Mopti : Les bourgoutières de la mort

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    La gestion des bourgoutières de Mopti est un vieux problème dont la solution reste encore à trouver. Pendant ce temps, chaque année, la 5e région est le terrain d’affrontements meurtriers entre éleveurs et cultivateurs à propos de ces bourgoutières.

    Un ancien, juge d’instruction au tribunal de première instance de Mopti, nous fait une analyse de la situation.

    Le secteur primaire (agriculture, élevage, pêche) constitue le substrat de l’économie à Mopti où, l’agriculture, l’élevage et la pêche constituent les principales activités économiques.

    La région est aussi bien arrosée par le fleuve Niger et le Bani que par les mares et des lacs. C’est pourquoi, la terre ferme est un enjeu majeur dans la région. Ce qui donne tout son sens à la maxime :  “qui terre a, guerre a”.

    En effet, l’agriculture, le pêcheur et l’éleveur ont tous besoin d’eau. Or, comment accéder à cette eau sans traverser une portion de terre, cette terre précieuse, parce que non seulement, elle nourrit l’homme, mais aussi le bétail avec le “bourgou”, cette plante fourragère qui a donné son nom à la zone où elle pousse, cette terre tant convoitée parce qu’elle met aux prises quotidiennement, agriculteurs entre eux-mêmes, éleveurs entre eux-mêmes ou agriculteurs et éleveurs. Quelques fois, les problèmes naissent entre les pêcheurs eux-mêmes.

    Ces conflits que l’on nomme communément les conflits du “Bourgou”, tirent leur origine dans la propriété coutumière des terres de culture et des pâturages ou dans la thèse du premier occupant ou du dernier conquérant.

    Ces conflits s’expliquent aussi par la multiplicité des pouvoirs qui se sont succédés et qui avaient chacun, une façon différente de gérer la terre et les pâturages.

    Ainsi, la région avait été successivement sous le joug des Ardos (du 17e siècle au 18e), de la Dina de Sékou Amadou (de 1818 à 1860), des Toucouleurs (de 1860 à 1894), de la colonisation française (de 1894 à 1960), de la République du Mali (de 1960 à nos jours).

    Et l’absence de normes écrites en la matière, entraîne à son tour, des velléités chez certaines personnes à tourner le sens des coutumes, à les interpréter seulement dans le sens de leurs intérêts ;

    Quant donc, se posent les problèmes devant les tribunaux, ils portent déjà en eux-mêmes les germes des difficultés de leur résolution.

    Comment en effet, résoudre un problème, lorsqu’il est mal posé ?

    Ces difficultés de résolutions, font de ces litiges, de véritables casse-tête chinois pour le juge chargé de les trancher.

    Et pour cause, celui-ci, n’a à sa disposition, pour ce faire, aucun texte écrit : les coutumes qui régissent la matière, n’étant pas codifiées. Or le juge doit trancher, sous peine de commettre un déni de justice. Ce qui fait que le règlement de ces litiges, procède d’une gymnastique intellectuelle assez déplaisante. Voilà qui pose la problématique des bourgoutières.

    Cas de conflits du bourgou

    Par conflits du bourgou, il faut entendre tous les conflits qui naissent dans le bourgou, c’est-à-dire où pousse cette plante tant convoitée par les agriculteurs, éleveurs et pêcheurs.

    Ces conflits naissent assez souvent entre le bailleur d’une portion de terre et son locataire.

    Il s’agit essentiellement du paiement de redevances et de la transformation du droit du locataire en droit de propriété.

    En effet, certains locataires refusent souvent de s’acquitter de la redevance coutumière qu’ils doivent au bailleur, ou payent moins que ce qu’ils doivent.

    Parfois, c’est le bailleur lui-même qui, soit dans une ambition mercantile, soit pour faire déguerpir son locataire, monte les enchères en augmentant le montant des redevances, les mêmes qui, de par les coutumes, ne sont en réalité que symboliques.

