L’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali en partenariat avec l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) a organisé un atelier de formation des journalistes sur les réformes politiques, la loi électorale, le journalisme sensible aux conflits et la régulation des médias. C’était du 13 au 14 juillet 2022 à la Maison de la Femme et de l’Enfant de Bamako.
Le président de l’Observatoire, Dr Ibrahima Sangho, a déclaré que la session de formation s’inscrit dans le cadre du programme intitulé «Projet d’appui au processus électoral de la Transition malienne» qui vise essentiellement à mettre en œuvre des activités d’information, de sensibilisation et de communication sur l’encadrement légal des élections et les réformes. Aussi l’atelier vise-t-il à mobiliser les médias autour des défis et enjeux des réformes politiques institutionnelles en cours, vulgariser la loi électorale auprès des médias, outiller les médias par rapport au journalisme sensible aux conflits et au code de déontologie en période électorale et sensibiliser les médias sur la régulation et la production de contenus impartiaux en période électorale. Ils étaient une trentaine à prendre part à cet atelier.
Durant deux jours, des débats fructueux ont eu lieu autour des thématiques développées par des spécialistes à la matière.
La mauvaise gouvernance, la corruption : causes des crises politiques au Mali
Pour Pr Mamadou Samaké, politologue et constitutionnaliste de renom, le Mali a connu beaucoup de crises politiques qui ont parfois abouti au coup d’Etat. Ce sont les conséquences selon lui de la mauvaise gouvernance, de la corruption, de l’injustice sociale, des querelles partisanes et surtout du non-respect des textes. «Notre premier problème, c’est d’être dans la République et dans le déni de République en même temps. Quand la loi cesse d’exister, c’est la voie ouverte à l’injustice. L’injustice a une conséquence très grave et c’est ce qui explique ces différentes remises en cause de l’ordre constitutionnel», a-t-il souligné.
Il a ensuite proposé des pistes de solutions pour la fin de ces ruptures constitutionnelles comme une répartition équitable des biens communs, l’adaptation de notre démocratie à nos réalités sociales, le respect des lois, des valeurs éthiques et morales.
Le Mali démocratique a connu 11 lois électorales
Pour sa part Abdoulaye Lansar, juriste, a fait une analyse sur la nouvelle loi électorale qui continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive au sein de l’opinion nationale. Au cours de son exposé, il rapporte que de 1992 à nos jours le Mali a connu 11 lois électorales qui ont été tout le temps modifiées. Au vu du contexte postélectoral de 2020 et des recommandations des Assises nationales de la refondation, cette loi électorale contient de nombreuses incompréhensions relatives notamment aux mesures de prévention des crises électorales, à la révision des compétences de la Cour constitutionnelle, à la mise en place d’un organe unique et indépendant de gestion des élections, à la mise en place d’un mécanisme de contrôle et de plafonnement des dépenses de campagne électorale, etc. En conclusion, il appelle les autorités de la Transition à un large consensus politique pour le retour à l’ordre constitutionnel dans les meilleurs délais.
Les médias face aux conflits et aux élections
Selon Ibrahim Labass Kéita, journaliste, les médias ne doivent pas être un moteur de polarisation, de discours haineux et de violence. Pour la consolidation de la paix, les journalistes sont appelés à mettre en œuvre le «peacejournalism » : nouveau paradigme du journalisme sensible aux conflits à l’opposition du journalisme de guerre en replaçant les faits de guerre ou les événements relatifs aux conflits dans un contexte plus large et plus juste, plutôt que de se soumettre aux intérêts partisans, politiques et économiques.
En période électorale, selon l’expert, le journaliste a donc le droit de parler de tous les partis et candidats, y compris les plus hostiles au gouvernement en place et de tous les thèmes de campagne qu’il estime importants pour les citoyens et l’avenir de son pays. En plus, il a invité les participants à s’approprier le code de déontologie du journalisme pour mener à bien leur travail.
En période électorale, les médias sont régis par les dispositions de la Constitution
Pour Sadou Abdoulaye Yattara, journaliste et ancien Président de la Maison de la Presse, la régulation des médias au Mali repose sur deux organes qui sont le Comité National d’Égal Accès aux Médias d’État et la Haute Autorité de la Communication. A cet effet, en période électorale, les médias sont régis par les dispositions de la Constitution et des lois spécifiques sur la presse et la communication et les textes fondateurs du Comité National d’Égal Accès aux Médias d’État et de la Haute Autorité de la Communication. Ce consultant en communication rapporte que les projets de textes soumis aux autorités de la Transition dans le cadre des réformes institutionnelles envisagées proposent un seul organe de régulation des médias et de la communication : la HAC. « Le problème, c’est que les institutions chargées d’organiser les élections se soucient peu de toute forme d’harmonisation et des tendances nouvelles. Et les législateurs devraient savoir que le CNEAME ne survivrait pas au referendum constitutionnel et ainsi devrait formuler autrement toute allusion à cet organe dans la loi électorale ».
Parlant du rôle de la Haute Autorité de Communication (HAC), l’ancien Président de la Maison de la Presse ajoute que la HAC a pris le relai du Conseil Supérieur de la communication (CSC) en 2015-2016 avec plus de prérogatives.
Selon l’art 5/1er alinéa de l’Ordonnance n°2014-006/P-RM du 21 janvier 2014 portant sa création, la HAC a pour mission la régulation du secteur de la communication dans les domaines de la communication audiovisuelle, de la presse écrite, de la publicité par voie de presse audiovisuelle et écrite et de la presse en ligne. Pour plus de réglementation des médias, il fait savoir également que la HAC dispose d’un centre de monitoring et de contrôle des médias pour mieux veiller sur le respect des règles du jeu démocratique à travers les médias, le respect des normes déontologiques du journalisme et la réglementation.
Les participants se sont réjouis de la qualité des exposés. Ils ont exprimé leur satisfaction avant de remercier l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali et son partenaire l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
Boubacar Idriss Diarra