Au Tribunal de la Commune II, l’ex-Banque régionale de solidarité, aujourd’hui Orabank est assignée en justice par un des héritiers de Baba Cissé, du nom Moulaye Idrissa Cissé. Ce dernier reproche à la banque d’avoir accepté de mettre en gage et de vendre leur héritage familial (un immeuble commercial et usage d’habitation situé à Niaréla en Commune II) sans avoir au préalable le consentement des autres héritiers.
De quoi s’agit-il ? A en croire Moulaye Idrissa Cissé, un des héritiers de la famille Cissé, tout est parti, il y a environ 12 ans lorsque son oncle du nom de Bassidiki Cissé a mis en gage auprès de la Banque régionale de solidarité (BRS) actuellement Orabank, le droit de propriété d’un immeuble qui n’est rien d’autre que l’héritage familial de 10 personnes dont son père Tamba Cissé.
“Le jugement d’hérédité de l’audience du 28 mars 1977 est très claire. Il cite explicitement les bénéficiaires de l’héritage de M. Baba Cissé au nombre de 10. Il s’agit, entre autres, de sa veuve Nafatou Touré, ainsi que de ses enfants Fanta, Bassidi, Haoua, Ibrahim, Tamba (il est le père de Moulaye Cissé), Kadidia, Soukeyna, Aminata, Nana et Fatoumata. Et Bassidiki sans pourtant avoir l’aval du reste de la famille a contracté un prêt en mettant en garantie le document de propriété de l’immeuble. Or en droit cela ne peut se faire sans le consentement de tous les autres héritiers de la famille. Donc n’ayant pas pu être en mesure de rembourser la banque, celle-ci a saisi la maison pour la revendre à une société immobilière à 240 millions F CFA”, souligne Moulaye Cissé. Selon lui, c’est au moment où la banque a procédé à la saisie que le pot aux roses fut découvert.
“Dès lors, j’ai porté plainte au nom de la famille niveau du Tribunal de la Commune II pour que nous soyons remis dans nos droits face à cette spoliation, pour la simple raison qu’une seule personne ne peut pas mettre en gage un héritage familial sans l’accord de tous les autres héritiers et ce qui n’a pas été le cas dans cette affaire. Nous ne pouvons pas aussi comprendre pourquoi la BRS a accepté ce document qui n’a pas bénéficié de la caution du reste de la famille”, ajoute Moulaye Cissé. C’est pourquoi, selon lui en partant de ce constat, il a porté plainte contre l’ex-BRS aujourd’hui Orabank pour faux et usage de faux.
“La seule signature de Bassidiki ne peut pas engager tout le reste de la famille, c’est vrai que mon père est décédé bien avant cette opération mais par contre, notre avis aussi compte”, ajoute Moulaye Cissé. A l’en croire, de sa première plainte à aujourd’hui, le dossier n’a pas connu la suite judiciaire qu’il souhaitait. Cependant, il ne baisse pas les bras et veut user de tous les moyens de droit afin que justice leur soit rendue. D’ailleurs, c’est pourquoi, il a introduit tout récemment, une plainte contre Orabank et la société immobilière qui a racheté l’immeuble en question avec la banque afin d’annulation de la vente entre ces deux parties
Approché par nos soins, l’un des responsables de cette société immobilière est catégorique : “Nous n’avons rien à avoir avec cette famille Cissé. Car nous avons acheté cette maison en bonne et dû forme avec la banque en question. D’ailleurs, nous avons même considéré cette opération immobilière comme une perte financière pour la simple raison que depuis que nous avons acheté cette maison en 2007, nous ne parvenons pas à rentabiliser notre investissement. Si nous avons un interlocuteur dans ce dossier c’est bien sûr la banque qui nous a vendu l’endroit, juste vous dire que nous ne sentons pas concerner par cette affaire”. En tout cas, de nos jours, il se trouve que Bassidiki à la base de cette affaire est décédé en 2015 tout comme la plupart de ses frères.