    Il y a aussi, le cas de certains locataires qui, profitant d’une exploitation durable d’une parcelle de terre qui leur a été donnée en location, tentent de s’en approprier.

    Parfois, ce sont des parcelles de terres qui ont été données en location par un chef de famille à un ami ou par le chef de village à un étranger ou à un homme de caste.

    Au décès de ces bailleurs (chef de famille, chef de village) leurs descendants essayent le plus souvent de reprendre les parcelles louées. Or, dans ce cas, du fait que ces parcelles sont passées entre les mains de plusieurs générations, les locataires ou leurs descendants pensent être les propriétaires, alors qu’ils ne sont que les détenteurs précaires, malgré le temps qu’à duré le prêt.

    Les contestations peuvent porter aussi sur la propriété même de la terre.

    Les cas de figure se présentent comme ceci : un propriétaire abandonne son champ de culture durant des années, une autre personne vient l’occuper sans s’en référer à quiconque et s’érige en propriétaire. Le vrai propriétaire, introduit une action en justice pour reprendre son champ. Ainsi, deux propriétaires contestent mutuellement aussi souvent, les limites de leurs champs. Ces conflits entre agriculteurs sont de loin les plus nombreux, à côté de ceux entre agriculteurs et éleveurs.

    Conflits entre agriculteurs, éleveurs et pêcheurs

    L’éleveur qui avait le droit coutumier de faire abreuver ses bêtes à une mare ou à un point d’eau situé en plein milieu de terres cultivées par des agriculteurs, avec la sécheresse qui a entraîné l’assèchement de ces points d’eau et la mort de son bétail, a changé de métier et est devenu agriculteur. Pour ce faire, il réclamera la propriété de la portion de terre demeurée après l’assèchement ; or, l’agriculteur la lui contestera dans ce cas.

    L’agriculteur qui transforme un harima (pâturage réservé aux vaches laitières pour la consommation domestique, après le départ des animaux pour la transhumance) en champ de culture, ce que ne lui tolérera pas l’éleveur.

    L’éleveur à la quête d’un point d’eau au milieu du champ de culture, ou à la quête de pâturage, se heurte souvent au courroux de l’agriculteur qui lui refuse le droit de passage, en prétextant les dégâts que subirait son champ.

    Un Djowro affecte une partie de son domaine pastoral à un agriculteur contre redevance, celui-ci refuse par la suite d’exécuter les termes de ce contrat.

    Le Djowro sollicitera alors son déguerpissement. Très souvent aussi, des conflits naissent quand les troupeaux des éleveurs sont trop peu nombreux.

    Devant les tribunaux de Mopti, les conflits qui opposent seulement éleveurs sont très peu nombreux. Le plus souvent, ils naissent à l’occasion des revendications de titre de Djowro ou des tentatives de destination des Djowro. Il s’agit parfois aussi de l’empiétement d’un Djowro sur l’espace pastoral d’un autre Djowro.

    Moins souvent, il s’agira de la violation de l’ordre de préséance lors des traversées ou pendant le mouvement des troupeaux : de la violation des emplacements assignés aux troupeaux dans les gîtes d’étapes assignés aux troupeaux pendant leur mouvement vers la transhumance ou encore de l’accès d’un troupeau dans une bourgoutière sans autorisation préalable du Djowro.

    A côté de ces trois gammes de conflits, il y a les conflits qui opposent (très rarement, en tout cas devant le tribunal civil de Mopti), les pêcheurs entre eux.

    Ces différents conflits que nous venons d’énumérer sont hélas, d’année en année, de plus en plus meurtriers. L’on se souvient encore de la bataille qui a opposé en 1993 les villages peuls de Sossobé et Salsalbé et qui s’est soldée par la mort d’une cinquantaine d’éleveurs et de plusieurs blessés. Des bourgoutières étaient à l’origine du massacre.

