Dans notre édition d’hier, le décor a été campé concernant la prolifération des bars-restaurants avec son corollaire de développement du marché de l’alcool, du sexe et de la drogue. Il semble bien, à première vue, qu’un laisser-aller caractérise ce secteur d’activités. Ce qui est loin d’être vrai car des dispositions contraignantes existent bien pour faire face au phénomène. Alors, qu’est-ce qui a bien pu se passer pour qu’on en arrive cette la situation déplorable ?
Au Mali, il n’y a aucun texte qui interdit l’ouverture d’un bar, mais de là à l’implanter au voisinage des habitations, c’est une atteinte grave à la pudeur du citoyen. Un chef de famille raconte que, le matin, en allant à l’école, ses enfants butent sur les préservatifs déjà utilisés et jetés négligemment un peu partout devant la porte de sa maison jouxtant un bar à l’ACI 2000.
Pourtant, à l’Office malien du tourisme et de l’hôtellerie (OMATHO), on déclare faire respecter strictement la loi régissant l’ouverture d’un bar ou tout autre établissement hôtelier. " Aucun établissement de tourisme ne peut être établi à proximité des édifices ci-après : les lieux de culte, les cimetières, les établissements scolaires, les établissements hospitaliers et centres de santé et les casernes. Un établissement de tourisme ne peut être établi entre deux maisons d’habitation ou à proximité de maisons d’habitation s’il est de nature à créer des nuisances du voisinage ". Les textes sont clairs, mais allez-y faire un tour en ville pour savoir si vraiment cette disposition est appliquée.
Au demeurant, dans ce texte, la distance réglementaire n’est pas précisée, notamment par rapport aux édifices et habitations cités plus haut.
A l’OMATHO, on estime qu’un bar restaurant est avant tout un établissement commercial qui offre des repas et des boissons. Il peut aussi offrir des services de distraction et d’animation. Les conditions d’ouverture d’un bar restaurant ne sont pas différentes de celles d’un hôtel. Il s’ensuit que toute personne qui se propose de construire un établissement de tourisme, de transformer ou d’aménager un bâtiment en établissement de tourisme, doit au préalable faire agréer son projet. Les conditions à remplir sont très explicites : un extrait du casier judiciaire du promoteur, un plan de situation, de masse, de distribution intérieure, d’évacuation des eaux usées et un plan des installations de sécurité. Il faut aussi ajouter l’enquête de moralité menée sur chaque candidat par les autorités de police judiciaire, en vue d’établir son profil et voir éventuellement s’il est apte à ouvrir de tels établissements.
A l’Office malien du tourisme et de l’hôtellerie, on estime qu’il est formellement interdit de vendre ou de consommer de l’alcool dans les restaurants (qui ne sont pas des bars en même temps) ou encore de le faire transporter par des enfants. Ce qui, de toute façon, n’est pas le cas dans beaucoup de ces établissements.
La présence des filles de joie dans les alentours des bars est aussi formellement interdite. Cela relève du domaine du racolage puni par la loi. Tout comme la forte sonorité des boites à musique y est prohibée. La musique qui s’y joue ne doit pas empêcher les clients de causer entre eux ou de se reposer, nous a-t-on fait savoir. " Lorsqu’un bar enfreint la réglementation et est de nature à porter nuisance à la population, il est automatiquement fermé. A chaque fois qu’on est saisi d’une plainte, on va sur le terrain" précise notre interlocuteur. Cependant, pour surprendre certains indélicats promoteurs, l’OMATHO passe par des informateurs qui épient en permanence les moindres gestes et mouvements suspects afin de rendre compte.
En raison de la prolifération de ces établissements dans presque tous les quartiers de Bamako et jusque dans les coins les plus retirés de la ville, à un rythme effréné, l’OMATHO a, semble t-il, cru bon de faire loger un agent de ses services dans presque chaque quartier. Deux agents même dans les quartiers à très forte concentration de bars, restaurants et hôtels, pour que ceux-ci surveillent régulièrement les activités desdits établissements.
La fermeture peut intervenir lorsque les conditions d’hygiène, d’assainissement et de sécurité ne sont pas conformes aux normes prescrites. Il en est de même pour l’établissement qui ne procède pas à la déclaration et au reversement de la taxe touristique ou si l’activité exercée ne correspond pas à celle pour laquelle l’agrément a été accordé.
La présence des prostituées sur les grandes artères ou à proximité des hôtels et des sites touristiques est un sujet qui est constamment revenu sur les lèvres de la plupart de nos interlocuteurs. Mais il faut reconnaître que les péripatéticiennes sont têtues, surtout lorsqu’il s’agit de leur ôter le pain de la bouche. Elles continuent de hanter les rues et les alentours des établissements hôteliers et touristiques.
