En cette période de l’année, les mômes sont particulièrement friands des baignages et grimpent beaucoup sur les manguiers à la recherche de leurs délicieux fruits.
Les mois de mars, avril et mai constituent une période de grandes inquiétudes pour les populations de Koulikoro. Et pour cause. C’est la période au cours de laquelle l’on enregistre une augmentation des noyades dans le fleuve Niger. “Ces mois pour nous, mères de famille, sont des moments où nous courrons derrière les enfants de peur qu’ils n’aillent au fleuve se noyer où de grimper sur un manguier et risquer de se fracturer un membre après une chute”, témoigne Kadiatou Singaré. “Les noyades sont généralement fréquentes pendant la période de grande chaleur où les jeunes sont attirés par la plage. Là, ils passent des heures à se baigner pour se rafraichir”, explique un pêcheur.
Le 22 mars dernier, deux jeunes se sont noyés dans le fleuve Niger au cours d’une baignade. Il s’agit en l’occurrence de Issa Traoré, élève en 10è au lycée Dioba Diarra et de son ami Issa Diarra, élève en 9è année à l’école Delassus Camara. Ila fallu une semaine pour retrouver les corps. Une angoisse insupportable pour les parents.
Pour le père de l’un des défunts Abdoulaye Traoré, professeur au lycée Dioba Diarra, il est inadmissible que les corps soient retrouvés à plus de 50 km du lieu de la baignade et après une semaine. Même s’il connaît l’explication à cet état de fait.
“Les populations riveraines qui ont vocation de retrouver les corps des noyés se disent traumatisées par les nombreuses auditions par les services compétents. C’est pourquoi elles ignorent les corps flottants qui peuvent dériver par le courant souvent sur une centaine de km”, explique notre interlocuteur. Il pense que les services compétents doivent alléger les auditions afin de mettre les populations riveraines à l’aise. Il estime aussi que la mairie doit être plus stricte en matière de surveillance de la plage car bien que le patrimoine soit commun la plage est sous la responsabilité de la mairie.
La sécurisation n’est pas une mince affaire car elle coûte excessivement cher et la mairie n’a pas les moyens pour ce faire, rétorque le maire de Koulikoro Youssouf Baba Traoré. Depuis la grande vague de noyades de 2005 où il y a eu plus de dix morts et disparus, la mairie a abandonné l’exploitation de la plage, rappelle-t-il. Cependant elle accorde son autorisation aux structures qui la sollicite pour organiser des manifestations. “Nous sommes partants pour ces genres de regroupement car il existe désormais une association de maitres nageurs et un service de la protection civile. Ces protections n’existaient pas en 2005. Toutefois, conclut le maire, la sécurisation de la plage figure en bonne place dans les perspectives de sa structure.”
Aussi la période des mangues constitue une source de souci pour les parents à Koulikoro. De sources médicales et scolaires les fractures sont fréquentes parmi les élèves et les enfants non scolarisés. Même s’il n’y a pas de statistiques, la fréquence des cas de fractures doit interpeller les autorités de la ville. Heureusement, pour le moment, on n’a pas encore enregistré de perte en vie humaine comme ce fut le cas l’année dernière. Le début de l’hivernage coïncide avec la période des mangues. C’est le moment idéal pour les garçons pour grimper sur les manguiers afin de cueillir des fruits. “Les blessures jouent beaucoup sur les études des enfants”, regrette un enseignant de l’école de Delassus Camara.
Quant aux filles elles opèrent dans les vergers de mangues entre 4 heures et 6 heures du matin. Elles sont généralement organisées en groupe de deux à cinq jeunes filles, munies de perches pour cueillir les mangues. Les seaux et de bassines servent à transporter les mangues. Pour s’éclairer, elles utilisent des lampes torches ou des téléphones portables. Il yen a qui, parfois, bravent l’obscurité s’exposant ainsi aux dangers comme des morsures de serpents. Souvent des affrontements éclatent entre les groupes qui se disputent l’occupation de zones.
Les jeunes filles se disent prêtes à braver tous les dangers et invoquent souvent le proverbe : “Qui laboure au soleil mangera à l’ombre”. Aïssata Kané, 10 ans, explique que la cueillette des mangues lui permet d’aider sa mère, son père étant décédé. “L’argent que je vais recevoir après la vente de ces mangues servira à l’achat de mes chaussures et des bricoles”, ajoute-t-elle. “Il faut apprendre à se prendre en charge”, croit fermement Kadidia Fofana, 12 ans.
La plupart des parents estiment que loin d’être répréhensible la cueillette des mangues par les filles entre purement dans un cadre éducatif et culturel. “Il faut apprendre à l’enfant à se débrouiller afin qu’il soit indépendant économiquement. Ces aventures permettent de former et préparer ces filles pour l’avenir”, estime Karamogo Kané. Surtout que l’avenir est de plus en plus difficile à assurer au moment où il n’est pas facile pour les jeunes de se trouver un emploi.
Source : Amap