Adama Guindo et Moussa Tangara étaient devant les jurés, le jeudi 16 septembre 2021, pour faux en écriture, abus de confiance, escroquerie et complicité. Reconnu non coupable, Moussa Tangara a été acquitté. Par contre, Adama Guindo a été reconnu coupable et condamné au paiement de la somme de 1 220 000 Fcfa. Pour non comparution, Djénèba Diakité et Mamadou Diallo écopent de 10 ans d’emprisonnement.
Il résulte de l’information les faits suivants : le 10 mars 2009, lors d’un contrôle inopiné à l’agence de la Bank of Africa de Badalabougou, le service général de la Banque a constaté un manquant de 77 500 900 (soixante-dix-sept millions cinq cent mille neuf-cent) Fcfa au niveau de la caisse réserve tenue par Moussa Tangara.
Plusieurs autres opérations ont porté sur les annulations de versements effectuées par le chef d’agence, Djénèba Diakité, et les souches des chèques de guichet au cours de la période allant du 1er janvier au 11 mars 2009.
Sur la base du rapport de contrôle et des réclamations provenant de titulaires de comptes domiciliés à l’agence Badala, la Direction générale de la BOA a porté plainte devant le commandant de la Brigade d’investigations judiciaires de Bamako contre Djénèba Diakité, Moussa Tangara et Mamadou Diallo, respectivement chef d’agence, caissier et guichetier, tous en service à l’agence Badala, pour le détournement de la somme de plus de 138 millions de Fcfa au préjudice de la Banque.
Au cours de son enquête, la Brigade d’investigations judiciaires a été également saisie de faits d’escroquerie contre Djénèba Diakité en sa qualité de dirigeante d’une entreprise, une SARL dénommée “Dado-Negoce” et portant sur la somme de plus de 59 millions de Fcfa au préjudice de la dame Fanta Théra.
Les investigations menées sur ces différentes affaires ont conduit à l’interpellation du président directeur général de “Soipres-sa” Adama Guindo, une obscure relation d’affaire de Djénèba Diakité.
Sans y être convié, Adama Guindo s’était mis dans la perspective de rembourser intégralement les montants des fraudes bancaires et escroqueries reprochées à Djénèba Diakité. Il a systématiquement tiré sur les comptes n°04011, 30194, 80005 et 87400 respectivement ouverts à Ecobank, BRS, BCI et BCS des chèques de plusieurs dizaines de millions de Fcfa, tous demeurés impayés, faute de provision.
Moussa Tangara, caissier chargé cumulativement de la caisse réserve et d’une caisse divisionnaire à l’agence Badala, au moment des faits, n’a pas reconnu les faits d’abus de confiance et complicité de faux en écriture qui lui sont reprochés.
Il a tout de même admis que le montant de 77 500 900 Fcfa décelé au niveau de la caisse principale lors du contrôle inopiné du 10 mars 2009 constituait en réalité le cumul de divers paiements frauduleux perpétrés par la cheffe d’agence, Djénèba Diakité. Sur instigation de la responsable de l’agence, il déclare avoir accepté de compenser ces écarts en prélevant directement le montant correspondant sur la caisse réserve.
Il reconnait, en outre, avoir sciemment menti aux contrôleurs en affirmant que ledit manquant représentait la valeur de deux chèques tirés sur le compte d’un client du nom de Baba Coulibaly. Il a établi par la suite les deux chèques au nom de Baba Coulibaly comportant des imitations de signature.
Dans ces explications, il apparaît clairement que le prélèvement des sommes concernées a été effectué sans aucune pièce justificative. La conduite du caissier principale consistant non seulement à cacher aux contrôleurs le caractère frauduleux de l’opération, mais aussi à leur fournir de faux justificatifs, est de nature à le compromettre.
C’est donc bien à propos que le contrôleur Mamadou Fadjigui Diarra a estimé, lors de sa déposition, que les fraudes bancaires reprochées à la cheffe d’agence ont été commises de connivence avec le caissier principal, Moussa Tangara. Les fraudes bancaires évoquées par Moussa Tangara concernent à la fois des retraits frauduleux de fonds sur les comptes bancaires des clients et des annulations factices des versements faits par les clients.
Le premier cas caractérisé par l’usage de chèques “omnibus” ou chèques de guichet permettait à la cheffe d’agence, Djénèba Diakité, d’opérer des retraits frauduleux avec imitation de signature du client dont le compte bancaire était illégitimement ponctionné. Plusieurs de ces chèques de guichet ne comportaient que le numéro du compte à ponctionner, sans aucune signature du titulaire du compte.
Lors de son rapport d’étape, le service du contrôle général de la Banque a eu à recenser vingt-trois cas de retraits frauduleux, au nombre desquels les opérations objets des chèques n°87151 sur le compte de Fanta Diallo, n°87195 au nom de Mediacom, n°87166 sur le compte de Kadara Sylla et les n°87220, 87162, 87168 au nom de Kasli Gold sont assez systématiques.
Fanta Diallo, une Malienne résidant au Gabon, explique qu’elle l’avait comme gestionnaire de son compte n°25075119401-04 dans les livres de l’agence Badala.
En effet, Djénèba Diakité lui avait suggéré d’envoyer directement les fonds par transfert habituel lorsqu’elle a voulu ouvrir un compte d’épargne. C’est dans ces conditions qu’elle a eu à envoyer à Djénèba Diakité la somme de 19 500 000 Fcfa.
Aux dires de Erdogan Ulusoy, de nationalité turque, titulaire d’un compte à l’agence Badala ouvert au nom de la société Kasli Gold, la cheffe d’agence, Djénèba Diakité, l’avait convaincu que sa banque, en partenariat avec la Banque mondiale, avait mis en place un nouveau produit qui pouvait lui rapporter un intérêt de 500 000 Fcfa par semaine pour chaque dépôt de 10 millions Fcfa. C’est dans ce contexte qu’il a remis à Djénèba Diakité la somme de plus de 265 millions de Fcfa. C’est seulement après la divulgation de l’implication de Djénèba Diakité dans une fraude bancaire qu’il s’est décidé à réclamer ses fonds. C’est dans cette perspective que Djénèba Diakité lui a remis un chèque de 20 millions Fcfa tiré sur le compte de la société Soipres à la BRS. Ledit chèque s’étant révélé sans provisions, il s’est rendu au domicile de Djénèba Diakité où il a rencontré le Pdg de la Soipres, Adama Guindo, le tireur du chèque sans provision.Au cours de l’enquête de police, Djénèba Diakité est parvenue à s’échapper en quittant le territoire national dans des conditions non élucidées.
Au cours de ce procès, pour s’être présenté et pour manque de preuve établie contre lui, Moussa Tangara, le caissier, a été acquitté des charges. Adama Guindo doit payer 1 220 000 Fcfa d’amende. Quant à Djénèba Diakité, la cheffe d’agence et Mamadou Diallo, pour leur absence à la barre, ont été jugés par contumace et condamnés à 10 ans de réclusion criminelle.
Marie DEMBELE