaît les limites de la zone aéroportuaire suivant le décret de 1995. Aussi, la plupart des immeubles démolis ne sont pas dans la zone aéroportuaire”, a-t-il conclu.

Boubacar PAÏTAO

 

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