“Sur les 10 héritiers, de nos jours 5 sont vivants et aucun d’eux n’a été informé de l’intention de Bassidiki de mettre l’immeuble en gage”, insiste Moulaye qui se dit se battre au nom de toute la famille Cissé.
Kassoum Théra
Bonjour M. Fama, votre post est d’une très grande utilité et pour le principal concerné et pour les lecteurs que nous sommes. Il m’a permis d’en savoir plus sur l’hypothèque. Je suis publiciste de formation.
Monsieur Cissé, tu a parfaitement raison de te battre pour défendre tes droits et les droits de toute ta famille. L’injustice dont vous êtes victimes est tout simplement révoltante! votre situation est l’ un des parfaits exemples du degré de corruption à ciel ouvert en cours partout au Mali.
Pour t aider dans ton combat, au regard des éléments reportés dans l’article, voici une brève analyse juridique de votre situation. J’essaierai de simplifier des concepts juridiques parfois complexes pour un profane en droit. Pour cela, j’emploierai des mots simples autant que possible en espérant y arriver. Désolé d’avance si ce n’est pas le cas.
1. Rappel des faits et leur qualification juridique:
La maison héritée en 1977 par ton papa et ses frères et sœurs (paix aux âmes des défunts) est un bien indivis ou plus exactement, il s’agit d’ un bien en indivision successorale. Cela signifie juridiquement qu’il s’agit d’un bien (on l’occurrence d’un bien immobilier = la maison) dont la propriété appartient à toute la fratrie de ton père. Autrement dit, la maison appartient en même à ton père, à tous tes oncles et à toutes tes tantes. Ils sont tous propriétaires de la même maison reçue en héritage de ton grand-père. Les personnes se trouvant en situation d’indivision sont appelées les indivisaires ou les coïndivisaires.
Ton père et ses frères et sœurs (tes oncles et tes tantes donc) détiennent chacun une portion de droit, appelée quote-part, sur cette maison familiale même si malheureusement, en vertu du droit coutumier et religieux auxquels fait expressément référence l’article 751 de notre code (très archaïque) des personnes et de la famille, les héritiers du sexe masculin (ici ton père et tes oncles) ont plus de droits sur cette maison que les héritières du sexe féminin (pardon pour la tautologie), ici tes tantes.
En droit successoral (c’est à dire en droit de l’héritage) malien le principe est donc l’égalité parfaite de droit entre les héritiers masculins. Ton père avait donc exactement les mêmes droits et les mêmes devoirs sur cette maison que tes oncles.
2. Problème de droit soulevé par votre litige
La question de droit qui est soulevée par votre affaire est de savoir si ton oncle Bassidiki (un indivisaire) avait le droit à lui tout seul de constituer l’hypothèque sur cette maison familiale sans l’accord de ses autres frères et sœurs (les autres coïndivisaires). Avant de répondre à cette question essentielle, il faut d’abord garder à l’esprit que l’hypothèque est le fait de donner en garantie à ses créanciers (c’est à dire à quelqu’un à qui on doit quelque chose) un bien immobilier. Contrairement à ce qui est mentionné dans l’article, dans ton cas il s’agit bien d’une hypothèque et non d’un gage. Le gage concerne uniquement le dépôt en garantie d’un bien mobilier (ex la voiture).
Dans ton cas, ton oncle a donc seul hypothéquer la maison familiale auprès de la banque BRS en guise de garantie pour pouvoir obtenir un crédit auprès de cette banque. Ton oncle en avait-il le droit? Bassidiki avait t-il le pouvoir de faire cela à lui seul sans l’accord de ses autres frères et sœurs? La réponse est claire et nette: NON! En effet selon l’article 852 de notre code des personnes et de la famille: “les actes de disposition relatifs aux biens indivis requièrent le consentement de tous les indivisaires”. Donc selon la loi, pour tout ce qui concerne les actes de disposition c’est dire les actes tellement graves qu’ils peuvent entrainer la disparition ou la perte de la propriété du bien (comme par exemple le fait de vendre , donner ou hypothéquer un maison) il faut l’accord unanime de tous les coïndivisaires. En clair, avant de donner en hypothèque à la BRS la maison familiale reçue en héritage, ton oncle aurait dû d’abord demander et surtout obtenir l’accord de tous ses autres frères et soeurs. Dans ta situation, ton oncle Bassidiki a manifestement violé cette règle de l’unanimité. Il n’a donc pas respecté la loi.
