Mariage des porteurs d’uniformes : Souvent, le bouchon du bizutage est poussé trop loin

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    Une mariée entre les mains des collègues de son mari porteur d’uniforme

    Mettre la conjointe d’un frère d’arme dans le bain des exigences du métier est peut-être acceptable dans l’esprit. Mais certains fervents adeptes de la pratique font dans la démesure

    Ce dimanche 31 octobre 2021, le sergent-chef de police Mohamed Samaké épouse sa femme à la mairie de la Commune III du District de Bamako. Il était environ 9 heures quand le sous-officier de police est apparu dans la cour de la mairie avec sa future épouse.

    Le couple est ensuite admis dans la salle de célébration des mariages où un officier d’état-civil scelle leur union pour le meilleur et pour le pire. Parents, amis et invités attendaient le couple à sa sortie de la salle de célébration. Qui pour voler un baiser à l’heureuse élue, qui pour immortaliser l’instant auprès des mariés dans une atmosphère de kermesse.

    Sur ces entrefaites, des policiers (tous élégamment mis en uniforme de police) font irruption dans la cour de la mairie dans un brouhaha indescriptible. Ils enlèvent la désormais Mme Samaké Assétou N’Diaye et menacent de la manœuvrer si leur supérieur ne s’acquitte pas d’une rançon de 100.000 Fcfa. Visiblement très inquiète, la marraine de Mme Samaké tente de les raisonner en vain. Le meneur du groupe explique que ses compagnons et lui ne céderont qu’à une seule condition. «Nous la laisserons tranquille, si on nous offre cette somme et dix casiers de boissons». N’ayant pas obtenu satisfaction, en tout cas sur place, les policiers « kidnappeurs» et disparaissent avec la mariée.

    Cette pratique est courante. Certains corps de métier en
    sont friands. Elle consiste à prendre en otage l’un des mariés et de le
    soumettre aux épreuves d’initiation au corps de métier du conjoint ou de la
    conjointe. Chez les porteurs d’uniformes, c’est un rituel très souvent réservé
    aux femmes d’officiers qui sont soumises à des brimades et des plaisanteries de
    mauvais goût. Si la lettre de la pratique ne gène pas forcément, son esprit a été
    dévoyé avec souvent des scènes de violence ou des manœuvres dans la démesure.
    Ce qui peut mettre en danger la vie, très souvent de la mariée.

    Le meneur du groupe explique sans ambages que cette pratique
    n’a rien de méchant. C’est juste une forme de bizutage de la nouvelle mariée ou
    du nouveau marié afin de comprendre l’esprit de la corporation. On peut lui
    concéder volontiers cette explication mais, il n’est pas rare de voir certains
    aller au-delà de l’acceptable, du tolérable, en imposant des «efforts
    surhumains» à la personne en question. Accidentellement, des blessures
    physiques peuvent survenir avec des séquelles inguérissables. Souvent, on
    assiste à des décès.

    Ramata Diallo a récemment convolé en justes noces avec son policier d’époux. Elle a subi ce bizutage. On lui aurait versé sur le corps un liquide noir, avant de la traîner dans la boue. Elle en garde un mauvais souvenir parce qu’elle a subi une morsure de serpent. On lui riait au nez.
    Certains filmaient avec les téléphones avant de se rendre compte qu’elle avait urgemment besoin d’être secourue. Elle explique avoir enfoui ce cauchemar dans le plus profond de son être, mais cela refait surface chaque fois qu’elle voit son mari en uniforme.

    Ramata Diallo est même passée par des séances  de psychothérapie dans une clinique de la place.  Dr Ibrahim Dembélé, psychologue explique que la pratique peut impacter la santé psychologique et mettre en péril par exemple la vie de la femme surtout lorsqu’elle est enceinte. Le praticien invite à revoir la copie. «J’invite les uns et les autres à revoir certains us et coutumes et à en garder les meilleurs aspects».

    Cette pratique a été portée à une large échelle parce qu’elle a essaimé parmi bien de corps de métier, notamment les mécaniciens, les menuisiers, les peintres, les footballeurs, les chauffeurs de transport en commun. Chez ces différentes corporations, les apprentis ou les cadets «prennent en otage» la nouvelle épouse de leurs patrons et ensuite exigent une contrepartie en espèces sonnantes et trébuchantes ou des promesses de faveurs.

    Ce même dimanche 31 octobre 2021 et dans la même circonscription, le chauffeur de Sotrama, Djibril Kanouté  avait mis la bague au doigt d’une femme avec laquelle, il venait de se mettre en couple légalement. Ses apprentis présents au rendez-vous entendaient faire baver l’épouse de leur mentor.

    «Je suis le troisième apprenti de Djibril. Il me fait travailler même les dimanches de la semaine. Aujourd’hui, c’est l’occasion de lui soutirer un peu d’argent. S’il tient à voir sa femme, il va devoir débourser 75.000 Fcfa et apporter en plus deux casiers de boissons», a martelé un jeune apprentis chauffeur de 16 ans. La pratique résiste encore à l’épreuve du temps. Mais pour combien de temps ? 

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