1989-1990. Moussa Traoré, chef de l’État, sous la pression de plusieurs membres du B.E.C (Bureau exécutif central), l’organe exécutif du parti-État UDPM, accepta aux détours d’un concours farfelu que des fonctionnaires de la catégorie B ayant occupé une fonction de cadre deviennent cadres de la catégorie A. Pratiquement tous les candidats furent admis soit à l’écrit, soit au rattrapage de l’oral. Quel concours !
En réalité, le motif principal de cette espèce de promotion-concours était d’élever la catégorie des membres, courtisans et sympathisants du parti État UDPM (Union démocratique du peuple malien). Ces cadres devenus A sans études supérieures furent appelés de façon ironique : ayant fait fonction.
Aux lecteurs très jeunes, qui n’ont pas vécu cette période, ne les envier surtout pas. Certes, ils sont devenus aux yeux de la loi cadres. Mais dans les administrations, ils ne jouirent et ne jouissent d’aucun respect. Vivre au sein d’une entité administrative sans considération de ses capacités morales et intellectuelles est non seulement affligeant, mais surtout infamant.
1993-1994. Alpha alors président, le Mali avait besoin de recruter des douaniers. Pour éviter de recruter celles et ceux qui ont fait des études en douanes, donc pas forcément de la famille du régime nouvellement assis, la solution proposée fut de recruter 300 contractuels. Avec des campagnes toxiques et mensongères de création d’emplois pour tous. Comme si la création de 300 postes ferait le plein emploi. Des diplômés de toutes sortes furent recrutés. Certains responsables du Mali d’alors en ont profité pour placer des membres de leur famille qui étaient au chômage. Le déclin moral du régime Alpha s’amorçait.
- Mamadou Namory Traoré, ministre de la Fonction publique, constata 263 personnes émargeant frauduleusement à la fonction publique. Il prit un arrêté de radiation à leur encontre. Un arrêt de la Cour suprême ordonne la réintégration des radiés. Aux motifs de droit acquis. Du droit acquis à la fraude comme si l’exception de fraude n’existait pas. Nos ”vaillants” et ”brillants” juges ont frappé fort : désormais au Mali, la fraude ne corrompt pas tout. Une nouvelle théorie générale du droit est née. Allahou Akbar. Oumar Tatam Ly a qualifié l’arrêt de réintégration d’inique, incompréhensif en droit et en morale.
Moussa Mara, une fois installé Premier ministre, en cohérence réelle avec sa personne, a laissé faire. Aujourd’hui, tous sont réintégrés. Ils sont fiers et gaillardement fonctionnaires. La morale n’a plus son mot à dire au Mali. On n’a peut-être cessé d’être les descendants de Babemba Traoré. La honte plutôt que la faim.
Les 5000 agents contractuels ont accepté un travail en deçà de leur compétence. Les conditions sont fixées par décret. Quand on recrute un veilleur de nuit, on ne recrute pas un professeur agrégé. Même s’il s’agit de la même et unique personne.
Aujourd’hui, ils veulent intégrer la fonction publique par effraction. Cela s’appelle purement et simplement de la déloyauté. Ne serait-ce que par ce comportement, ils sont moralement disqualifiés pour tout emploi public.
Combien sont nos cadres dans la fonction publique qui à coups d’arrangements parviennent toujours à retarder leur âge de départ à la retraite ? Le ministre de la Fonction lui-même ne sait le nombre exact. Il est temps de mettre fin à ces dérogations tueuses de patriotisme pour ceux qui n’ont pas les tuyaux pour en bénéficier. Dans tous les pays du monde, l’on n’est content de prendre sa retraite sauf chez nous. Retraite rime avec fin des pots-de-vin donc misère.
Mais, nul doute au Mali, ces agents contractuels seront bel et bien fonctionnaires avec les grades et avancements y afférents. Le Mali est une République bananière. Un concours ou examen de façade sera organisé pour les besoins de la cause !
Voici pourquoi ils auront gain de cause
1- Ils ne sont pas les premiers et ne seront certainement pas les derniers à se faire recruter malhonnêtement dans la fonction publique, mieux à profiter des avancements et autres régularisations indus.
2- Devant le juge, ils auront gain de cause. Souvenez-vous de Maître Fanta Sylla, alors ministre de la Justice, qui a publiquement dit : «La justice malienne est indépendante de tout, sauf de l’argent sale». Une faille sera trouvée par nos «savants» juges dans le décret de 2011 qui fige leur situation. De tous les apprentis qui puissent exister, l’apprenti juriste est le plus dangereux. En corrompant la justice, il gangrène la société entière.