Ce 1er constat soulève une autre sous-question: quelle est la sanction encourue face à une hypothèque constituée par un seul indivisaire (ici ton oncle) au profit d’un de ses créanciers personnels? Autrement dit, est-ce que l’hypothèque (le fait de donner à quelqu’un une maison en garantie) accordée à l’époque par ton oncle tout seul à la BRS est nulle ou valide? En réalité, puisque ton oncle n’a pas obtenu l’accord de ses autres frères et sœurs pour hypothéquer la maison familiale, la loi considère que Bassidiki a simplement hypothéquer auprès de la banque sa seule quote-part c’est à dire uniquement sa seule portion (partie) de droit dont il était titulaire sur cette maison familiale. Il n’a en aucun cas hypothéquer toute la maison car la maison dans son intégralité ne lui appartenait pas. Donc de la même manière qu’on a pas le droit et le pouvoir de vendre seul quelque chose qui ne nous pas appartient totalement à nous tout seul, on n’a pas le droit d’hypothéquer un immeuble (la maison) dont on est pas le seul propriétaire.
Une fois qu’on dit cela, une nouvelle question jaillit. Puisque manifestement ton oncle n’a pas remboursé le crédit de la BSR, est-ce que cette banque avait le droit de saisir directement la part de droit appartenant à Bassidiki dans la maison familiale? Ou encore la BSR avait-elle le droit de saisir directement toute la maison familiale? Là aussi, la réponse est clairement NON! L’alinéa 2 (c’est-à dire le paragraphe 2) de l’article 866 de notre code des personnes et de la famille dispose sans ambage en effet que “les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis meubles ou immeubles”. Donc la BSR n’avait même le droit de saisir directement la partie des droits indivis qui appartenait à son débiteur (à ton oncle) a fortiori la banque n’avait pas du tout le droit de saisir directement la maison familiale dans sa totalité! La saisie opérée par la BSR était donc clairement illégale.
Qu’aurait pu et dû faire la BRS? Selon l’alinéa 3 de l’article 866 précité, cette banque avait simplement la possibilité de demander au tribunal de grande instance de Bamako de statuer sur le partage de la maison familiale. Une fois le partage de la maison réalisée, la BRS aurait alors pu mettre la main directement sur la partie de la maison attribuée à son débiteur c’est à ton oncle Bassidiki. De la même manière si le partage devait se traduire par la vente de la maison, la BSR avait le droit de saisir directement la partie de la somme attribuée à son débiteur c’est à dire ton oncle Bassidiki. Après le partage en nature ou en valeur de la maison, la BSR avait le droit de saisir uniquement la part de son débiteur, Bassidiki, car elle n’avait de dette qu’à l’égard de ce dernier. Ton père et tes autres oncles et tantes n’ont rien avoir dans cette histoire. Ce n’était pas à eux de payer la dette de la banque à la place de leur frère.