    En 1995 encore, 8 paysans et éleveurs ont été tués et 23 autres gravement blessés suite à un conflit qui avait opposé à Konio (cercle de Djenné), des agriculteurs marka et des éleveurs peuls.

    Face à ces litiges fonciers avec leurs bilans macabres, la question est de savoir quel droit appliquer ? Comment appliquer ce droit ?

    Histoire…: du cultivateur et du lion

    Cultivateur de son état, Fadiala Keïta est domicilié dans son village natal à Toumoudjiman (arrondissement de Toukoto). Comme d’habitude, il s’arma de son fusil de chasse le 24 août et prit le chemin qui devait le mener à son champ. Regardant à droite à gauche, s’il n’y avait pas un gibier pour son repas de midi, Fadiala qui était déjà loin de son village, rangea son arme, quand tout à coup, un couple de lions vint lui couper la route. Paniqué, il prit ses jambes au cou, laissant échapper dans sa fuite un coup de feu qui ne fit qu’accélérer sa course. La distance que Fadiala effectuait en un quart d’heure, il l’a courue en quatre minutes.

    Au village, il trouva du renfort et de retour sur les lieux, les chasseurs de lion, encerclèrent la zone. Fadiala quant à lui fatigué décida alors de se retirer du groupe pour reprendre son souffle. Mais à peine s’était-il assis sous un arbre qu’à deux mètres de lui dans les buissons, un lion le regardait droit dans les yeux. Un cri de secours et Fadiala n’ayant pu grimper à l’arbre d’a côté, tomba évanoui.

    Les coups de griffe de l’animal le réveilleront de son sommeil, mais Fadiala ne trouva comme solution que de faire le mort. Comme s’il avait soupçonné sa victime, de vouloir le duper le lion se coucha à côté de lui. Les compagnons du pauvre Fadiala observaient la scène. Faut-il tirer sur l’animal ? Non, car les cartouches pourraient toucher le cultivateur. Fadiala de son côté, ayant son fusil chargé à quelques centimètres, ouvrait de temps en temps les yeux et se demandait s’il fallait tenter de fuir ou de se saisir de son arme. Il ne se décidait pas et au loin, ses compagnons lui proposaient toutes sortes de solutions. Mais, les chasseurs ne recevant aucune réponse de Fadiala, le croyant mort, décidèrent alors de distraire l’animal afin de l’éloigner de Fadiala. Le lion accepta le jeu, s’éloigna d’une dizaine et de mètres de sa victime dont les habits étaient mouillés… de sueur. Alors, d’un bond, Fadiala sauta sur l’arbre sous lequel il était couché. Un coup parti de son arme dont la gâchette avait été déclenché au toucher de son pied et atteignit à tout hasard l’animal qui bondit à son tour sur Fadiala. Celui-ci qui n’avait pu monter sur l’arbre au début de l’événement, était déjà sur la cîme. L’animal blessé a été alors achevé par les compagnons du rescapé. Fadiala cependant n’a accepté de descendre de l’arbre que lorsque, l’animal fut débarrassé des lieux.

     

    Boubacar Sankaré

     

     

     

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    2 COMMENTAIRES

    1. Mon village est miné par des problemes de ce genres. A force de donner leur terre en cadeau à leurs visiteurs, les autoctones, sont à leur tour amenés à fiare le mandiant de sol de leurs visiteurs, car ils avaient tout donné à ces derniers.

    2. Les Keita étaient des “Town-tigui” c’est-à-dire “des détenteurs des moyens de guerre”. Mais aujourd’hui c’est des “détenteurs de moyens de séduction des femmes”. Voyez vous même ce Fadiala qui se fait chasseur alors qu’il est gibier.
      Le Mali est ainsi actuellement fait;Les anciens guerriers (les Keita)ont fuit les armes et nous nous sommes donc obligés de tenir les deux rôles (religieux et militaire). Ah! les Keitas, les pauvres!!!!

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