3- Nos soi-disant religieux pourront aussi leur être d’un secours. Conseil utile en partant demander leurs bons offices, ils ne doivent pas oublier de les gratifier de quelques colas, mais surtout de quelques billets. Au fait, joindre l’utile à l’agréable.
4- Démarcher surtout le RPM : Prendre des cartes d’adhésion, faire comme s’ils sont des tisserands sincères. Flatter IBK dans les meetings et autres manifestations. Mande massa est trop sensible aux éloges. Le RPM n’a aucun intérêt à se monter inflexible, car en se montrant intraitable, personne au RPM ne pourra faire à son tour recruter ses éléments de la sorte. Si cela ne marche pas, démarcher une certaine opposition prête aussi à la compromission pour avoir du bétail électoral.
5-Voir les familles «fondatrices» de Bamako. Après tout, leur intervention sera un prétexte pour décanter la situation. Qui sait, peut-être, l’occasion de nouveaux rajouts d’agents contractuels fictifs dont toutes les carrières seront reconstituées en une nuit.
6- Démarcher nos centrales syndicales qui se fichent de vertu. Le gouvernement d’IBK est incapable d’être ferme. Il est foncièrement malhonnête. L’Assemblée nationale ne fera jamais la validation législative du décret de 2011. Nos députés sont incapables de réflexions et de réactions patriotiques.
Soyons clairs :
Les agents contractuels n’ont pas le droit avec eux. Puisque nul ne doit être fonctionnaire par des moyens détournés. Surtout pas par ruse ou fraude. Ils n’ont pas la morale avec eux. Un contrat ne lie pas des bœufs mais des hommes. À ce titre, il doit être respecté. En acceptant de revoir ces contrats, l’État du Mali se mettrait les doigts dans les yeux. Ceux qui trichent pour pouvoir occuper un emploi public ; tricheront toute leur vie.
Mais, c’est la gestion kleptomane des dirigeants actuels faite de surfacturations, d’achats de postes administratifs juteux, qui favorise hélas ce chacun pour soi. Si l’on comprend aisément l’action revendicative des contractuels. On doit la condamner absolument. Il faut, pour que le Mali reste une nation, briser un jour les chaînes de l’inégalité et de la fraude.
Boubacar SOW
boubacarsow@hotmail.fr
M. SOW, je suis totalement d’accord avec votre article. Le Mali est une République bananière où la corruption, le népotisme, le trafic d’influence, la prostitution intellectuelle, la gabegie et la délinquance financière sont de lots courant. En effet, comment comprendre que de vrais intellectuels ou des gens ayant des études supérieures ou universitaires les plus dignes et les plus sérieuses puissent accepter des contrats d’aide secrétaire, de planton,… avec l’Etat sous prétexte fallacieux de pouvoir intégrer frauduleusement un jour la fonction publique d’une part, et d’autre part, être dans la catégorie A. Nulle part au monde si ce n’est au Mali, pour être fonctionnaire de la catégorie A, une seule manière: c’est le concours entre tous les fils et filles du pays. Après quoi, la personne devient l’exemple de sa famille, de ses voisins, de son pays, etc. Ces gens doivent avoir honte de leur demande. L’Etat surtout le Président IBK doit respecter l’égalité de chance entre tous les citoyens du Mali. Les futurs cadres de ce pays doivent entrer par la grande porte de la fonction publique du Mali. Ces gens pour la plupart sont des gens qui ont acheté leur parchemin universitaire. Ils ne peuvent pas se confrontés aux vrais universitaires. Le cas le plus illustratif est le concours d’entrée à l’ENA du Mali. Seuls les plus méritants sont admis. Aucune relation, aucun paiement de sous ne constituent la clé de réussite. Ces gens, s’ils ne sont pas contents de leur situation de contractuels de l’Etat vraiment à cause de Dieu qu’ils renoncent à leur contrat. On travaille pour être heureux et non de pleurnicher chaque jour sur son sort. Ils l’ont voulu et rien ne va changer dans cette situation. En renonçant à leur contrat, les vraies personnes faites pour ce travail auront gain de cause. Ou à défaut, l’Etat doit immédiatement casser leur contrat de travail dans la mesure où s’est bien avéré qu’ils ont des diplômes ou qualifications supérieures par rapport au travail demandé. Dans ce pays d’aujourd’hui vraiment la honte ne tue plus !
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