Autre point important: Légalement, comme indiqué ci-dessus, la banque n’avait le droit de saisir directement la maison familiale. Il faut savoir également que même à la demande de la BSR, si le tribunal a ordonné le partage de la maison familiale (cela se fait généralement par une vente aux enchères), avant que cette vente forcée de la maison n’ait lieu, la loi impose au notaire ou à l’avocat chargé de cette vente aux enchère d’ informer tous les autres coïndivisaires de cette vente imposée par la justice. Tout le monde doit être mis au courant de cette vente forcée au moins 1 mois avant la date fixée pour cette vente. Ton père comme tous tes oncles et tantes auraient donc dû avoir été mis au courant 1 mois à l’avance avant la vente aux enchère de l’héritage familial. L’objectif recherché par le législateur est de leur permettre éventuellement d’acheter la quote-part de ton oncle Bassidiki. Cela aurait permis que la maison laissée en héritage par votre grand-père reste toujours la propriété d’au moins de quelqu’un de votre famille. En l’occurrence, d’après ton témoignage, ton père et ses autres frères et sœurs coïndivisaires n’ont pas été correctement informés de cette vente aux enchères. Quelle est la sanction encourue en cas d’absence d’information des autres indivisaires concernant la vente forcée du bien indivis? La réponse à cette question est clairement indiquée à l’alinéa 2 de l’article 865 de notre code des personnes et de la famille: “est nulle, toute cession ou toute licitation opérée au mépris des dispositions des articles 863 et 864”. Selon la loi, une telle vente est purement et simplement nulle. La nullité d’un acte (l’adjectif nul; le nom = nullité) est la sanction la plus grave et la plus radicale en droit. La nullité est c’est la sanction d’un acte qui ne remplit pas toutes les conditions requises par la loi pour sa validité. Par exemple quand on dit qu’une vente est juridiquement nulle, cela signifie que les toutes conditions exigées par la loi pour la validité de cette vente n’ont pas été remplies au moment ou le contrat de vente a été conclu entre le vendeur et l’acheteur. Puisque la vente est nulle, chacune des parties doit restituer à l’autre ce qu’il a reçu. En d’autre termes, dans ta situation dans la mesure où ton père, tes oncles et tantes n’ont pas été informés 1 mois à l’avance avant la date de la vente aux enchères de leur maison, la vente conclue entre l’agence immobilière et la BRS encourait donc la nullité. Ton père de son vivant ou toi-même en tant que son fils héritier tout comme tes oncles et tantes ont parfaitement le droit d’attaquer en justice les parties à cette vente (ici banque mais aussi la société immobilière) pour demander l’anéantissement pur et simple de la vente de la maison familiale. Toutefois, la loi précise que le délai pour attaquer en justice cette vente est de 5 ans. Il commence à courir à partir du jour de la vente de votre maison familiale ou au jour où vous avez découvert cette opération si elle vous été cachée. Tu as donc bien fait d’attaquer la banque dès que tu a appris cette situation honteuse.
Enfin, sache également que de manière générale, la loi et les juges sont habituellement très sevères envers les banques. Celles-ci ont notamment l’obligation de procéder à des vérifications approfondies concernant les biens qui leur donné en garantie comme par exemple la maison hypothéquée dans votre cas. Le banquier doit s’assurer notamment de l’authenticité des titres de propriété; il a donc un devoir de vigilance renforcé en tant que professionnel. Le banquier a également un devoir d’information, de conseil et de mise en garde à l’égard de ses clients. En l’occurrence, la BSR devenue ORABANK a apparemment manqué à ces obligations précitées. Également, le juge qui a ordonné la vente forcée ainsi que notaire ou le commissaire priseur ou encore l’avocat qui a été mandaté par la justice pour chapeauter la vente aux enchères de votre maison familiale ont tous bafoué la loi. C’est triste mais hélas on est au Mali où comme l’a justement dit une ministre “la justice est indépendante de tout sauf de l’argent”! Helas!
En tout cas bravo et courage à toi dans ton noble combat. Ton cher Papa est fier de toi là où il est. Allah ki démè!
Ps: Je m’excuse d’avance auprès de toute personne qui lira ce long post. Mais je voulais à mon humble niveau tenter de venir en aide à notre frère Cissé. Rien n’est pire dans ce genre de combat que le sentiment de solitude. Cissé, tu n’es pas seul dans ce combat. Toute ta famille est avec toi; nous sommes tous avec toi!
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