Poursuivis pour assassinat et complicité d’assassinat : Aboubacar Tandina, Bintou Traoré et Karamoko Camara jugés par contumace à la peine de mort Aboubacar Diallo et Bréhima Camara acquittés

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    Poursuivis pour assassinat et complicité d’assassinat, Aboubacar Tandina (cultivateur, domicilié à Mopti  né vers  1992 à Mopti), Aboubacar Diallo (commerçant  domicilié à Mopti, né vers 1996 à Haoussa Filany, cercle de Gao), Bréhima Camara (transporteur, domicilié à Mopti, né vers 1963 à Kita), Bintou Traoré (ménagère, domiciliée à Mopti, née vers 1980 à Bamako, épouse de Bréhima Camara), Karamoko Camara (né vers 1995 à Mopti, fils de Bréhima Camara) ont été jugés le  25 juin 2021 par la Cour d’assises de Mopti. N’ayant pas comparu, Aboubacar Tandina, Bintou Traoré et Karamoko Camara ont été condamné à la peine de mort. Aboubacar Diallo et Bréhima Camara ont été innocentés. De quoi s’agit-il ?

    Il ressort du dossier que dans la nuit du 12 au 13 octobre 2017, Alassane Diop (tailleur de son état), après son travail sollicitait un ami pour se faire déposer  à la maison. Celui-ci en panne de carburant, déposa Alassane Diop en cours de route afin qu’il continue le reste du trajet à pied. Chemin faisant, il fut interpellé par Aboubacar Diallo, Aboubacar Tandina et autres qui, après l’avoir accusé de vol, l’aspergèrent d’essence avant de le brûler vif. Secouru par des tiers et transporté d’urgence à l’hôpital Sominé Dolo de Sévaré, il décéda le 17 octobre 2017 à 1 h du matin. Suivant plainte de Soumaïla Kanta, la Brigade de gendarmerie de Mopti dressa le PV n° 81 du  26 octobre 2017 et les mis en cause ont été conduits devant le parquet près le Tribunal de Mopti qui a requis l’ouverture d’une information judiciaire à leur encontre.

    Les inculpés Aboubacar Diallo, Aboubacar Tandina ont nié les faits tout au long de la procédure. Ils ont soutenu que la victime était l’un des voleurs pourchassés et brûlés par la foule. Ils ont reconnu à l’enquête préliminaire leur participation à la commission des faits et justifié leur comportement par leur qualité de victimes de vol ou de  tentative de vol.

    Ils ont ajouté que leur Brigade de vigilance est à l’origine du forfait. Les inculpés Bréhima Camara, Karamoko Camara et Bintou Traoré ont nié les faits à eux reprochés. Ils ont soutenu qu’ils n’étaient pas sur le lieu du crime à fortiori y participé. Ils ont été alertés par la clameur publique comme tout le voisinage.

    Cependant, les faits d’assassinat se sont déroulés sur la place publique le “Tibo”, non loin du fleuve où la victime s’est jetée dans pour échapper aux flammes. Ensuite, la victime a été sortie de l’eau pour être mise dans une maison abandonnée par les auteurs parmi lesquels elle a identifié Yoro alias Yorobo. Au cours de l’enquête, la police a voulu interpeller Yorobo qui s’est réfugié au domicile de Bréhima Camara sous la protection de Bintou Traoré. Yorobo est demeuré introuvable depuis.

    Karamoko Camara, un des enfants de Bréhima Camara, était présent. Dès lors, il y a lieu de déclarer charges suffisantes contre Aboubacar Diallo  et Aboubacar Tandina, d’avoir à Tibo (Mopti), courant octobre 2017, en tout cas depuis moins de 10 ans, donné la mort par immolation à Alassane Diop qu’ils suspecteraient de vol. Avec cette circonstance, ledit crime a été commis avec préméditation et en bande.

    Bréhima Camara, Bintou Traoré et Karamoko Camara de s’être à Tibo (Mopti) courant octobre 2017 en tout cas depuis moins de 10 ans rendus complices du crime d’assassinat reproché à Aboubacar Diallo et Aboubacar Tandina, notamment en leur apportant aide et assistance, faits prévus et punis par les articles 199, 200, 24  du code pénal. Considérant que ces faits peuvent donner lieu à l’application de peine criminelle. Les bulletins n°2 des inculpés attestent qu’ils n’ont pas fait l’objet de condamnation antérieure de même que les renseignements recueillis sur le compte de leurs personnalités, leur sont favorables.

    Les certificats d’expertise mentale versés au dossier attestent qu’ils ne souffrent d’aucune anomalie physique et psychique de nature à influer sur leur responsabilité pénale.

    Par ces motifs, la Cour, vidant son délibéré conformément à la loi, statuant en chambre du conseil, en matière criminelle et en dernier ressort, déclare suffisamment établi à l’égard des inculpés Aboubacar Tandina, Aboubacar Diallo, Bréhima Camara, Bintou Traoré et Karamoko Camara, les préventions des faits ci-dessus spécifiés  et qualifiés. Après avoir prononcé leur mise en accusation en raison de ces mêmes faits, la Cour a décerné contre eux ordonnance de prise de corps et les renvois devant la Cour d’assises de Mopti pour y être jugés conformément à la loi.

