En 2018, la société immobilière Badiallo, dirigée par Binta Diane Séméga, a acheté 119 hectares avec le village de Mafeya. C’est là le début d’un feuilleton qui met le Méguétan sens dessus-dessous.
Feya, Mafeya, Diadié, Dogoni, Tanabougou et Tietiguila sont tous des villages relevant de la Commune de Méguétan, qui, aujourd’hui, sont devant les tribunaux pour de multiples raisons. Ils sont opposés les uns aux autres pour demander à la justice de délimiter leurs frontières ; et souvent à leurs concitoyens souvent accusés d’usurpation de titre.
Les faits. Selon Me Modibo Sylla, avocat à la Cour, la société immobilière Badiallo, a acheté des parcelles avec tous ces villages. “Les parcelles ont été payeés avec des personnes, certes des villages concernés, mais qui n’ont pas qualité. Les chefs des villages concernés n’étaient pas au courant des transactions. Pis, comment, peut-on acheter plus de 30 kilomètres dans la région de Koulikoro ?” s’interroge l’avocat.
Pour lui, la société immobilière Badiallo va mettre en péril la stabilité du Méguétan. “Aujourd’hui, les villages qui vivaient en bonne intelligence se regardent en chiens de faïence”, dit-il. Selon notre interlocuteur, la société a payé 3000 hectares avec des conseillers du chef de village de Mafeya.
Les procédures judiciaires se suivent et s’enchevêtrent : Tribunal de grande instance, Cour d’appel, Tribunal civil… “Ça n’a même pas commencé. Nous étions en pénal, tous les deux. Maintenant nous partons en civil. Ils ont fait des lettres d’attributions sur mon titre foncier. Ils ont même fait des installations (stations, clôtures et autres). J’ai entamé une procédure d’expulsion-démolition”, prévient la société immobilière Badiallo.
La situation a pris une telle ampleur que le 24 février 2021 a eu lieu une réunion dont le PV a été dressé par Me Jacob Sidibé, huissier de justice, à propos de Feya, où la société immobilière Badiallo a acheté 859 hectares. A cette réunion avait pris part le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, Yacouba Diarra et des représentants des services techniques de l’Etat. La rencontre a statué sur la situation de Feya.
Comme pour compliquer encore les choses, des commerçants se sont installés sur des parcelles dans la convoitise de la société immobilière Badiallo. Cela fait l’objet d’un autre procès entre la Badiallo et ces commerçants, dont l’un a fait une station d’essence.
De l’autre côté, il y a le sous-préfet de Koulikoro qui a également porté plainte contre l’agence immobilière Badiallo le 12 janvier 2024. “Je n’ai de terres qu’à Dogoni et à Mafeya. Le reste non. A Mafeya, ce sont les villageois eux-mêmes, avec leur chef du village et ses conseillers qui m’ont cédé leur droit coutumier. J’ai eu mes terres à Mafeya avec un protocole d’accord et sous acte notarié. Ce sont les villageois, le chef du village et ses conseillers qui m’ont cédé leur droit coutumier. C’est sous acte notarié et j’ai tous les documents qui datent de mai 2019. D’abord, c’est le village de Feya qui m’a vendu les terres. Mais avec la géolocalisation, j’ai trouvé que ces terres relevaient de Mafeya. Donc je les ai achetés avec Mafeya. Il y a même eu un procès de délimitation entre les deux villages sur la zone. Et c’est Mafeya qui a gagné. La grosse est disponible”, explique Mme Binta Diane Séméga.
Pour elle, “ceux qui ont porté plainte, ce sont des gens de Feya. Moi je suis à Mafeya. La délimitation issue du procès le montre carrément”, explique-t-elle, soutenant qu’elle a eu des contacts avec les autorités administratives. “Oui bien sûr, je fais une réquisition des domaines en la date du 7 octobre 2018. Le titre est créé et c’est disponible au domaine de Koulikoro sous le numéro ; DTK10987 sur une superficie de 78 ha. Je n’ai reçu aucune plainte émanant du sous-préfet. Au contraire, c’est moi qui ai porté plainte contre lui, Ousmane Kéita, contre le maire de Méguétan, Ousmane Fomba, le maire domanial Sidi Traoré. Et aussi contre Lassine Coulibaly qui se dit chef du village et son jeune frère, celui qui mélange tout, Broulaye. La plainte est toujours en cours au niveau du Pôle économique”.
Mme Binta Diane Séméga conteste la superficie qu’on lui attribue. “A Mafeya, on m’avait cédé 3000 hectares. Mais j’ai pris juste 119 hectares, pour ne mettre en titre que 78 hectares. C’est vérifiable au domaine”, dit-elle.
Jusqu’où tout cela va aller ? Car, pour la société immobilière Badiallo, pas question d’abandonner. “Jamais. La prochaine étape, c’est la procédure civile expulsion démolition en civil. J’ai un titre foncier eux ils ont des lettres sans quittance ni redevance domaniale. Ce qui est anormal. Leur lotissement a été fait après mon titre. On va épuiser tous les points du droit”.
En attendant, les camps ont des positions divergentes et difficilement conciliables. Et la justice semble tergiverser, tantôt pour un camp, tantôt pour un autre. Pendant ce temps, la tension entre les villages demeure et d’encre.
Affaire à suivre
Alexis Kalambry
Koureichy Cissé
La terre appartient à l’Etat mais les droits coutumiers subsistent partout et se vende comme de petits pains. Si l’Etat n’intervient pas pour situer les limites territoriales et les roles et responsabilités de chacun, il y aura toujours des litiges fonciers avec son corollaire. La terre est devenue une source de revenu sans effort et les terres de nos ancêtres sont bradés a qui veut. Fasse que cela cesse.