A ce sujet, l’OMATHO a dégagé toute responsabilité et avoue avoir toujours sollicité l’intervention de la police nationale chaque fois qu’il a été fait cas de la présence de ces filles devant les bars. " Mais à partir du moment où ces filles ne sont pas devant les bars, mais dans la rue, il appartient à d’autres structures compétentes de les traquer", a déclaré un cadre de l’OMATHO.
Gestion des bars et restaurants chinois
Au cours d’une rencontre d’information tenue il y a quelques mois de cela à l’office malien du tourisme et de l’hôtellerie, les promoteurs de bars et restaurants chinois ont été sommés de respecter la législation en cours dans notre pays en matière de gestion d’un établissement hôtelier. Sous peine de subir une sanction dont la conséquence sera la fermeture pure et simple de l’établissement.
La rencontre avait réuni des responsables et militants de l’association des Chinois résidant au Mali et de nombreux promoteurs de bars. Il est à noter que Bamako compte plus d’une cinquantaine de bars chinois. Beaucoup d’autres pullulent à travers la ville sans que, souvent, les conditions régissant leur ouverture soient respectées. Des plaintes les concernant sont régulièrement adressées à l’Omatho soit par des associations ou organisations religieuses soit par des associations pour la défense des droits des enfants, pour exiger de ces établissements le respect de nos us et coutumes.
Le Directeur de l’OMATHO avait fait remarquer, au cours de cette rencontre que " toute ouverture d’un hôtel ou d’un bar doit être sanctionnée d’un agrément et toute ouverture sans agrément est une atteinte à la loi ". L’agrément est donné à une personne physique, responsable devant l’administration. Le problème, dira M. Touré de l’OMATHO, est que beaucoup de personnes exploitent à la fois le même agrément sans que l’Office du tourisme et de l’hôtellerie en soit informé. En ce sens que celui au nom duquel l’agrément est délivré, en retournant chez lui en Chine, cède sa place à l’un de ses compatriotes qui continue à gérer le même établissement. Une situation qui crée une terrible confusion dans laquelle l’administration se retrouve sans interlocuteur fiable. Cette pratique doit immédiatement cesser, a-t-il réaffirmé, avant d’ajouter qu’aucun promoteur n’a le droit de confier son agrément à une tierce personne sans l’aval de la structure spécialisée.
L’autre problème relevé et auquel l’Omatho se trouve régulièrement exposé, est le non respect par les promoteurs chinois des lieux d’emplacement de leurs établissements. Ceux-ci changent constamment de quartier et sont difficiles à repérer. L’exhibition des filles de joie dans les hôtels ou à leur devanture, a également été condamnée au cours de la rencontre. Il a été clairement notifié aux promoteurs d’y mettre un terme et de se conformer aux us et coutumes en vigueur dans notre pays.
Notre interlocuteur n’a pas voulu nommer les établissements qui ont la charge de traquer les prostituées dans les rues, mais nous avons compris pour filer rapidement à la Brigade des mœurs.
Brigade des mœurs : pas moins d’une vingtaine de prostituées arrêtées puis fichées.
Le commandant de la Brigade des mœurs nous a rappelé, qu’en 2005, sa structure avait procédé à un recensement exhaustif des bars et restaurants dans le district de Bamako. Au cours duquel, un certain nombre de bars, qui se trouvaient en net déphasage avec la réglementation en cours dans notre pays, avaient été fermés. D’autres bars restaurants ouverts à proximité d’établissements scolaires ont aussi fait l’objet de fermeture.
La patronne des lieux, Ami Kane, de nous dire que plus de 80% des bars ont un agrément, donc habilités à tourner. Elle indique que sa structure mène régulièrement des contrôles de routine dans différents bars de la place et au cours desquels certains, pris en flagrant délit, sont fermés. Récemment, certains ont d’ailleurs été fermés pour avoir comme pratique de filmer les clients dans leurs chambres. Les promoteurs de ces bars incriminés ont été déférés au parquet. Les filles qui vont pour racoler ou interpeller les hommes sont arrêtées et fichées, a indiqué pour sa part Ami Kane. Et qui ajoute, qu’à chaque descente de la police dans la ville, elle peut appréhender plus d’une vingtaine de prostituées surprises au bord des routes ou auprès des bars. " Tout bar ne correspondant pas aux normes en vigueur est aussitôt fermé. Mais seulement, les gérants ne coopèrent pas " déplore Ami Kane.
Ceci pose la grosse difficulté à laquelle les éléments de la police sont confrontés. Quand une patrouille de police pointe le nez, les jeunes filles disparaissent comme par enchantement, aidées en cela par la complicité des gérants, déplore un agent de la police. Parfois même, c’est le gérant du bar qui ferme son établissement et disparait à chaque descente des agents, sous peine d’être découvert. Parce qu’il n’est pas en règle.
Abdoulaye DIARRA