Une vie de mensonge, une mère volage.

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    Ne dit-on pas qu’il n’y a rien de plus sacré qu’une mère ? La mienne en plus d’être sacrée est très belle. Nous sommes deux à voir bénéficié  de l’amour de cette grande dame, Mariam mon ainée et moi.

    Notre mère a toujours été un modèle pour nous. Un modèle de  femme, car très travailleuse. Une épouse, car mariée depuis plus de trente années. Bien qu’étant des enfants issues d’une famille polygame, papa ayant une autre femme, jamais nous n’avions eu le sentiment d’être des étrangères.

    Nous n’avons jamais manqué de quelque chose. Notre père nous  adorait. Mais lorsqu’il est mort, notre vie a basculé. Nous avons compris que nous étions des usurpatrices d’un nom qui n’était pas le notre. L’humiliation fut grande. Découvrir après 30 ans que l’homme qu’on a toujours appelé papa était en réalité un étranger. Et cette humiliation, notre mère l’a vécue à ses dépends. Papa est tombé malade pendant plus de six mois. C’était un homme très riche et puissant. A sa mort, sa famille a souhaité que le corps soit soumis aux cérémonies traditionnelles. Pour d’après eux, permettre au défunt de couper tous les liens avec le monde des vivants. Surtout  ses enfants qu’il a tant aimés. Cette cérémonie était habituelle et simple dans la pratique. Tous ses enfants devaient sauter par-dessus le cercueil pour une ultime séparation d’avec le défunt. C’était dur, mais c’était la tradition. Ce jour-là, la douleur de la séparation se lisait sur tous les visages. Tout le monde pleurait. Les enfants passaient à tour de rôle pour sauter par- dessus le cercueil. Mariam et moi étions cote à cote. Aucune de nous deux n’a réussi à soulever les pieds. Nous étions devenues très lourdes. Les gens murmuraient. Ceux qui dirigeaient la cérémonie nous demandaient de faire vite car le défunt avait besoin de repos. Il fallait qu’il rejoigne l’au-delà en paix. C’était dur, car aussi bien Mariam que moi n’avons pas pu faire le geste. La foule s’est mise à jaser. Ma mère, vu la manière dont nous avons été humiliées, a crié au complot. Les parents ont conclu qu’il y avait un doute sur nos liens avec notre père, car selon eux, si nous n’avons pu sauter le cercueil, c’est que le défunt n’était pas notre père. Mariam et moi n’avons rien compris à ce qui nous était arrivé. Papa n’était-il pas notre vrai père ? Demandais-je à Mariam. Elle, au lieu de répondre, s’est mise à pleurer. Les paraboles allaient bon train. Certains disaient : « quand on prend mari de ses camarades-là, on reste sage… » D’autres disaient : Ibrahim, tu t’es fatigué pour rien. Les enfants-là ne sont pas de toi. Hé Allah ! Ne supportant plus les commentaires, nous sommes rentrées à la maison sans nous rendre au cimetière. Quelle humiliation ! Maman avait sans doute une explication à tout cela. Elle n’aurait pu mentir à un homme qui l’a tant aimée pendant plus de 30 ans ! Une foi à la maison, nous avons voulu en savoir plus. Persuadées que maman avait les réponses, nous l’avons retrouvée dans sa chambre. Elle savait qu’elle nous devait des explications. Maman s’est mise à pleurer.  Elle n’arrivait pas à dire un seul mot. Mariam voulait  qu’on lui laisse le temps. Mais moi je n’avais pas ce temps. Je voulais comprendre maintenant. J’ai juré à ma mère que si je n’avais pas la vérité, j’irais rejoindre mon père en me suicidant. Et elle m’en savait capable. Je voulais la vérité. Sinon, comment affronter les regards lorsque je sortirais de la maison ? Maman en sanglotant nous a raconté que très jeune, elle était très belle et que tous les hommes la voulaient. Consciente de l’effet qu’elle leur faisait, elle en profitait au point de ne plus pouvoir contrôler sa vie. M. Ibrahim, notre père était le mari à sa meilleure amie à l’époque. Lorsque les deux sont tombés amoureux, cela a détruit l’amitié entre les deux copines qui ne voulaient plus se voir. M. Ibrahim a épousé ma mère comme seconde épouse, mais jamais son amie ne lui a pardonné cette trahison. Pendant qu’elle était mariée  à M. Ibrahim elle avait d’autres amants dont le mari à sa collègue, qui est le père de Mariam et après la naissance de Mariam, elle s’est amourachée du mari de sa cousine avec qui elle m’a eu moi. Et tout cela étant marié à Ibrahim. Et M. Ibrahim l’aimait tellement qu’il n’y voyait que du feu. Il a toujours cru que nous étions ses filles et il nous a toujours aimées. En écoutant ma mère, j’étais dégoutée. Je comprenais maintenant pour quoi à 30 ans, rien ne me réussissait. C’est simplement  parce que tout était mensonge autour de moi. J’étais révoltée. Je lui en voulais d’avoir trompé mon père, de nous avoir livrées à la vindicte populaire pour qu’on nous humilie de la sorte. Maintenant que tout était « gâté », je voulais connaitre mon vrai père. Mariam qui pleurait, trouvait  que j’étais trop dure avec maman. Je n’avais  aucune compassion pour elle, car je l’avais toujours prise pour une sainte. Je voulais savoir coute que coute qui était mon père. Ma mère m’a avoué que c’était le père de ma cousine Tata. Un homme tres riche aussi qui vivait avec ma tente et ses huit enfants. Jamais je n’aurais pu imaginer que le père de Tata pouvait être le mien. Quant à Mariam, son vrai père était décédé. J’ai dit à mère que je  voulais le rencontrer. Je connaissais bien sa cousine, mais elle et ma mère ne se fréquentaient pas. Ma mère était contre le fait que je veuille voir  mon père, mais j’étais décidée à y aller. Avec la mère de Tata avec qui il avait eu plusieurs enfants, il  vivait dans un autre quartier. Je me suis rendue là-bas un dimanche matin. A l’entrée de la maison j’ai vu deux frères de Tata. J’ai effectivement remarqué les traits de ressemblance entre nous. J’ai demandé leur père et ils m’ont conduite auprès de lui. C’était un vieil homme un peu malade qui m’a reçu. Lorsque je me suis présentée, il s’est mis à pleurer. Il m’a serrée contre lui et a promis de rattraper le temps perdu. Je lui ai raconté comment ma mère avait été démasquée à l’épreuve du cercueil. Il m’a fait promettre de pardonner à ma mère ses erreurs. Pendant que nous causions, la mère de Tata est arrivée. Elle a compris qu’il y’avait de l’émotion dans l’air, car aussi bien papa que moi avions les larmes aux yeux. Elle voulait en savoir plus. Elle a tellement insisté que mon père lui a enfin dit la vérité après 30 ans, qu’il était vraiment l’amant de sa cousine comme elle l’avait soupçonné à l’époque et qu’un enfant avait même vu le jour. Ma tante n’a pas supporté cet aveu. Elle le voyait comme un affront vis-à-vis d’elle. Elle a juré séance tenante que si je remettais les pieds chez elle, j’en sortirais morte. Je comprenais sa réaction car être trahie par sa propre cousine et découvrir 30 années après que cette trahison avait été couronnée par un enfant était dur à accepter. Mais moi dans tout cela, quelle faute avais-je commise ? Je voulais juste connaître mon vrai père. C’est tout. Ma tante a même juré que si son mari m’inscrivait dans son testament, elle s’en irait de chez lui.

