Ahma Mahamadou, né vers 1977 à Bayetou, région de Gao, est berger-éleveur domicilié audit lieu de naissance. Il était devant les jurés de la Cour d’assises de Bamako, le mardi 26 octobre 2021, pour actes de terrorisme par appartenance à un groupe de combat, détention, port et transport illégal d’arme de guerre et de munitions en lien avec une entreprise terroriste. Il a été reconnu coupable.
Il résulte de l’information les faits suivants : au cours d’une opération de reconnaissance de zone dans la localité d’Amalaoulaou, région de Gao, les éléments de la force Barkhane ont procédé à la capture des nommés Souïbou Ousmane Dicko et Ahma Mahamadou, le 29 avril 2020 et ont été remis aux autorités maliennes, le 7 mai 2020.
Au moment de leur capture, ils étaient à proximité d’un lot de matériels de guerre. Sur instruction du procureur de la République en charge du pôle judiciaire spécialisé une information judiciaire a été ouverte contre eux.
Les faits reprochés à Souïbou Ousmane Dicko sont d’une extrême gravité et doivent être fondés sur des éléments de preuves matérielles, sans équivoque. Tant à l’enquête préliminaire qu’à l’information, il n’a pas reconnu les faits.
Les circonstances de son interpellation telles que décrites dans le procès-verbal d’enquête préliminaire n°100 du 1er juin 2020 de la Brigade d’investigations spécialisées et dans le procès-verbal d’interrogatoire sur le fond, en date du 30 juin 2020, ne sauraient expliquer son appartenance à un groupe terroriste. Il n’a été retrouvé en possession d’aucun objet dangereux au moment de sa capture et aucun autre élément probant des pièces du dossier de l’information n’a pu être recueilli de façon formelle, pour établir un lien quelconque entre lui et un groupe terroriste quelconque, encore moins avec son coinculpé, Ahma Mahamadou.
A supposer que le lieu de sa capture ne soit pas loin du lieu où le matériel de guerre et de munitions a été retrouvé, cela ne saurait aussi justifier les faits à lui reprochés. Aucun témoignage ou renseignement quelconque n’a pu être recueilli, par ailleurs, pour attester du comportement peu catholique de l’inculpé, surtout que le jour de sa capture, les militaires de la force Barkhane ont pourchassé par voie aérienne des individus dans la forêt d’Ikita. Dans ces conditions, il n’est plus facile de distinguer un présumé terroriste d’un éleveur qui est à la recherche d’herbes et d’eaux pour ses troupeaux.
Aux termes des dispositions de l’article 182 du code de procédure pénale “Si le juge d’instruction estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention ou si l’auteur de l’infraction est resté inconnu ou s’il n’existe pas de charge suffisante contre l’inculpé, le juge d’instruction déclare par une ordonnance qu’il n’y a lieu à suivre”.
Par contre, l’inculpé Ahma Mahamadou a été capturé en possession d’effets militaires composés de talkie-walkie, de chaussures de combat, une arme de guerre de type AK47, six chargeurs et 178 cartouches.
Il se dit être membre de la milice Songhaï “Ganda-Izo” qui a pour idéologie le nationalisme malien. Formée en 2009, cette milice a pour objectif de maintenir l’unité sur le territoire du Mali. S’il était réellement membre de cette milice, il n’avait pas besoin de prendre la poudre d’escampette à l’aperçu des militaires de la force Barkhane. Il faut croire que son déplacement à moto avait d’autres objectifs que de rechercher ses animaux volés, sinon il devait plutôt saisir les autorités compétentes, requises en la matière pour dénoncer le préjudice subi.
A la barre, Ahma Mahamadou déclare qu’il était à la recherche de ses animaux qu’il avait perdus et lorsqu’il a vu la force Barkhane, il a pris peur.
A la question de savoir comment il s’est procuré l’arme, il répond : “C’est mon père qui m’a acheté le fusil.” Mais pourquoi a-t-il fui en voyant la force Barkhane ?
Un conseil lui demande s’il avait besoin de tout un arsenal de guerre pour sa propre sécurité. Ahma Mahamadou indique que c’est un endroit très fréquenté par les militaires et qu’il a eu les effets militaires par terre. Le président de la Cour lui notifie pourquoi avoir déclaré qu’il appartient à Ganda Iso, un groupe d’autodéfense progouvernemental. Ce qu’il n’a jamais pu prouver ? Il ajoute que rien ne prouve qu’il n’est pas terroriste face à cet état de fait.
Le ministère public a indiqué qu’il est rare que les terroristes se reconnaissent terroristes à cause de leur fragilité mentale et leur jeune âge, à l’exception de Fahaouz qui a donné même les détails de leur mode opératoire.
“L’accusé a tenté de nier les faits en déclarant qu’il est un combattant de la milice d’autodéfense Ganda Iso sans preuve. La radio talkie-walkie retrouvé sur lui permet de fournir des renseignements au groupe terroriste contre l’armée malienne et les forces alliées. Concernant l’arme qu’il avait sur lui lors de son interpellation, c’est pour combattre les forces maliennes et non pour sa sécurité, comme il tente de nous faire croire. Ces jeunes, à chaque fois qu’on les interpelle, déclarent : je ne suis qu’un berger, je gardais mes animaux au moment de mon arrestation, je ne sais rien de cette affaire ou des armes”, a fait savoir le Parquet.
Quant à la défense, elle signale que les faits ne doivent pas se fonder sur les procès-verbaux et que la dernière instruction, c’est à la barre. “Ces zones ne sont pas sous contrôle de l’armée malienne. Si l’État a failli à sa mission de protection des citoyens et de leurs biens, il y va de soi que les gens assurent leur propre sécurité”, martèle l’avocat de la défense.
En fin de compte, les juges, après leur délibération, ont reconnu Ahma Mahamadou coupable des faits à lui reprochés et l’ont condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, au paiement de 10 millions de Fcfa d’amende et 2 millions de Fcfa comme intérêt civil à verser à l’Etat malien.
Marie DEMBELE