YANFOLILA : Affrontements entre scolaires et indicateurs des douanes

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    Très actifs dans le Wassoulou, des indicateurs y opèrent irrégulièrement. Sans mandat de la hiérarchie douanière, sans formation professionnelle, des individus, parce qu’ils ont des amis parmi les douaniers locaux se permettent d’arborer l’uniforme pour saisir des biens et procéder aux fouilles des personnes. Ils rançonnent les paisibles paysans. Plus grave, ils « giflent » parfois ceux qui refusent d’obtempérer.

    Les exactions exercées sur les populations du Wassoulou par de prétendus douaniers durent depuis des mois sans que personne ne crie au scandale. Les jeunes écoliers de Niessoumala ont décidé, la semaine dernière de mettre le holà. Une interpellation forte des autorités nationales.

    « Je suis à Niéssoumala. Depuis plus de dix ans et je n’ai pas assisté à une scène aussi humiliante. On nous impose un calvaire que nous ne supportons plus. On a décidé, par mesure de protestation, de marquer notre ras-le-bol. Il faut que cette situation cesse pour nous permettre de circuler librement et mener correctement nos activités. Nous avons l’impression d’être des étrangers chez nous. Nous voulons juste un peu plus de considération compte tenu de l’état de pauvreté dans laquelle nous nous trouvons », témoigne un ressortissant de la localité, excédé par le comportement des indicateurs de la douane.

    Le village de Niéssoumala dans la Commune rurale de Gwaniaka est un grand marché à la « confluence » de la Guinée et de la Côte d’Ivoire. Ses populations sont assez dynamiques et entreprenantes, c’est pourquoi chaque jeune paysan, après la récolte, veut disposer de sa moto grosse cylindrée « Dragon » afin de se mettre à la page et surtout de voyager allègrement. C’est un moyen de déplacement assez pratique.

    Mais, aujourd’hui, se déplacer sur un « Dragon » acquis au prix de mille sacrifices est devenu une gageure dans le Wassoulou profond. Pour cause, derrière chaque buisson se cache un indicateur qui guette le moindre vrombissement pour se faire la poche. Comme si acquérir une moto rendait prisonnier son propriétaire dans cette partie du Mali.

    Il y a un peu plus d’une semaine, ce village a été le théâtre d’échauffourées entre écoliers et informateurs, communément appelés indicateurs pour le compte de la douane de Badogo. Cette situation malheureuse fait suite à la saisie de la moto d’un enseignant par des indics au service du poste de douane de Badogo. L’informateur serait allé jusqu’à gifler l’enseignant, s’estimant « outragé » dans l’exercice de « ses fonctions ».
    Cet incident est le énième du genre. « Ces informateurs de la douane ont de l’audace ; ils s’autorisent tout, sans retenue », s’indigne une notabilité qui avertit qu’ils doivent être punis et remis à leur place. Les populations n’entendent plus se laisser faire, car elles ne comprennent pas que des individus sans référence officielle et réputés pour leur fainéantise imposent leur loi.

    Les comportements auxquels se livrent les informateurs de la douane dans le Wassoulou profond (port d’uniforme, érection de barrages, saisie de biens et leurs ventes aux enchères, etc.) n’est ni plus, ni moins qu’une usurpation de titre. Ce qui est puni par les lois en République du Mali et les auteurs poursuivis par la gendarmerie en tout premier lieu en milieu rural. Il est vrai que le Wassoulou, dans sa partie sud, connaît une forte activité de contrebande.

    Indicateurs… de la retenue

    La nouvelle situation, née de l’excès d’autorité des indics et de la complicité des autorités locales, ne fera que raviver l’inquiétude bien manifeste des populations vivant dans cette partie du pays, au point que l’on se demande si les villages perdus du Mali ne sont pas considérés par certains comme des no man’s land. Les indics sont considérés par les douaniers comme leurs yeux et leurs oreilles ; ils leur fournissent des informations précieuses qui leur permettent de bien travailler. C’est pourquoi, dans son organisation interne, la douane prévoit une rémunération pour l’informateur, qui est calculé sur la base d’un pourcentage sur les saisies effectuées. A ce titre l’indicateur ou l’informateur doit absolument travailler dans la discrétion pour éviter les représailles des populations.

    En contrepartie, le douanier se doit de protéger son informateur, sa source d’informations. L’informateur ou l’indicateur à la douane est différent du guide du douanier qui a pour mission d’orienter le douanier dans les zones mal connues de lui. Le travail de celui-ci se fait publiquement ; il travaille étroitement avec la douane et peut se faire recruter en cas de besoin. Certains chefs de bureau, pour pallier le manque d’effectif, prennent l’initiative d’engager des éléments d’appui. Ceux-ci peuvent être des informateurs ou des guides. En tous les cas, ils ne sont pas douaniers et doivent rester loyaux et corrects.
    Au Wassoulou, paradoxalement, les indicateurs violent ces principes et opèrent au grand jour avec parfois de l’uniforme de la douane. Ils circulent sur des grosses cylindrées, pourchassent des jeunes sur lesquels de simples soupçons pèsent pour n’avoir pas dédouané leurs engins ; ils érigent des barrages. Alors qu’ils ne sont pas habilités à le faire, car les dispositions de la douane sont très claires : tout agent opérant à la douane n’est pas habilité à procéder à la saisie ; il faut être assermenté.

    De ce fait, le personnel d’appui de la douane, les guides et les informateurs sont dispensés de ce travail technique et hautement spécialisé. Les informateurs sèment le désordre au Wassoulou et il faut prendre des mesures énergiques pour les ramener à leur rôle strict d’informateurs discrets de la douane. Ils se doivent d’arrêter définitivement leur comportement provocateur et illégal. Un avis qui est parfaitement partagé par beaucoup de personnes œuvrant dans le secteur. « Nous ne comprenons pas le fait que nous payons pour les fautes commises par les commerçants importateurs de Bamako. Ceux-ci ne sont jamais inquiétés et pourtant nous détenons leurs factures acquittées avec toutes les adresses. Nous voulons aussi vivre comme nos frères de génération des villes et ce sont des jeunes comme nous qui se permettent de saisir nos motos sans autorisation ».

    Yaya Sangaré

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