La mauvaise gestion des affaires foncières, en particulier à Bamako concernant les zones de déguerpis et de recasements, perdure lamentablement, avec son lot quotidien de victimes. Les principaux responsables de cette situation catastrophique sont les Conseillers municipaux qui s’adonnent aux pires malversations ; les autorités administratives qui ferment les yeux sur de graves irrégularités ; et les membres de la justice qui ont les yeux grand ouverts sur l’argent. Jugez-en. La fille aînée de l’ex-chef du village de Niamakoro ne fait-elle pas les frais d’une spoliation et d’une expropriation en règle de la part des forces conjuguées de l’argent et du pouvoir ?
Mme Aïchata Traoré, héritière de Bakary Traoré, ancien chef de quartier de Niamakoro, en plus de se voir retirer de force son terrain, fait l’objet, en son domicile violé, de menaces de mort et d’injures de la part d’un certain Mohamed Dramane Konaré, commerçant exploitant de carrière. L’individu ne s’étant même pas soucié de l’état de santé de la vieille qui souffre d’insuffisance cardiaque et d’hypertension artérielle, celle-ci a piqué une crise et n’a dû son salut qu’à la présence des voisines qui lui ont porté secours. On était le 15 août 2010.
Mais, qu’est-ce qui oppose donc cette respectable dame à ce vendeur de sable ?
L’héritière de l’ex-chef de quartier de Niamakoro est attributaire de la parcelle N°12/P, Section 5ème extension du lotissement de Kalaban Coura Complémentaire, conformément à la décision N°0473/2003/BSDCD du Maire du District de Bamako (à l’époque, Ibrahima N’Diaye) en date du 23 décembre 2003. Un beau jour du mois de janvier 2010, elle constate avec stupeur que quelqu’un s’était arrogé le droit de construire une villa sur sa parcelle. Renseignements pris, il s’agit d’un certain Mohamed Dramane Konaré, commerçant exploitant de carrière. Sollicité, ce dernier a sorti des documents qui, selon lui, lui donnaient des droits sur la même parcelle. En fait de papier, il s’agit d’une autorisation de construire suivant décision N° 0669 du 21 novembre 2008 délivrée par le même Maire du District. Mais, cette fois, pour la parcelle 11/B et non le N°12/P. A noter que le N°11/B ne le concerne pas non plus, étant attribué, à un certain Traoré Dramane. La Dame décide donc de porter l’affaire devant les tribunaux. Mais étant de santé fragile, elle décide de confier ses intérêts à son petit-fils, Bréhima Diallo, commerçant, dûment mandaté devant Notaire. Il saisit le Procureur de la République près le Tribunal de première instance de la Commune VI. Le 22 décembre 2010, Bréhima Diallo reçoit des mains d’un huissier, à la requête du Parquet de ladite Commune, une assignation à partie civile lui demandant de comparaître le 10 janvier 2011 pour être entendu dans ses conclusions dans l’information ouverte par le Ministère Public contre Mohamed Dramane Konaré, prévenu «d’avoir en Commune VI du District de Bamako, courant 2010, en tout cas depuis moins d’un an, frauduleusement dépossédé à Madame Aïchata Traoré de sa parcelle sis à Kalaban Coura, causé des dommages à la propriété immobilière de la dame Aïchata Traoré, notamment en construisant sur sa parcelle, fait usage de faux document notamment en obligeant la dame de signer un document».
Le jour dit, le plaignant se retrouvera tout seul dans le prétoire, son adversaire ayant daigné ignorer la citation du Magistrat. Il doit certainement être au-dessus de la loi pour refuser de se présenter au Juge. En tout cas il le croit car, le 18 février 2011, à la requête du même Parquet, un autre Huissier se rend chez lui pour lui remettre une Citation à prévenu l’invitant à comparaître le lundi 07 mars 2011 dans la même affaire. Non content de refuser de signer et de prendre copie de l’acte, le prévenu refuse encore une fois de se présenter devant le Juge, contrairement au plaignant qui ne cessait de faire des va-et-vient entre les différentes Juridictions et son domicile. Faute de partie adverse présente, l’affaire est chaque fois renvoyée. Selon le plaignant, il y aurait eu plus de quatre renvois. Mais curieusement, le 16 mai 2011, alors que le plaignant était en déplacement dans son village où il a assisté aux funérailles de son oncle, l’affaire fut finalement jugée, avec un verdict favorable à…l’invisible et introuvable Mohamed Dramane Konaré. Révolté, Bréhima Diallo décide de faire appel de cette décision.
Il faut noter qu’auparavant, le prévenu a eu le temps de faire sa petite démonstration de force. En effet, Dame Aïchata Traoré, se prévalant de son droit légal et légitime sur la parcelle incriminée, avait demandé à deux de ses neveux de faire arrêter les travaux de construction illicite sur son terrain. Ceux-ci se sont exécutés non sans quelques coups d’éclat. C’est à la suite de cette altercation que la dame a essuyé les foudres du sieur Konaré, lequel aurait débarqué chez elle en forçant sa porte, l’intimidant et proférant des menaces de mort. Elle porte plainte. L’individu est appréhendé par la police. Mais, malgré les lourdes sanctions qui pèsent sur lui, il est relaxé après quelques heures de garde-à-vue. Mieux, il trouve le moyen de traîner les neveux de la dame devant les tribunaux pour dommages causés à «sa» propriété immobilière. Les garçons sont arrêtés et conduits en prison, condamnés à payer 750 000 FCFA de dommages et intérêts. Pour les charger, le vendeur de sable a présenté le rapport d’expertise produit par un Cabinet d’expertise qui évalua les dégâts à 5 555 000 FCFA. Le plus curieux, c’est que cette expertise elle-même a été faite à partir d’un document concernant la parcelle N°11/B.
Vous l’aurez compris, le sieur Konaré n’est pas un vendeur de sable ordinaire. Il a des appuis à plusieurs niveaux. Nous y reviendrons.
Cheick TANDINA