Contrôle physique des agents de l’éducation : – Quand la mauvaise organisation conduit à la révolte – Une opération politiquement inopportune ?

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Les autorités, les ministères de la fonction publique et des finances, ne pourront pas dire qu’elles n’ont pas été averties après tous ces reportages des média qui ont révélé les difficultés liées au bon fonctionnement de cette opération de contrôle physique des agents de l’Etat surtout ceux de l’éducation. Voilà, exacerbés par la mauvaise organisation, les fonctionnaires des collectivités de l’enseignement fondamental ont sonné la révolte le 3 décembre dernier au Lycée Askia Mohamed, seul centre de contrôle physique et de paiement des établissements secondaires, des Centres d’animation pédagogique (Cap), et de l’Académie de la Rive gauche.

A 10h 19mn plus précisément, les agents des collectivités s’invitent à quitter leur bureau de contrôle pour descendre dans la rue. Raisons invoquées : programmation anarchique, perte de dossiers, magouilles… Par des coups de sifflets et des gestes de la main, presque tous quittent l’entrée du bureau de contrôle. Par ce même geste, ils invitent les agents des établissements secondaires et des Cap à se joindre à eux. Mais, la sollicitation ne fonctionne pas à ce niveau, les agents des établissements secondaires et des Cap n’ont pas réagi favorablement.

Deux heures après soit vers 12h 10mn, les agents des collectivités de l’enseignement fondamental reviennent dans la cour du Lycée Askia avec la ferme volonté de faire arrêter l’opération. Pour atteindre leur objectif, aux coups de sifflet, s’ajoutent les jets de projectiles. Les enseignants des collectivités du fondamental, une minorité quand même, se mettent à jeter tout ce qui leur tombe dans leur main. C’est le toit de la maison qui abrite les contrôleurs et les payeurs qui étaient la cible dans un premier temps, puis la porte de la même maison.

Les agents des établissements secondaires font le vide en prenant la poudre d’escampette. Le renfort de la police est sollicitée pour prêter main forte aux quelques gardes et policiers présents. Il n’y a eu ni bastonnade ni gaz lacrymogène. Le cordon de sécurité mis en place permet aux agents payeurs de quitter les lieux avec les salaires sous une bonne escorte de la police qui, cette fois ci a été plus pédagogique que les pédagogues eux-mêmes.

Quelque part, les agents de la police auront compris d’une part que c’est l’opération de contrôle physique qui est mal pensée mais surtout que le public qu’elle a à faire est un public spécifique, pas comme celui de l’entrée ou de l’intérieur des stades. Pourquoi avoir attendu que la situation se dégénère jusqu’à la révolte ? 48h de déroulement des opérations suffiraient à une autorité responsable et sérieuse pour apporter des changements positifs à son œuvre. Mais ce ne fut pas le cas.

Une semaine après le début des opérations, les difficultés perduraient, les plaintes n’ont pas été entendues. Arriva alors, même s’il faut le déplorer, ce qui devait arriver. La révolte a néanmoins servi à quelque chose, les agents des collectivités des Cap ont été invités à aller se faire contrôler et payer dans leur Centre d’animation pédagogique respectifs et les quinze établissements secondaires plus les fonctionnaires de l’Etat des Cap au Lycée Askia.

En attendant ce que cela va donner comme solution aux problèmes, les agents contrôlés continuent à courir dernière leur salaire du mois de novembre 2014.

  1. SANGARE

 

Les faits et effets collatéraux d’un contrôle physique «bien musclé»

Quand on ne sait ni anticiper ni rectifier un coup mal pensé ou parti, on ne peut aller qu’au mur. C’est ce qui est arrivé à l’opération de contrôle physique des agents de l’Etat et des collectivités de l’éducation du District de Bamako, déclenchée depuis le 25 novembre 2014.

 

Aussitôt contrôlé, aussitôt payé, deux opérations dissociées dès les premiers jours

Le fait de ne pas aller contrôler les agents de l’éducation dans leur établissement et services respectifs pouvait être ramené dans ses proportions si le travail commençait à temps et s’exécutait avec célérité. Malheureusement ce n’était pas le cas. Pire, ceux qui arrivaient à se faire contrôler physiquement après avoir mis la voix et les coudes à l’entrée du bureau ont cessé de se faire payer simultanément. Cet arrêt de l’opération contrôle paiement a créé une nouvelle situation, de nouvelles difficultés.

Puis que les deux opérations avaient lieu dans le même bureau. Ce fut une concentration de personnes devant le bureau. Qui pour se faire contrôler, qui pour se faire payer. Un embouteillage monstre. C’est six jours après que les contrôleurs acceptent de quitter le «bureau dit climatisé», c’est ce qui expliquerait leur sourde présence, pour aller dans une autre salle afin de continuer leur opération. Mais déjà, le retard était consommé et les pressions montées devant l’entrée du bureau de payement n’était plus de nature à faciliter les choses.

 

La ponctualité : une vertu rare au Mali, les contrôleurs ne l’ont pas démenti

Personne ne se souciait des raisons du retard des contrôleurs et des payeurs. ‘’Ils ne viennent pas à  l’heure’’ criaient tout le monde, c’est-à-dire à 7h 30mn heure officielle du début du travail à la fonction publique nationale.

L’opération de contrôle et de paiement commençaient après 9h. Mais, ils ont aussi rarement, pour ne pas dire jamais, arrêté avant 18h 00. Le temps de la pause n’était pas non plus compté. Alors, en mettant tous ces faits de bout en bout, le travail ne se faisait pas normalement. Pourquoi ? Allez-y savoir.