    Devant les juges, Aboubacar Diallo a expliqué les faits tels que décrits dans l’arrêt de renvoi. Mais il n’a pas reconnu sa participation au lynchage d’Alassane qu’il ne connaissait pas. Il a soutenu qu’il lui a seulement donné deux gifles avant de retourner chez lui. Et il ne sait pas qui l’a aspergé d’essence. Sur ce, Aboubacar Diallo s’est évanoui avant de tomber par terre. Revenu à lui-même, le juge lui demanda s’il avait identifié quelqu’un dans la foule qui lynchait la victime et s’il connaissait Aboubacar Tandina, Bréhima Camara et autres ? Il a dit qu’il ne connait aucune de ces personnes citées. Comment a-t-il appris que la victime a été brûlée ? Il a répondu qu’il a appris la nouvelle avec les enfants qui venaient faire des achats dans sa boutique. Il a dit au juge qu’il ne croit toujours pas à la mort d’Alassane Diop parce qu’il n’a pas vu son corps.

    Interrogé sur sa participation au crime, Bréhima Camara a dit qu’il ne sait rien de cette affaire. Il a expliqué qu’il a été emprisonné parce qu’il est intervenu pour calmer la population qui s’attaquait à la police venue faire des enquêtes, 20 jours après la mort d’Alassane Diop. Il a dit qu’il lui a été signifié qu’il a aidé Yorobo à fuir alors qu’il ne connaît même ce dernier.

    Moussa Traoré charge les accusés

    Moussa Traoré, le patron d’Alassane Diop, qui s’est constitué partie civile, a expliqué aux juges qu’Alassane Diop avait un différend avec Yorobo à propos de la couture de la tenue de la copine de ce dernier. Yorobo avait une dent contre Alassane Diop qui n’avait pas pu coudre l’habit en question. C’est ainsi qu’il a monté un coup contre son collègue.

    A ses dires, Yorobo connaissait bien Alassane Diop car ils prenaient souvent le thé ensemble. C’est quand il est parti voir Alassane, ce dernier lui aurait dit le nom de Yorobo et Aboubacar Tandina d’être les instigateurs de son supplice. Ces derniers étaient des membres du Zominèton (club de lutte contre les voleurs). Ils ont accusé Alassane Diop d’être un voleur avant de le brûler. Il a dit que Bréhima Camara connaissait Yorobo et aurait même assisté à la scène du lynchage étant sur sa terrasse. Il a précisé que sur les vidéos du lynchage de son collègue qui circulent, les agresseurs sont visibles.

    Dans son réquisitoire, le ministère public a reproché à Bréhima Camara sa mauvaise foi dans cette affaire. Mais, l’a-t-il averti, “tu es face à des juges avertis qui savent faire la part des choses”. Il a invité la Cour à intégrer les propos de Moussa Traoré (partie civile) dans leur analyse pour faire éclater la vérité et asseoir la culpabilité des accusés afin de faire justice avec l’application de la loi pour que la vindicte populaire puisse être éradiquée. “Et le peuple malien attend cela de vous”, a-t-il dit à la Cour.

    L’avocat des inculpés, Me Mahamadou H. Sidibé, a fait part de sa peine dans cette affaire, car, a-t-il soutenu, l’instruction a été faite à charge seulement ? Pour lui ses clients ont été accusés à tort sans enquête. “Le juge d’instruction a seulement travaillé sur les accusés sans enquête. Le juge d’instruction et la police ont ignoré le principal coupable qui est en fuite. Aboubacar Diallo ne peut pas être retenu dans les liens parce qu’il ne sait rien de cette affaire. La question fondamentale est de savoir pourquoi Alassane Diop était dans la rue à 3 h du matin le jour de son lynchage ? La participation d’Aboubacar Diallo est douteuse. Mieux vaut acquitter quelqu’un par doute que de condamner un innocent”, a-t-il plaidé.

    D’après l’avocat, Bréhima Camara a été victime de son aura d’homme politique. Il a demandé à la Cour de déclarer Bréhima Camara non coupable et de récompenser Aboubacar Diallo pour sa franchise et son honnêteté. Comme dernier mot, Aboubacar Diallo a regretté les gifles qu’il a infligées à la victime. Dépassé par le cours du procès, Bréhima Camara n’a pu rien dire.

    Dans sa délibération, la Cour a innocenté Aboubacar Diallo et Bréhima Camara qui ont été acquittés. Par contre, Bintou Traoré (épouse de Bréhima Camara) et Karamoko Camara (son enfant) qui n’ont pas comparu, ont été jugés par contumace et condamnés à la peine de mort.En arrêt civil, les 6 millions de dommages et intérêts demandés par Moussa Traoré (partie civile) ont été validés par la Cour. Les inculpés ont été condamnés au paiement de cette somme.                                        

     Siaka Doumbia, envoyé spécial

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