Une vingtaine de personnes interpellées et gardées à vue après une première audition, de hauts cadres de l’administration d’Etat dans le collimateur des limiers du Pôle économique et financier en charge de l’enquête. C’est la panique dans plusieurs secteurs de l’Administration publique animés par des cadres qui avaient transformé leurs bureaux en de véritables officines de corruption en ce qui concerne le concours de recrutement des fonctionnaires de l’Etat.
C’est un secret de polichinelle que les concours de recrutement à la Fonction publique étaient devenus de véritables foires au plus offrant. Les postes étaient vendus à travers un réseau qui opérait finalement sans crainte. Même l’avènement de la Transition n’avait rien changé de ce trafic que nous, à Aujourd’hui-Mali, avions dénoncé, avant la, tentative de démenti la dame qui était en son temps la cheffe du département ministériel en charge de ces recrutements. Mais l’histoire, étant le meilleur juge, nous donne raison aujourd’hui. “La vérité a beau être cachée, elle finira toujours par passer la nuit à la belle étoile”, comme le dit l’adage. Effectivement, le pot-aux-roses qui nourrissait grassement de grosses légumes, cadres de plusieurs secteurs de l’administration publique, est aujourd’hui exposé devant le peuple malien, suite à une vague d’arrestations de présumés membres de ce réseau. Leur crime, c’est de vendre les places aux plus offrants, tandis que les plus méritants lors des concours se voient recalés. Les concours étant ravalés à de simples faire-valoir pour ceux qui ont déjà acheté leur admission. Les dés étaient pipés.
Les dénonciations qui s’accumulaient, après le concours de recrutement à la Fonction publique pour l’année 2023, ont amené les Autorités de Transition à ouvrir une enquête dans le cadre de laquelle une vingtaine de personnes ont été interpellées.
Il s’agit donc pour la justice de démanteler un réseau bien structuré, avec les rabatteurs chargés de la mise en contact des candidats avec des cadres de l’administration garants de la transaction, puisqu’à charge pour eux de traiter directement avec les organisateurs du concours dont l’implication est la clé de la réussite de ces fraudes.
Il s’agira ensuite, après les interpellations, de déterminer le niveau d’implication de chacun en identifiant les ramifications du réseau. C’est une chaine de complicités qui englobe de hautes personnalités tapies jusque dans des directions nationales et même dans des cabinets ministériels. Cela concerne plusieurs cadres de l’administration qui participent à l’organisation desdits concours de recrutement, surtout ceux qui ont accès aux opérations de correction des copies, de compilation des notes et surtout de délibération du jury pour proclamer les résultats. Pendant plusieurs années, des candidats à des concours de recrutement de fonctionnaires de l’Etat ont décrié l’existence de deux listes d’admission différentes. Ce fut le cas pour un concours de recrutement à la police où des candidats dont les noms figuraient sur la première liste d’admission dressée par le jury, ont été purement et simplement zappés de la liste finalement rendue publique. A quel niveau la manipulation était-elle faite ? Qui en était responsable ? Malgré les manifestations des candidats floués, la justice n’a jamais été saisie. C’est donc un mérite pour la Transition que de secouer ce cocotier de l’organisation des concours de recrutement à la Fonction publique pour faire tomber tous les fruits pourris. Que la lumière soit !
D’ores et déjà, la première audition des 12 premières personnalités interpellées et ensuite gardées à vue dans le cadre des enquêtes confiées au Pôle économique et financier ont amené à l’interpellation d’une dizaine de cadres de l’administration publique, dans plusieurs secteurs concernés par lesdits recrutements. Mais aussi des membres du personnel des différents services impliqués dans l’organisation de ces concours. Ce qui veut dire que la filière est en train d’être remontée par les enquêteurs et sans prétendre empiéter sur le cours des enquêtes, nous pouvons présager que des têtes de personnalités devront tomber. Et non des moindres ! Dossier à suivre.
Amadou DIARRA