 

Une opération en cache une autre : celle des voleurs de motos

En regroupant des milliers de personnes en même lieu pour une opération de plusieurs jours, on offre l’opportunité aux fauteurs de trouble de profiter de cette situation. Les voleurs de moto ont sévi. Ils auraient dérobé trois motos pendant que les propriétaires se bousculaient pour se faire contrôler ou se faire payer le salaire. Parking ? N’en parle même pas. Il existait mais était saturé. Le reste de la cour du Lycée Askia a servi de parking mais sans gardien. Alors, que de peines.

Parti pour prendre un salaire de moins de 150.000 FCFA pour la plupart des agents, si on se fait chiper un bien d’une valeur supérieure ou égale, c’est comme si le salaire était tombé des poches. C’est aussi cela le Mali où tout va toujours bien à la malienne.

 

La crise des grands malades et des femmes enceintes : Jusqu’à ce que mort s’en suive ?

On a dit contrôle physique non ! Il faut absolument être présent. Même s’il faut venir sur les rotules. Les grands malades et les femmes enceintes en ont souffert, les nourrissons aussi. Ah les pauvres ! Celui qui aurait piqué la crise le jeudi 27 ou le vendredi 28 novembre ne se serait plus relevé. L’annonce de sa mort était sur beaucoup de lèvres le lundi 1er décembre.

Est-ce une simple rumeur pour que les décideurs s’apitoient sur leur sort ou est-ce une triste réalité ? Toujours est-il dit que la femme enceinte s’est évanouie, le lundi 1er décembre, en présence d’un grand nombre de témoins ainsi que le grand malade transporté à califourchon dans des bras amis.

 

Pollution, contact riment avec  contamination : Tous les ingrédients y étaient réunis

Huit Centres d’animation pédagogique, quinze établissements d’enseignement secondaire général et technique, plus les centres des fonctionnaires des collectivités, toutes ces entités regroupées au même endroit suffisent pour imaginer ce que cela peut entraîner comme contact humain en cette période de maladie à virus Ebola. C’était sueur contre sueur. Le ban de poussière soulevée aussi était source de rhume, de picotement des yeux et de toux.

Les déchets de peaux de bananes, de zestes d’orange, les coques d’arachide ou encore les sachets vides d’eau se sont amoncelés en ces lieux. L’opération a causé un véritable problème d’hygiène et d’assainissement au Lycée Askia. Qui payera la facture de nettoyage ? Ce ne sont pas, en tout cas, les agents contrôlés.

 

Quand le malheur des uns fait le bonheur des autres : les marchands d’aliments se sont frotté les mains

Elles ou ils étaient là aussi. Proposant soit des bananes, des arachides, des sachets d’eau fraiche… ces vendeurs en ont eu pour leur compte. Pour tromper leur faim, les agents en attente d’être contrôlés ou payés dépensaient les maigres ressources qui leur restaient avec espoir que le salaire va tomber d’une heure à l’autre. La longue attente a vite amené les uns à dépenser avec modération même si la solidarité aussi était de mise.

D’autres tout simplement venaient de la maison avec leur provision. «A kèra n’tôgnon dan ye» ! Et bons nombre des concernés dits n’avoir pas pardonné ceux qui ont causé ces torts à eux et à leurs proches.

 

Une opération politiquement inopportune ?

La justesse d’une telle opération n’est nullement contestée par personne. Mais, nous nous sommes posé la question à savoir si elle était opportune en ce moment où la crédibilité du régime est mise à rude épreuve. Beaucoup de faits graves et de mensonges ont émaillé cette première année du mandat de Ibrahim Boubacar Kéïta : l’affaire de l’achat d’avion présidentiel (une dépense trop vite réalisée et dans des conditions calamiteuses), de l’achat du matériels militaires et l’avènement du virus Ebola sur notre territoire…

On aurait dû laisser passer cette tempête avant de monter une opération dont rien ne garantit sa bonne fonctionnalité. Encore une fois, les 77 % de confiance se sont effilochés. Les Maliens oublieront-ils de si tôt cette opération ? A condition que l’augmentation de salaires et d’autres réductions de dépenses attendues ne se font sentir plutôt que prévues.

 

Les syndicats aussi en ont pris des coups

Où étaient ces multiples syndicats des enseignements, fondamental, secondaire général et secondaire technique ? Ils ont tout simplement brillé par leur absence. A considérer qu’ils n’ont pas été associé au processus mais ont-ils demandé à y être associés ? Les militants se sont sentis abandonner par leur syndicat. Pour la plupart des militants, les syndicats sont vendus, pour quelques syndicalistes même le département n’a pu changer la manière de faire de cette opération.

 

Autant que les syndicats, des chefs d’établissement et de l’administration scolaire aussi ont ignoré leurs adjoints et leurs subordonnés.

Quand la directrice du Lycée Ba Aminata Diallo était au chevet de ses agents jusqu’à l’épuisement de leur liste, son voisin d’à côté avec son grand nombre de personnel était absent après avoir été servi. Le Lycée Askia est arrivé à faire respecter l’ordre de passage. Le Lycée technique dont l’économe avait la main à la pâte a forcé la programmation pendant que les agents de l’Ecole centrale d’industrie de commerce et d’Administration (ECICA), plus de 250 relevant de la fonction publique de l’Etat, galéraient dans attente injuste.

Contrôlé, ces agents n’ont eu leur salaire que sept ou dix jours après pendant que ceux cités plus haut ont été servi deux ou trois jours après. Un chef doit aussi défendre ses adjoints et ses subordonnés (il y avait également le personnel d’appui) en certaines circonstances.

On pouvait tout simplement faire économie de tous ces désagréments en les minimisant au maximum, en procédant au contrôle dans les services respectifs, comme il y a dix ans.

Rassemblés par D.TS

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