Fonction Publique : ” On veut des emplois mais on ne veut pas travailler “

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Une vue d'un concours de la Fonction publique (photo archives)

Le retard accusé par le Mali dans son élan réel de développement s’explique en partie par la paresse dont fait preuve ses habitants notamment la frange privilégiée qui émarge au Budget de l’Etat sous la bannière de la Fonction publique. Il y a quelques années, une enquête de la Banque mondiale a révélé que les fonctionnaires maliens ne consacrent en réalité que 4h30mn de leur journée de travail aux tâches pour lesquelles ils sont employés. Le reste du temps est utilisé pour les préparatifs de mariage, les maquis, les affabulations, les deals et les affaires personnelles à fortes odeurs de corruption ou d’enrichissement illicite.

Le Mali compte actuellement 38.927 agents. Parmi eux, combien accomplissent véritablement les missions qui leur sont dévolues pour le progrès national ? Cette question s’est avérée un casse-tête malien pour les gouvernements successifs enchainés dans le langage bien connu « Ce n’est pas le champ de mon père ».

Sauf cas de force majeure, obtenir un emploi public s’apparente à une assurance pour la retraite. La culture du « bras long » et la propension à défier l’autorité de l’Etat ont bien pris le pas sur toute adhésion à travailler moralement et physiquement pour la Nation afin de favoriser son développement. Les horaires légaux de 7h30 à 12h30 et de 15h à 17h30 n’ont jamais été respectés à la lettre. Que ce soit dans la matinée ou dans l’après-midi, les services publics se vident avant l’heure officielle de descente. Il y a même des administrations qui n’hésitent pas à fixer leur propre temps de travail au détriment des usagers. Une autre source de désordre et d’inefficacité, la plupart des agents publics refusent d’être destinés à leurs emplois d’origine. Personne n’entend suivre la voie normale de sa carrière.

L’instituteur veut être sous-préfet ou préfet ; le professeur se lance dans le protocole, etc. Rien qu’à jeter un regard sur le très pléthorique nombre de chargés de mission dans les cabinets ministériels pour comprendre pourquoi des ministères sont incapables de communiquer comme cela se doit.

Des juristes, enseignants, économistes, journalistes ont préféré s’entasser dans un réduit de bureau plutôt que d’occuper dignement leur place dans l’administration. Les exemples sont légion. Le BaBa de la gestion des ressources humaines, « un poste, un emploi », n’a pas sa raison d’être ici. Les décrets se succéderont mais la réalité du terrain sera toute autre si des mesures rigoureuses et volontaristes ne viennent pas contrer les velléités sapant toute réforme en la matière.

Ce n’est un secret pour personne que Bamako est un centre de concentration de fonctionnaires, parfois inutiles, qui grugent le budget de l’Etat alors que les zones rurales sont confrontées à un manque criard de personnel. Le parrainage politique, par lequel la quasi-totalité des agents publics s’est vu obliger de militer dans le parti au pouvoir, a engendré un laxisme au plus haut niveau qui témoigne de l’incapacité de l’administration publique à se déployer de façon efficace et efficiente sur le territoire national. A tel point qu’à défaut d’avoir une promotion diligentée dans des projets afin de renflouer les caisses du parti, toute affectation dans le « Mali profond » est apparue comme synonyme de punition. Des affectations qui se heurtent à une collusion entre syndicats « inconscients » et syndiqués « serviles » dont les remises en cause systématiques de certaines décisions, quoique judicieuses des autorités publiques, outrepassent la raison collective. Il faut craindre qu’au lieu de rendre service à la Nation de 7h à 15h30, toute la Fonction publique soit dépourvue de la majorité de ses agents pendant la pause de 30 mn. La volonté de réduire le train de vie de l’Etat à travers les journées continues aurait alors produit une catastrophe. Et les récriminations des usagers, agacés devant l’inaccessibilité du service public à cause des absences récurrentes, pourraient amener les gouvernements à venir à les remettre en cause. Le Mali donnerait alors l’image d’un pays ramant à contre-courant parce que certaines décisions de ses gouvernants ne sont pas assez muries.