    Mon intention n’était pas d’avoir un héritage, mais apparemment, j’avais réveillé des plaies qui avec le temps avaient réussi à cicatriser. Ma tante a convoqué des réunions de famille ou elle a raconté ce que ma mère lui avait fait. Finalement, j’ai regretté d’être allée là-bas. Ma mère en plus d’avoir perdu son mari était la risée de tous. Sa cousine a fait un tel scandale que la famille a demandé à ma mère que je ne parte plus chez mon père. Que mon père, c’était Ibrahim. Qu’il était mort et qu’il fallait que j’oublie mon autre père. C’est ce que j’ai essayé de faire officiellement. Mais en réalité, lui et moi n’arrêtions pas de se voir ailleurs dès qu’on en avait l’occasion. Il me venait beaucoup en aide jusqu’à son décès. C’est même Tata qui m’a informée de son décès, mais je n’avais pas le droit d’être là-bas au risque de subir une autre humiliation. J’en ai souffert car je voulais l’accompagner à sa dernière demeure. Je dois beaucoup à Tata qui contrairement à sa mère me comprenait. Elle s’est même arrangée pour que je voie le corps de mon père nuitamment afin de lui dire a dieux. Je lui ai même écrit un mot d’amour que j’ai glissé dans ces draps pour lui dire que je l’avais vraiment aimée, même si cela n’a pas duré. Je l’ai senti apaisé car convaincu qu’il m’avait aussi aimée. Aujourd’hui j’en souffre. J’aime ma mère et ces erreurs nous ont rattrapées. Comment lui en vouloir après tout l’amour qu’elle nous a donné ? Je l’aime malgré tout.

     

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