Maquis ivoiriens à Bamako : A Bamako, la Côte d’Ivoire est à la mode

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    Il suffirait presque, pour comprendre l’influence des Ivoiriens à Bamako, de sortir une nuit dans l’un des clubs en plein air de la ville. La nuit malienne, autrefois plutôt sage, s’encanaille au son du coupé-décalé, cette danse ivoirienne qui s’est répandue comme un souffle de liberté dans la jeunesse d’Afrique de l’Ouest d’une manière générale et les bamakois en particulier.

    La ville de Bamako s’est transformée en cinq ans en une capitale d’ambiance avec l’arrivée massive des ivoiriens et l’extension de la capitale. Aujourd’hui, les maquis et les restaurants ivoiriens  ont fleuri le long des routes principales de Bamako et les propriétaires  se frottent les mains. Ils profitent de l’arrivée massive des Ivoiriens, chassés par l’instabilité qui suit la guerre civile.

    Sans nul doute Bamako s’est ouverte, a su profiter de la vogue de la World Music et devenir un centre de création artistique pour la région. S’installer au Mali, c’est conserver une étiquette d’Africain «authentique», prisée en Europe. Bamako est une source d’inspiration et un centre de création idéal. Avec l’arrivée de nombreux artistes en exil, beaucoup d’Ivoiriens ont lancé à Bamako des activités culturelles, tirant profit de l’engouement pour la Côte d’Ivoire au Mali.

    Les maquis, institutions de la vie sociale ivoirienne, sont de véritables usines à bière qui cristallisent les reproches d’une partie de la population à 90% musulmane. Depuis l’arrivée des réfugiés, ils pullulent au bord du «goudron» de Bamako. La boisson y parvient sur les tables par casiers de douze bouteilles. Il n’y a souvent pas de murs, et seul le rideau de fumée du poisson qui grille cache les buveurs de la rue. «C’est nouveau pour les Maliens, musulmans à 90 %, de boire de l’alcool en public», affirme Amadou, un client du Maquis Farafina. Toutefois, peu à peu, les Maliens se risquent à leur tour dans les maquis.

    La rue Princesse est une illustration parfaite de cette nouvelle tendance ivoirienne dans notre capitale. En plus des restaurants et les maquis un lieu propice pour la bonne marche de prostitution. Des princesses qui ont le plus souvent la tête pleine. Comme Mariam qui nous aborde dans un français qui remplirait de fierté Victor Hugo. Une bière offerte sur son insistance nous permet d’apprendre vite qu’elle est étudiante. En plus de sa faculté, c’est bien curieuse qu’elle dit fréquenter tous les week-ends la rue princesse. « Je suis arrivée à Bamako pendant la crise qui  a secoué mon pays. Après mon Bac au lycée Kankou Moussa, je me suis inscrit à l’Université de Bamako. Malheureusement pour nous, les bourses ne tombent pas régulièrement et les parents ont du mal à nous prendre en charge. Il faut alors se débrouiller pour ne pas vivre dans la morosité et la précarité », nous avoue-t-elle sans ambages.

    Se débrouiller ? N’est-ce pas aujourd’hui le sport préféré des Maliens qui conduit facilement à tous les vices et à toutes les perversions ? La fille qui s’offre à plusieurs petits amis pour satisfaire ses multiples besoins de branchée, se débrouille.  Elle arrive ainsi à trouver les moyens lui permettant de vivre comme ses camarades dont les parents sont nantis.

    Difficile d’avoir reçu une certaine éducation et de se sentir à l’aise dans ce milieu. Pas seulement à cause de l’alcool qui coule à flots, mais surtout la tenue des nombreuses filles. On s’habille d’habitude pour mettre son intimité à l’abri des regards indiscrets et vicieux. C’est tout le contraire chez les abonnées de la rue Princesse par exemple. Celles qui déambulaient sous nos yeux ce soir-là étaient presque toutes nues pour mieux appâter les clients

    Ahamed et Dj Z, deux danseurs ivoiriens, ont pris place autour d’une bouteille de Koutoukou, une eau-de-vie artisanale à la réputation sulfureuse. Assis sur le banc d’un maquis improvisé derrière les restes au milieu de Faladié « Farafina », on ne distingue pas son verre. La nuit est tombée. Même les bruits se sont tus. Seule certitude: l’odeur du Koutoukou qui s’empare des narines et sa brûlure violente sur les lèvres. 

    Verre après verre, les «vétérans» se plongent dans leur mémoire d’exilés. A travers les ténèbres, la discussion s’enlise dans les souvenirs du pays natal. Les massacres et la fuite ne leur ont pas fait oublier les nuits d’Abidjan. Tous vivent avec des projets de retour.

    Nouhoum Dicko

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