Dans leur quête permanente et effrénée de bien-être, les fonctionnaires maliens se lancent dans des ambitions personnelles au détriment de la cause nationale dont leurs actions collectives auraient pu améliorer à travers une contribution active à une croissance soutenue. Ne doit-on pas songer à une opération de billetage, qui dans un premier temps permettra de suspendre les salaires d’agents fictifs (retraités, abandon de postes, démission, détachement ou en indisponibilité ou en fin de contrat, décès) et d’économiser plus des sous sur la masse salariale, il faudrait davantage pour mettre la Fonction publique malienne au travail afin qu’elle épouse les idéaux de la satisfaction entière des usagers et réponde aux besoins de développement du pays.

Ce défi est un combat de longue haleine dans lequel les autorités devront s’inscrire. Il s’agit d’ignorer toute autre considération partisane pour s’appuyer sur la seule obligation pour tout fonctionnaire d’accomplir pleinement le service public pour tamiser le personnel de l’Etat. L’entrée dans l’administration publique ne semble pas reposer sur des critères équitables. Il y a une contradiction criarde entre les recrutements par « Concours directs » et ceux sur « Mesures nouvelles ». Au moment où des centaines de milliers de Maliens se bousculent au portillon de l’incertitude pour espérer arracher un emploi public, d’autres se voient l’offrir par cooptation, par copinage, …

Les autorités du pays illustrent cette logique de « deux poids, deux mesures » à tel point que les recrutements nocturnes, sont légion en ce moment, pour un poste non essentiel alors que la gestion de sa carrière causera bientôt un préjudice à l’Etat. La Primature et les ministères ne sont pas en reste. La prétendue ère nouvelle a honteusement ouvert la voie pour récompenser des compagnons de lutte par des emplois publics qui sont loin d’être fondés sur la compétence et sur le mérite.

Ce « bourratif » des effectifs de la Fonction publique creuse le terreau de l’inefficacité et des injustices. Des matricules ont été allègrement distribués comme des pains dans ce contexte de « Plus rien ne sera comme avant » où la justice sociale doit être de mise.

L’absence du sens de responsabilité, auréolée par l’omniprésence de la politique politicienne et partisane dans l’administration publique, inhibe la bonne marche de tous les secteurs vitaux de la Nation notamment l’initiative privée et le développement rural. En amont du progrès national, les agents publics ont toujours ramé à contre-courants dans leurs missions respectives. Prêts à se battre pour des postes mais jamais portés vers la conscience professionnelle. D’autant que les promotions ne répondent malheureusement pas au rendement et au mérite. Les ascensions sont plus dues au zèle de militants. Cette faiblesse dans la gestion des carrières entretient la démotivation et le découragement permanent dans les rangs de celles et de ceux qui mouillent le maillot. Un tour dans les différents compartiments de la Fonction publique permet de comprendre que la plupart des agents est préoccupée à œuvrer pour eux-mêmes d’abord avant de penser à l’Etat.

Au niveau des médias d’Etat, de l’Education nationale, de la Santé, des Finances, …, rares sont les abonnés au Budget de l’Etat qui se soucient réellement de la poule aux œufs d’or. Entre correspondances ou représentations de presse dite étrangère, de vacation dans des établissements privés, de consultations dans des cliniques, d’interventions à titre personnel dans divers cabinets, les priorités de la Nation sont louvoyées au péril des millions d’individus désireux de s’appuyer sur les opportunités publiques pour s’affirmer sur les plans sanitaire, éducationnel, social, socio-économique, etc. Il faut s’atteler à assainir la Fonction publique en la débarrassant des travers des régimes précédents. Dépolitiser l’administration publique est un challenge à gagner coûte que coûte. C’est au prix de l’émergence d’une race de fonctionnaires apolitiques, consciencieux et travailleurs que le pays pourra réellement appréhender son décollage socio-économique tant claironné en ces temps de conquête de l’électorat dans les différents projets de société.

Assi de Diapé

 

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